Venus in Furs
De ses bienfaits aphrodisiaques que lui imputaient les romains à sa filiation étymologique avec ce corps céleste qu’est Vénus, Verveine se fait la prêtresse d’une musique érotogène, sensuelle et hypnotique.
Révélée lors des dernières Transmusicales de Rennes il y a bientôt un an, la claire-obscure demoiselle impressionne, seule à la baguette d’une musique qui interpelle aussi bien le corps que l’esprit. A cela s’ajoute le déploiement d’une électro percutante corrélée à des nappes ombrageuses, source d’atmosphères profondes et développées selon un jeu de textures musicales épuré jusqu’à l’os : « Je commence réellement avec Antony, mon deuxième EP, à m’emparer d’instruments électroniques, j’ai axé mon travail sur les textures à défaut de ne pas connaître plus en profondeur les machines avec lesquelles j’ai travaillé. Cela m’a obligé à composer de manière rudimentaire ». Un attrait amplifié par les vocalises de la jeune femme, dont la tonalité solennelle semble imperturbable : « Ma voix est certainement l’instrument le plus exutoire que je possède. Sur scène j’y suis extrêmement attentive car c’est avec cet organe que je suis obligée d’être le plus dans l’anticipation ». Et si son phrasé n’est exprimé pour l’instant que dans la langue de Shakespeare, elle ne rejette pas le français, gardant un œil étonné sur ce qu’il se passe dans l’hexagone : « J’apprécie actuellement dans la musique francophone cet aspect rétro quant au placement de la voix, notamment chez Frànçois and The Atlas Mountains. Cela prouve que l’héritage du chanté-parlé flegmatique de Serge Gainsbourg est encore très présent ».
Touchée par une ambivalence certaine due au déploiement de résonances stylistiques antagonistes, l’onde sonore invoquée par Joëlle tient réellement sa force dans une énergie vivace, qui sait se saisir progressivement des corps en les plongeant dans des songes à la noirceur certaine. « Si ma musique est sombre, cela vient de la recherche harmonique que j’ai effectuée. J’avoue n’avoir pas été capable de créer le moindre son joyeux avec mes machines. Mais je ne pense pas que ma musique soit déprimante, disons qu’elle se veut dramatique. Mon premier EP, Peaks, a été composé au piano ; pour Antony la démarche fut de se porter en premier lieu sur la rythmique, ce qui est une base assez fondamentale dans la musique électronique. C’est un disque qui au final se veut plus énervé que son prédécesseur comme le fait entendre le titre « Veine R #1 ». Je ne fais certainement pas de la musique dite clubbing, mon son pousse davantage à l’hypnose qu’à l’euphorie, je ne veux pas être dans le divertissement ».
Telle une une œuvre d’art (à l’image de l’artwork qui illustre la pochette de son EP Antony), la musique de Verveine se contemple, se pense et se ressent ensuite. Derrière la forme, un dessin, celui de faire se rencontrer une culture élitiste avec une autre populaire : « Un de mes désirs est de faire communiquer la sphère de la musique avec celle de l’art contemporain. Je fais de la musique de manière intuitive et cela doit rester ainsi. J’aime rester indépendante de même que je n’utilise aucun ordinateur sur scène bien que cela puisse changer à l’avenir. S’il est une direction que j’aimerais suivre dans le futur c’est celle du groove. J’aime le downtempo et la trap music, je me verrais bien continuer dans ces eaux-là. J’ai bien conscience d’être encore dans une niche expérimentale mais mon souhait est de créer un pont entre un monde avant-gardiste et celui d’une pop plus grand public ». Des envies porteuses de vertus, en espérant que cette jeune pousse de la musique électronique puisse parvenir à désenclaver les scènes musicales et se faire rejoindre les goûts et les couleurs dans un objet à l’alchimie porteuse d’un nouveau genre comme les années 90 nous y avaient si bien habitués.
Julien Naït-Bouda
Verveine sera en concert le mercredi 14 octobre à La Machine du Moulin Rouge dans le cadre du festival MaMa Event. http://www.mama-event.com/fr/artiste/verveine.
