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Martin Luminet

Le bel avenir de la chanson française

Martin Luminet nous avait enchantés avec un excellent premier EP Monstre paru en 2021. Il revient aujourd’hui avec un premier album, Deuil(s) qui va incontestablement l’asseoir à la table des grands de la nouvelle chanson française.

Martin Luminet aurait pu choisir une autre voie que celle de la chanson et reprendre la chocolaterie de son grand-père dans le charmant village de la Clayette en Saône et Loire. Cela aurait été très bien pour l’héritage familial mais dommage pour nous car nous aurions manqué un très grand talent. Au final, du chocolat à la chanson, ne perpétue-t-on pas, finalement, d’une certaine manière la même chose : le savoir faire et l’artisanat. Cette chocolaterie qui plus est l’auteur-compositeur ne l’abandonne pas. Son album rend ainsi pour partie hommage à ce grand-père adoré :
« Il a été une grande source d’inspiration pour moi. Il m’a légué le fait de faire un métier de passion et de faire du bien aux gens. Nous nous sommes plus compris en prenant des chemins différents qu’en choisissant le même travail. »

 

 Deuil(s) porte bien son nom évoquant la perte d’un être cher, la fin d’une relation amoureuse et la mort d’une société qui ne porte plus ou si peu un quelconque idéal de vie. Ce qui ne veut pas dire – et c’est la grande force de l’auteur – que ce disque soit triste. Martin Luminet nous amène vers quelque chose de profondément émotionnel et qui touche à l’intime :
« J’avais l’envie d’une intimité collective. Nous sommes tous traversés par les mêmes émotions. Je ne voulais pas englober la masse comme on le fait généralement pour le grand public. La rupture amoureuse, la perte d’un être cher nous l’avons tous vécu. »

 

Ce monde qui va mal Martin Luminet l’analyse avec une grande lucidité :
« Je suis humaniste et de gauche mais le monde est foncièrement de droite. Je constate nos erreurs sans être pour autant donneur de leçons. Nous sommes tous responsables, chacun à notre échelle. Dans “Époque” je parle de ma génération mais pas seulement. Cette époque est terrifiante. Elle est d’une brutalité sans nom. Je suis étonné que le milieu de la musique parle peu de tout cela. La chanson n’est plus engagée. Au moment précis où le monde est en train de brûler on préfère faire du disco. Le cinéma s’empare davantage des sujets sociétaux. La musique est à la fois un art et un business. J’ai l’impression qu’aujourd’hui elle n’est plus que business. Je ne sais pas si dans le futur on se souviendra de cette période musicale de ce fait. Le rap en est l’exemple le plus flagrant, passant en quelques années de Youssoupha à la galerie marchande. »

Musicalement, sur cet album, Martin Luminet s’éloigne quelque peu du spoken-word qui était omniprésent sur son EP pour assumer davantage un côté chanson qui lui va bien :
« Je voulais quelque chose d’organique, quelque chose qui se rapproche de la chair. Je trouvais de ce fait qu’il convenait de laisser plus de place au chant. J’avais envie de quelque chose qui parle tant au corps qu’à l’esprit, faire quelque chose qui ne soit pas qu’intellectuel. Je n’ai pas une culture chanson. Je suis rentré à la musique par les mots. Je trouve réjouissant d’englober le rap, la chanson et le spoken-word. »

 

À travers ce disque, l’auteur s’interroge sur les questions qui traversent notre société actuelle comme la masculinité/féminité que Martin évoque avec une rare intelligence dans le titre “Garçon” :
« J’ai eu la chance de grandir aux côtés de garçons qui n’étaient pas dans un truc machiste. Ils étaient des garçons sensibles comme moi. Nous n’étions pas dans une course à la virilité. Mon cercle d’amis était ouvert d’esprit, ce qui est une chance. »

 

Mais peut-être plus encore que de la société ou de l’intime, Martin Luminet parle dans son disque de ce sujet universel qu’est l’amour :
« C’est un sujet qui me fascine. On a parlé pendant deux mille ans d’amour alors que c’était surtout de la violence. Les questions autour de l’amour me parlent. On a beaucoup écrit là-dessus au travers des siècles. Pour un chanteur parler d’amour cela peut sans doute faire cliché, mais après #MeToo on a tout repensé, ce qui est bien. On peut aujourd’hui écrire sur ce sujet d’une manière différente. »

Texte : Pierre-Arnaud JONARD

Photos :  Anoussa CHEA

Deuil(s)

Full Sentimental/La percée

https://www.facebook.com/martin.luminet.le.chanteur/

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