Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Mell


Dans ta face !

“C’est quand qu’on rigole ?” C’est maintenant et c’est le titre du dernier album de Mell après “Mon pied en pleine face” et “Voiture à pédales”. C’est grâce à sa collection de chansons punk, drôles, émouvantes et énergiques que l’on se retrouve à nouveau face à face avec cette rockeuse engageante qui tranche avec la morosité contemplative de la nouvelle scène.

“Si tu veux planter ton canard, tu me mets en couv !” Chiche ! Au moment où nous la rencontrons et faisons les photos, Mell ne sait pas encore qu’elle est notre cover girl de l’automne. Et pourtant, à l’heure de boucler 2008 au rayon des souvenirs et de dire bonjour à 2009, on ne voit pas trop qui d’autre pourrait être à sa place. Cette petite tornade punk venue de Lorraine a emballé les festivals et commence à être plus connue au Québec que dans l’Hexagone où, pourtant, sa réputation ne cesse de s’élargir. Lauréate du deuxième Prix Olivier Chappe, activiste de la rime, harangueuse de foule, écrivaine pas vaine, Mell est une sacrée personnalité. Le genre de petite nana au cœur gros comme ça, avec une répartie encore plus grosse, et qui peut t’en retourner une si vraiment t’abuses. Une fille trashy sans prendre la pose, que l’on suit depuis son tout premier disque et que l’on va voir dès qu’elle se produit sur scène parce qu’aucun concert ne ressemble à un autre et parce qu’à chaque fois, on sait que l’on va se prendre une bonne poilade. Grâce à son énergie sensible et volubile, Mell emballe tous ceux qui se trouvent sur son passage, que ce soit les Têtes Raides, qui ont craqué en écoutant son disque pendant leur tournée, ou l’équipe de Longueur d’Ondes Québec qui a suivi sa série de concerts de Tadoussac à Montréal. Et vous non plus, vous n’avez pas trop le choix, vous allez l’aimer… ou vous allez prendre une droite. OK pour un KO ?

Brute de décoffrage

“La création est quelque chose d’instinctif chez moi. Ca me vient des tripes. J’ai toujours vécu dans l’urgence, je fonce comme un camion. Rien n’est calculé : j’ai écrit les chansons de mes deux premiers albums en une demi-heure chacune, sans les retoucher. Emballé c’est pesé et hop ! Depuis le lycée, j’ai enchaîné les concerts et les albums. J’ai commencé en rencontrant des musiciens dans un bar ou dans la rue… Je leur ai dit : venez, on fait un groupe ! Rien n’était planifié. Mes musiciens disent que les six dernières années sont passées à une vitesse folle, mais j’ai quand même eu le temps de m’ennuyer ! Je ne compte pas les fois où je me suis retrouvée chez moi, seule sur mon sofa à me dire : merde, ça ne va pas assez vite. Mais je crois que je vieillis : depuis quelques mois, je commence à voir les choses différemment. Je réalise qu’à fond la caisse, ça ne marche pas toujours, que prendre son temps peut avoir du bon. Pour réfléchir, laisser mûrir les chansons, les améliorer… Je n’avais jamais fait ça ! Ma notion du temps change, mais je ne sais pas encore si c’est une bonne chose de s’apaiser.”

Son côté punk

“Sur mon premier album, “Mon pied en pleine face”, je voulais chanter du punk en anglais. Mais tout le monde disait que j’avais un accent pourri, alors je l’ai écrit en français. Du coup, on m’a cataloguée “nouvelle scène française”. Ca m’a fait chier ! Dès le deuxième disque, on a dit que j’étais punkette parce qu’il y a beaucoup de gros mots dedans. Les gens ont besoin de coller des étiquettes, mais ça n’a aucune importance. J’ai appris à me détacher de ces noms que l’on donne bêtement. Et puis, c’est quoi “punk” ? Aujourd’hui, ça veut plus dire grand-chose. Regardez dans la rue ou dans les vitrines : tout le monde s’habille comme en 1977. OK, je fais n’importe quoi sur scène, je pars en live et dis des trucs qui peuvent déranger. Je fais ce que j’ai envie et je me fous du reste, mais être punk, ça ne peut pas se limiter à ça. Je pense que ce mot est à réinventer.”

Des mots crus

“J’écris des mots crus et trash, et alors ? Sur mon deuxième disque, il n’y avait que ça. Bon, c’est vrai que c’était un peu pénible à écouter, mais beaucoup de gens n’ont pas compris que je ne dis pas des gros mots pour le plaisir, mais pour servir un propos. Ils se sont arrêtés au langage sans pousser plus loin. J’aurais aimé qu’ils le fassent, ça m’a un peu blessée. Sur le disque suivant, j’ai écrit la chanson “Les mots crus” pour répondre à ceux qui me reprochaient d’être vulgaire. Le texte n’a que des rimes propres et polies. Enfin, je conclus quand même en disant que chanter des mots crados, ça me file la trique ! On ne se refait pas… Ce n’est pas pour faire la fille méchante ou choquer ; quand on me lit ou m’écoute, j’ai envie qu’on fasse un “oh !” un peu outré, en mettant la main devant la bouche, puis qu’on rigole dans son coin, parce que j’écris des trucs que l’on n’ose pas dire mais que tout le monde pense. Je n’ai pas la prétention de réinventer la chanson. Finalement, je dis la même chose que la plupart des musiciens, je parle de la vie et des peines de cœur, comme Lara Fabian, si si ! Enfin, presque… J’utilise des mots différents. Vous savez pourquoi ? Parce que j’ai surtout envie qu’on se fende la gueule !”

Vivre à fond pour créer

“Quand j’ai commencé à écrire des chansons, vers 16 ans, c’était de l’écriture automatique. Et souvent, ça causait de ma life. Quand tu prends ta guitare et alignes des mots sans réfléchir, c’est forcément ce qui te vient. J’ai longtemps pensé que je n’étais pas capable de faire autrement. Mais quand on ne parle que de sa tronche, on finit par tourner en rond. Je commençais à vivre pour écrire : tenter des expériences avec des gens ou des substances, inverser mon rythme de sommeil ou me mettre la tête à l’envers juste pour voir quelles chansons ça pourrait donner… Comme si je m’étais retirée de mon corps pour en faire une marionnette. Des textes intéressants en sont sortis, j’ai beaucoup appris. Mais ce n’est pas le genre de personne que j’ai envie de devenir. J’ai besoin de nouvelles sources d’inspiration, la ficelle autobiographique est bientôt épuisée. Je viens, par exemple, de finir une chanson sur un fait divers : j’ai compris que je peux aussi mettre de l’émotion dans un texte, garder une écriture à vif tout en me détachant de ma vie. Je vais continuer dans cette voie. D’ailleurs, je pars demain au Québec pour un stage d’écriture. J’ai soif de rencontres, comme une éponge : je nourris la bête, ça finira bien par donner quelque chose !”

Mell poète

“J’écris pour réinventer le monde à ma façon, j’ai besoin de métaphores pour m’exprimer. Mais les chansons ne me suffisent pas ! J’ai toujours gratté des recueils de poèmes à côté. L’écrit permet plus de finesse et de liberté, il n’y a pas de contraintes de forme. Mes textes peuvent faire une phrase ou dix, je m’en fous. Mais quel boulot ! Pour boucler la rime d’une chanson, on peut coller un “yé yé” ou n’importe quel mot à la fin de la phrase, tout le monde s’en fiche… à l’écrit, ça ne passe pas. Et puis dans mes recueils, je m’autorise des phrases encore plus trash que j’aurais un peu honte de chanter sur scène. Ma mère écoute, quand même ! J’ai très envie de tester aussi les formats plus longs. J’ai quelques nouvelles en stock et je pense à un roman, secrètement.”

Têtes Raides

“Avec eux, j’ai senti un avant et un après. Ils m’ont fait profiter de leur aura. On avait besoin de passer une marche après deux albums indés publiés en Lorraine. Grâce aux Têtes et leur label Mon Slip, on a pu avoir quelque chose de national. Je sais qu’il y a des gens qui viennent à mes concerts parce qu’il y a la caution “Mon Slip” ou “Têtes Raides”. Il y a un esprit commun, c’est sûr.”

KO Social !

“C’est la première chanson qui n’est pas venue de moi. Ce sont Christian Olivier et Grégoire, des Têtes, qui me l’ont commandé pour une compile du KO Social en 2005. Je voulais trancher avec la morosité ambiante de l’époque. Cette chanson a apparemment marqué quelques personnes. La chanson a été reprise par un groupe québécois à l’occasion d’un festival cette année. Ca m’a fait tout bizarre de l’apprendre. Moi, j’avais jamais marqué personne, à part des ardoises dans les bars !”

Mell, engagée ?

“Non, je fais des chansons engageantes. On me dit que je suis engagé depuis “KO Social”, mais ce n’est qu’un morceau. J’ai l’impression d’être surtout dans ma bulle d’artiste. Parfois, on a la prétention de se sentir utile pour une cause définie. Mais sinon, je ne suis pas très utile à quoi que ce soit pour les militants. Si je peux participer à une révolution, je serais super contente, mais je doute que j’en sois à l’initiative. Je suppose que c’est énormément lié à la notoriété. On vient te chercher quand tu es un peu plus connue. Pour le moment, je suis peinarde. Et puis, il faut vraiment avoir le temps pour être engagée. Moi, mon temps, je l’utilise pour la création.”

Québec

“C’est fou ce qui se passe là-bas. L’accueil est différent par rapport à la France. Ils s’en foutent de savoir si on est connu ou pas. J’ai l’impression qu’ils ont moins de barrières quand ils vont à un concert. Ils se lâchent instinctivement. Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer. Leur engouement, leurs réactions me galvanisent. Tadoussac ou les Francos de Montréal : chaque concert était magique… On s’est retrouvé à court de CD à vendre ! Maintenant, le disque est distribué et je devrais y faire une nouvelle tournée au printemps 2009 ; j’ai hâte. Mais bon, on se calme, je ne suis pas la Madonna du Québec non plus !”

Prix Olivier Chappe

“Un certain mec m’a envoyé un mail qui disait : “Tiens, c’est un concours, ce serait bien que tu y participes”.” J’avais arrêté de faire des concours car quand tu débutes, tu en fais plein : les Eurocks, les Francos, le prix-ci, le prix-là. T’es obligé pour te faire connaître… Mais bon, la musique n’est pas une compétition. Et quand tu perds, ça te déprime ! C’est rare que l’on vienne te chercher pour participer à quelque chose, alors je suis allé voir sur leur site et l’histoire d’Olivier Chappe m’a touchée. J’ai trouvé ça sain et sans prétention. Une aventure humaine. Si ça avait été un simple concours de plus pour gagner ton poids en cordes de guitare, je n’y serais pas allé. Mais là, on retrouve l’utilité de l’artiste qui peut servir à quelque chose en écrivant des chansons. C’est vraiment quelque chose qui me titille et qui me fait plaisir.”

Aena Leo & Eric Nahon
Photo: Raphael Lugassy

“C’est quand qu’on rigole ?” – Mon Slip

ARTICLES SIMILAIRES