Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

THE FUNERAL WAREHOUSE

Les nouveaux romantiques

Sébastyén D., Aurélien Jobard et Rodolphe Goujet empruntent pour ce premier album la voie tracée dans les années 80 par  trois garçons imaginaires d’un célèbre groupe alors figure de proue des musiques froides. A l’instar de leurs aînés, puisant l’inspiration dans l’allégorie romantique, le trio a façonné un univers dans lequel Ian Curtis entamerait avec Alice au Pays des Merveilles une conversation surréaliste à laquelle Baudelaire se joindrait avec curiosité. Le tout sur un fond musical mêlant avec efficacité cold wave, shoegaze,  kraut et même grunge.

 

ENTRETIEN

 

Vous êtes formés depuis 10 ans, vous avez déjà sorti 3 EPs, qu’est-ce qui a fait qu’il aura fallu attendre aussi longtemps pour un premier LP ?

(temps de réflexion…)

Rodolphe : Je me suis reproduit… (rires)

Sébastyén : Ah oui c’est vrai. En gros, nos vies, que ça soit d’un point de vue personnel ou professionnel ont fait que l’album a mis du temps à venir. J’ai été pas mal pris par mon autre groupe, Opium Dream Estate, avec les albums, tournées, etc… et d’autres engagements pour d’autres artistes. Rodolphe qui a eu deux enfants, et Aurélien par son boulot a lui aussi été pas mal occupé. Après le groupe a continué à jouer, à faire quelques concerts ici et là mais il y a eu une petite période stand-by c’est vrai, de 2015 à 2019.

Aurélien : c’est le confinement qui fait que « Let’s go ! On enregistre pour de bon l’album ». 

Sébastyén : Oui. Il y a aussi le fait qu’au départ on hésitait entre sortir un EP ou un album. Des chansons ont été enregistrées mais on était mécontents des mixes. On manquait de temps et au-dessus de cela il y a eu la situation actuelle qui a retardé d’un an la sortie de l’album… Tout ça a fait que ça a pris un peu plus de temps que prévu, mais au final il est là et on en est très contents.

 

 

Votre nom, l’ouverture martiale pour ne pas dire funèbre de l’album aux sons du superbe “It’s a black-black miracle” pose un climat assez sombre… C’est représentatif de vos caractères et personnalités ? Est-ce que vous êtes dans la nostalgie, la contemplation ?

Aurélien : Non pas vraiment. On est attiré par la scène dite “dark” mais c’est plus un reflet de nos influences. C’est plus, un hommage aux groupes et sons qui nous ont marqués, influencés.

Sébastyén : Je suis d’accord. Désolé, mais on est pas très “dark” en vrai… Par contre “It’s a black-black miracle” représente assez bien je pense, nos personnalités musicales. Elle mélange le post-punk, le shoegaze, l’indie, le krautrock même et une fin “ambiance disco”. On aime mélanger nos influences, nos styles et peut-être aussi nos façons de voir les choses et la musique.

Dans la cold wave, on retrouve souvent les thèmes de l’esthétisme, du romantisme, du temps et de la mort notamment, ce sont des thèmes qui vous inspirent dans la vie et plus généralement dans l’écriture ?

Sébastyén : Dans la vie, je ne sais pas mais dans l’écriture, oui, romantisme c’est le mot. Les thèmes du temps qui passe, l’errance, la folie ou la mort ont toujours une grande influence sur mes textes. Les paroles d'”Absinthe” par exemple font clairement référence à un romantisme décadent fantasmé par notre époque mais aussi à Baudelaire, Lewis Carroll. De manière générale, les auteurs et artistes du XIXème siècle et les images qu’ils évoquent dans leurs œuvres m’ont beaucoup marqué. C’est souvent ces images que j’essaie d’évoquer dans mes textes. Je marche beaucoup par “images”. Les textes trop explicites, c’est pas mon truc. J’aime susciter et provoquer l’imagination chez les gens. Notre musique aussi, de par ses influences cold wave et post-punk, évoque entre autres des climats sombres, froids, une ambiance qui peuvent rappeler un certain esthétisme de la scène indé des années 80.

Depuis quelques années, il y a un vrai revival post-punk sur la scène française, avec beaucoup de groupes se référant à des formations comme Joy Division notamment, alors qu’ils étaient trop jeunes pour les avoir connus à l’époque, comme vous d’ailleurs. Vous expliquez comment cet engouement envers toute cette scène de Manchester ? Et vous, quels sont les éléments qui vous ont amenés à écouter ces groupes de la première vague post-punk du début des années 80, Wire, Joy, Cure…

Aurélien : Héritage familial puis les groupes qu’on découvre grâce à d’autres groupes…

Sébastyen : Oui, on écoute Placebo puis The Cure puis Joy Division…

Aurélien : Pour moi Joy Division c’est la base de la musique dite “indé”, c’est l’origine de toute cette scène. Et puis il y a le fait que les groupes et artistes indés s’influencent mutuellement et font émerger une scène, un son, un style ou créent un revival. C’est le cas ici pour la scène post-punk. En Angleterre la plupart des groupes font tous du post-punk sauce disco new wave avec un gros son.

Sébastyén : Après pourquoi en France cette scène-là ? Je pense que ça vient aussi, pour les “jeunes” groupes, du fait qu’ils ont grandi avec Interpol, Editors ou même BRMC, qui eux-mêmes citaient Joy Division, Wire ou encore The Cure. Le fait est que l’on a tendance à vouloir aller à la base de tout pour comprendre tel ou tel groupe, scène ou courant musical et une fois arrivé à Joy Division, à part Low de Bowie ou le punk, difficile d’aller plus loin, pour ce qui est de la scène indé/new wave.

Aurélien : C’est ce que je disais, Joy c’est la base. Et le foot ! (rires)

Sébastyen : C’est ça : Manchester – foot – brit pop – Oasis – Stone Roses – Madchester – Factory – Joy Division. CQFD.

 

 

On parle de post-punk, le terme est vaste, et votre musique va bien au-delà juste la cold wave. Je pense notamment à “Absinthe”, quasiment psychédélique. On évoque aussi en parlant de vous, des influences comme le Black Rebel Motorcycle Club ou My Bloody Valentine. Chacun de vous 3 apporte sa propre sensibilité à la composition des morceaux ? Comment trouvez-vous un terrain commun ?

Aurélien : C’est celui qui joue le plus fort qui gagne ! (rires)

Sébastyén : Ah j’aurais dit la bière.

Rodolphe : Aussi. On a tous nos influences qui sont parfois très diverses et du coup sur des titres comme “Put In”, “Black-Black” ou encore “Almost there”, je vais apporter un batterie qui sonne rock indé US voire grunge mais aussi par moment disco, Aurélien est plus post-punk et shoegaze et Seb, un peu tout ça. Du coup on arrive à faire quelque chose cohérent mais avec une palette sonore plus ou moins étendue.

Sébastyén : Et puis chacun a apporté sa touche et ses idées sur les anciens morceaux que j’avais sortis alors en solo sous forme de démos. Certains titres comme “The Wretched” ou encore “Absinthe” ont été transformés et ont aujourd’hui un son beaucoup plus riche. Hours & Days est véritablement un album de groupe puisque, hormis “Stop”, tous les autres morceaux ont été écrits à 3, ou bien retravaillés et revisités ensemble.

Aurélien : D’ailleurs, aujourd’hui on sait qu’on voudrait plus aller sur des sons à la “Put In”, quelque chose de pop mais aussi noisy et progressif, en terme d’intensité sonore.

On parlait d’influences, quels sont les 2 ou 3 disques que chacun d’entre vous vous citeriez comme référence dans votre musique et pourquoi ?

Rodolphe : Black-Black de Chokebore. Album préféré de mon groupe préféré. Et Rain Dogs de Tom Waits parce que c’est le genre d’album qui me donne l’impression que, quand tu fais de la musique, tu as le droit de tout faire.

Aurélien : C’est beau ce que tu dis. (rires)

Rodolphe : Oui, je trouve ça cool ce que je dis.

Aurélien : Pour ma part, Unknown Pleasures de Joy Division ! On l’a même joué en entier, redécouvert à ce moment et du coup il a encore une forte influence sur notre musique, voire encore plus. C’est à la fois brut, spontané, punk et raffiné. Et puis Mezzanine de Massive Attack. Mon album préféré d’un point de vue production.

Sébastyén : Pornography de The Cure. Le son, l’écriture, les textes, la prod… Tout est génial et pour moi en matière de rock sombre, il n’y a pas mieux. Puis In Utero de Nirvana. C’est en écoutant cet album que j’ai voulu jouer de la guitare.

Aurélien : C’est pas très joyeux tout ça…

Sébastyén : Non pas vraiment. Et enfin The Downward Spiral de Nine Inch Nails : album préféré concernant la prod et le son (avec Dirt de Alice In Chains) et c’est un monument de violence et de noirceur, mais avec des passages calmes et lumineux. Un clair-obscur parfait. Rien de joyeux quoi.

Rodolphe : On s’appelle The Funeral Warehouse en même temps.

Sébastyén : C’est vrai…

 

 

Concernant la scène actuelle, vous échangez avec d’autres groupes ou vous êtes plutôt du style solitaires, dans votre coin ?

Aurélien : On a des affinités avec des groupes depuis pas mal de temps maintenant. Je pense à Lloyd, Staircase Paradox avec qui on a partagé pas mal de scènes. Et puis vu mon travail en tant que programmateur au Supersonic, beaucoup d’affinités se sont créées avec certains groupes ou autres professionnels de la musique.

Sébastyén : Et aussi les groupes, artistes avec qui on a partagé les soirées tribute. C’est comme ça par exemple que j’ai rencontré Guillaume Jannin avec qui je joue dans Opium Dream Estate, Venice Bliss et Fleur du Mal. Pierre Croche de Trancept également.

Aurélien : Même si on a pas vraiment tourné ou été présents pendant toutes ces années, et si on est un groupe  qui n’arrive que maintenant pour ainsi dire, on a su quand même créer des liens et amitiés avec d’autres groupes.

Sébastyén : Et puis avec les concerts à venir et puis les réseaux, de nouveaux liens vont se faire vite par le biais d’autres contacts, etc.

L’album est sorti le 12 novembre. C’est, comme on le disait, votre premier LP, avec une release party qui a eu lieu Supersonic à Paris. Quel effet ça fait de revenir à la vie pour défendre le disque ?

Sébastyén : Du bien !!

Aurélien : On a envie de jouer et de le défendre mais aussi de passer à autre chose, la release party c’est un peu la fin d’un cycle, maintenant on relance la machine, on explore de nouveaux sons et on compose à nouveau.

Sébastién : Oui exactement. Comme on dit «ça c’est fait, suite maintenant». D’autant qu’on avait déjà esquissé de nouvelles idées avant le concert donc on va continuer sur cette lancée. Et puis pour le moment l’album a eu un bon accueil des médias et du public donc ça nous motive et encourage à aller de l’avant et à écrire le suivant.

Aurélien : Et de sortir un clip, pour bientôt on espère !

Vos plans de concert, ou autre ?

Sébastyén : Il y en aura mais pour le moment, vu que la situation actuelle est encore un peu floue, le planning l’est aussi. Mais on espère jouer et tourner en France et même à l’étranger, soyons fous ! On annoncera au fur et à mesure les dates sur nos pages Facebook et Instagram. Faut pas croire mais on est vachement modernes, on sait vivre avec notre temps ! (rires)

Un mot pour conclure ?

Aurélien : Merci beaucoup !

Sébastyén : Pareil. Rodolphe ?

Rodolphe : Je cherche un troisième album… (rires)

 

CHRONIQUE

Hours & days – Icy Cold Records

 

Un peu plus de dix ans après sa création, le projet de Sébastyén D., devenu groupe à part entière, a profité de son patient développement et de ses nombreuses prestations scéniques pour étoffer son style. Les démos de Sébastyén D. ont bénéficié du travail en commun avec ses deux comparses et les premières versions de plusieurs morceaux de l’album, éparpillées au fil de trois EP parus entre 2010 et 2012, ont été remaniées et enrichies pour s’intégrer dans l’ensemble massif et multifacettes qu’il constitue. Partagé entre les 80’s et les 90’s, entre post-punk, shoegaze, rock indé et grunge, le cœur de The Funeral Warehouse épanche ses humeurs chagrines et parfois sa rage pour mieux se lover dans des épaisseurs sonores presque réconfortantes. Il concilie énergie (ce n’est pas un hasard si le projet est né pour la scène) et ambiances sombres tandis que la froideur inhérente à certains morceaux d’obédience cold wave “curienne” se trouve joliment équilibrée et quelque peu réchauffée par des tendances noisy. Sans forcément faire du neuf avec du vieux, The Funeral Warehouse fait assurément du beau avec du vieux.

Album en écoute : https://thefuneralwarehouse.bandcamp.com/releases

À écouter en priorité: “It’s a black-black miracle”, “Long way out”, “The Wretched”

 

Chronique de l’album : Jessica BOUCHER-RÉTIF

Entretien : Xavier-Antoine MARTIN

Photos : MarOne-Paris

Site : https://www.facebook.com/thefuneralwarehouse

 

ARTICLES SIMILAIRES