Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

FRANCOS DE MONTRÉAL DU 10 AU 18 JUIN 2022

Jour 3

En cette troisième journées de folies montréalaises, le soleil a choisi de bouder la ville. Des orages menacent et malgré une chaleur lourde et épaisse, les averses sont nombreuses. Ce n’est pourtant pas le temps qui détourne le festival de sa mission : rappeler qu’on peut tout chanter en français.

 

Alors le soir, vaillant, l’évènement ouvre ses portes. Sur les pelouses, le public s’installe d’abord tranquillement, en petit nombre. Ce ne sera pas à l’image d’une soirée remplie de rires et de communion. L’herbe est mouillée ? Eh bien dansons, d’autant plus que les orages, eux, ont choisi de laisser les Francos se dérouler sans s’y inviter pour ne revenir qu’après la dernière note distillée.

Chaleur tropicale

Côté programmation, Cléa Vincent se produit dès 18 heures sur la scène Loto Québec. la chanteuse française maîtrise sa pop qui touche à la chanson et est surtout ici pour défendre son dernier EP paru cette année Tropi-cléa 3. La musicienne colle parfaitement à ce décor d’été. Ses sonorités ont une force rétro-pop 80’s, l’humeur solaire du meilleur de L’Impératrice, une voix aigüe qui rappelle Sabine Paturel et ses bêtises. Pourtant ce sont surtout des sonorités latines qui ajoutent de la levure à la pâte de ses compositions. Forcément l’alchimie est là et hypnotisé le public se laisse porter au creux des vagues. Poussée par l’instant, elle tente une dernière chanson qui est arrêtée, l’heure c’est l’heure.

 

Au lieu de quoi, il faut prendre une machine à remonter dans le temps pour découvrir sur scène la grande troupe d’Allô Fantôme. Le projet de Samuel Gendron surprend. Entouré de 8 musiciens, il propose une promenade dans la pop des années 70. Flûte, saxo et clavier s’invitent à cette opération géante qui frôle le rock et touche au psyché. La couleur est pourtant à une pop vive et sucrée, lien idéal avec le set précédent. L’exercice pourrait s’avérer périlleux et tomber dans la cacophonie, il n’en est rien. La maîtrise impeccable des instruments, un son bien dosé et le tour est joué, le groupe devient rapidement un coup de coeur de cette édition.

Côté Scène des Jardins, le hip-hop très présent cette année se dévoile sous les traits de Lova. La jeunesse Montréalaise en est folle et l’hôte du moment s’amuse avec elle, demandant à son DJ de remixer quelques classiques à sa sauce pour mieux lui permettre de danser. Sonorités orientales s’ajoutent à un set très rap et une voix qui pourrait s’inspirer de PNL. Un brin déjà vu certainement, le set séduit surtout parce qu’il chauffe les foules.

Chanter la perte

C’est pourtant une soirée très particulière qui attend les festivaliers. En effet le 17 janvier 2022, le musicien Karim Ouellet, né en 1984 décédait dans son studio. Le jeune chanteur originaire du Sénégal, grand ami des Francos, laissait derrière lui public et musiciens, choqués par son départ prématuré. Le festival tenait donc à lui rendre hommage sur la scène Bell, la plus grande de l’évènement. Et pour cette bonne raison, le tout Montréal s’est déplacé en masse. Au programme donc, un moment intitulé Bye bye Karim : la veillée des ami.e.s. Pour lui rendre hommage, de nombreux grands musiciens ont choisi de reprendre ses titres.

La beauté du moment tient à la pluralité d’interprétations de morceaux aux notes “chanson française” solaires. Entre les mains de chacun, le répertoire change de tonalités. Il devient plus doux, plus rock, plus hip-hop et des collaborations qui n’auraient su exister prennent une vie. Le moment est beau, touchant, vibrant et sincère. Le visage de Karim lui, est projeté sur un immense immeuble derrière la scène. Son regard bienveillant lui permet de participer via ces projections à ce moment de communion.

Un petit garçon est même invité à interpréter quelques notes. Des larmes à la joie il n’y a qu’un pas et ce live célèbre surtout une vie de passion et de musique. Ces compositions le rendent immortel à travers les voix d’Hubert Lenoir, Arianne Moffat, Valaire, Alaclair Ensemble, Claude Bégin, Fanny Bloom, La Bronze, Sarahmée  et Claudia Bouvette. La musique unie, elle défie la mort. Dans l’assistance frissons et larmes sont les bienvenus.

Un moment magique et inoubliable qui rappelle que les Francos de Montréal sont aussi une grande famille qui sait s’unir derrière les siens. Il faut d’ailleurs un temps pour retrouver ses esprits dans la chaleur de la ville quand la soirée se conclut. La pluie a choisi en toute discrétion de se retirer pour mieux montrer le respect qu’elle aussi a pour ce grand musicien. Pas pour toute la nuit car, comme par magie, elle fait son grand retour une fois les festivités terminées. Il faut rentrer en courant se mettre à l’abri alors que ses torrents semblent revenir sur l’humeur de la perte. Demain, la fête sera encore plus belle. Tant mieux les Francos continuent jusqu’au 18 juin.

Texte : Julia ESCUDERO

Photos : Laura NAVAL

 

ARTICLES SIMILAIRES