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CHORUS


Chorus des Hauts-de-Seine

Du 9 au 11 juillet 2021, à la Seine Musicale, Boulogne

MÉTÉO : Les festivals du printemps décalés en été ont bien peu de chance. Si le soleil pointe le bout de son nez régulièrement, il doit néanmoins laisser place à des moments de pluie.

CADRE : Depuis qu’il a changé de format, chassé du parvis de la Défense et des nombreuses villes du 92 qui lui faisaient une petite place, le Chorus a posé ses valises à la Seine Musicale. La salle possède deux espaces extérieurs et de nombreuses salles intérieures dont une grande scène, sorte de mini Zénith et un auditorium. Un brin trop moderne et lissée, elle permet pourtant la multiplication des espaces de concerts.

LES PLUS :

– Un festival qui a lieu après des mois de disette, c’est forcément toujours un plus !

– Des pass co-financés par le département, à prix accessibles qui permettent aux locaux et aux plus jeunes de participer à l’évènement.

– Les scènes extérieures qui, lorsqu’il fait beau, donnent un aspect estival à l’évènement.

– La présence de deux restaurants sur place, qui bien qu’un peu plus chers, permettent de ne pas toujours manger un burger sur le pouce.

– La place donnée aux découvertes qui permet quelques belles surprises.

– La multiplication des atmosphères musicales et la programmation hétéroclite.

LES MOINS :

– La programmation répartie par genre et par jour. Comprendre une journée rap et deux journées plus variées. Trois journées d’une programmation moins ciblée auraient pu permettre à qui voudrait faire le festival en entier de trouver des artistes à son goût chaque journée.

– Où est le rock ?

– L’absence des lauréats du prix Chorus de l’année précédente, voir We Hate You Please Die ou encore Fils Cara aurait eu son charme.

– Les heures creuses où seule la Grande Seine joue. Il est toujours intéressant de varier les plaisirs en festival et parfois certaines têtes d’affiche ne peuvent pas convaincre tout le monde.

Aime Simone – Photo: Dan Pier

LA RÉVÉLATION : C’est Aimé Simone  ! Petit nouveau sur le devant de la scène, plébiscité par Rock en Seine, le chanteur offre une performance endiablée entre danse et voix maîtrisée. La digne progéniture de Yungblud n’a rien à envier à nos voisins d’Outre-Atlantique. Le style, tatouages sur le visage et coupe déstructurée ne font qu’ajouter à un univers entier et un set carré. Difficile qui plus est de tenir une scène seul, sans musicien et avec un simple micro. Le jeune prodige relève pourtant le défi haut la main et s’offre même une performance dans les escaliers de la salle. L’avoir fait jouer à l’Auditorium, seule salle à configuration assise de tout le festival fait pourtant office de punition : la tornade invite à la danse à mesure que sa performance s’épaissit.

SAUTER DANS LES AIRS : Alors qu’il joue sur le parvis, Lombre donne une belle leçon de live le premier jour de festival. Celui dont le flow et l’univers peuvent facilement être comparés à Fauve n’a plus rien du collectif en live et se crée un univers propre où mélancolie rime avec chanté-phrasé. Face à un public conquis il invite la foule à s’asseoir sur le sol et sauter dans les airs comme au bon vieux temps. L’énergie d’un live est toujours communicative.

PROMETTEUR : Franky Gogo  a tout pour devenir un grand nom de la musique actuelle. Entre électro stressant à fleur de peau et projet engagé queer, le musicien se crée un univers fascinant qu’il est bon de découvrir. C’est aidé de deux musiciens, dont un au superbe collier en strass, qu’il prend possession de la petite scène, cachée au fond du labyrinthe qu’est la Seine Musicale. Un lieu qui ne lui fait pas justice à sa performance : un mauvais retour de son le force à faire une pause technique et lui permet de faire quelques blagues sur les écouteurs qui s’emmêlent toujours dans le sac. En le découvrant en live, il est évident que ce début de projet porte ce qu’il faut pour proposer qualité et écriture précises. Ce n’est pas pour rien qu’il a collaboré avec Barbi(e)turix et que ses clips sont si joliment travaillés. Reste à lui donner le temps de prendre une véritable maturité scénique pour mieux retranscrire ses compositions et leur donner toute la profondeur dont elles ont besoin.

360 : Sur la scène Rodin, en extérieur, Molécule  ne donnera le premier jour non pas une mais deux performances survoltées. Le concept ? Créer une scène centrale entourée de barres de son pour vivre pleinement la performance électro déchaînée qui est ici proposée. Le public n’en demande pas plus et, à l’instar des boîtes de nuit qui rouvrent le même jour, s’offre un dancefloor géant, bon enfant et électrisant. Une cure de jouvence !

DES PAILLETTES : Nouvelle sensation chanson française qui tord les genres et les change aux grès de ses compositions, Bonnie Banane  est au cœur de toutes les discussions. Seule sur la scène de l’Auditorium et aidée d’un décor minimaliste, elle se lance dans une performance théâtrale en flirtant ouvertement avec le cabaret. Complètement hors des sentiers battus, elle ose, mélange et sort même, pour illustrer les paroles de son titre, un poignée de paillettes de sa poche. Un spectacle entier à elle seule !

Gael Faye – Photo Dan Pier

DANSE & ENGAGEMENT : Gaël Faye  a pour lui un public d’aficionados. Chacune de ses performances se transforme ainsi avec facilité en une grande messe dansante. Cette prestation ne déroge pas à la règle. Il faut dire que le chanteur sait gérer la scène. Charisme, chaleur et croisement entre rap et chanson sont de la partie face à un public qui donne volontiers le change. Le très engagé politiquement “Seuls et vaincus” écrit par Christiane Taubira, permet l’introspection, il est sublimé par des instrumentaux soignés. La foule vibre à l’unisson jusqu’à ce que le chanteur vienne la rejoindre. Un moment de communion.

Philippe Katerine – Photo Dan Pier

PCR GÉANT : Non content de devoir se faire tester à l’entrée avec un test anti-génique pour ceux qui n’ont pas le pass sanitaire, les tests pour détecter le Covid s’invitent sur la scène de Philippe Katerine . Un nez géant est installé au fond de scène alors que le chanteur s’amuse à le gratter armé d’un coton-tige lui aussi géant. Comme toujours le décalage et l’humour sont de mise alors que l’icône, couronne vissée sur la tête et fourrure pastel sur les épaules, communique volontiers avec son public. On peut rire de tout rappelle-t-il alors qu’il est si bon de le voir « remettre le son » trop longtemps absent de nos vies.

Leto – Photo Dan Pier

LES MÉCHANTS DU CHORUS : N’en déplaise à certains, le rap français est de retour ! Ultra-tendance chez les plus jeunes, il déchaine le public adolescent venu en masse sur le festival qui lance les hostilités de sa deuxième journée sur sa grande scène avec Leto . Le décor est pourtant bien simpliste alors que l’auto-tune est reine. À en juger par la chaleur dans la salle et l’effervescence contagieuse de la foule, des paroles répétées en boucle suffisent à mettre tout le monde d’accord. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’est scandé sans fin : « Nous sommes les méchants de la ville. » pourtant chanté par un rappeur qui ne semble pas bien dangereux. Habitée par ses compositions, la troupe réussi le pari de faire pogoter toute l’assemblée… et ce n’est que le début !

IDOLÂTRIE & DANSE :  Et ça continue avec Lefa , toujours sur la même scène qui joue des mêmes gimmicks que Leto pour séduire un public très en demande. Rien de nouveau sous le soleil pour ces deux sets relativement similaires (formation, décor, auto-tune) mais une atmosphère joviale et festive qui embarque dans son tourbillon même le plus réticent des spectateurs.

UNE CERTAINE UNIFORMITÉ : Certains sont plus dansants, d’autres plus sombres, pourtant Maes  comme Leto et Lefa multiplient les effets de styles similaires. Alarmes ou sons de mitraillettes, phrasés et incitations à se déchaîner. À tout cela s’ajoutent des décors fait à partir de fonds noirs et de nombreux intervenants scéniques. Certes, ce sont de jeunes artistes qui n’ont pas eu le temps de rôder leurs sets, mais la sauce prend très facilement côté public qui répond volontiers à toutes les demandes de circle pits et autres pogos. Néanmoins leurs trop grandes similitudes interfèrent avec la capacité d’en tirer une critique propre à chacun. À souhaiter que l’expérience leur permette de se dégager une présence scénique bien plus propre à leur registre.

THÉÂTRE MUSICAL : Catastrophe s’était fait remarqué avec un premier spectacle théâtral où les effets de styles jonglaient entre le concert, l’art visuel, la pièce mise en scène, l’improvisation, la thérapie de groupe … c’est finalement un tout nouveau spectacle qu’est venue présenter la troupe au festival Chorus cette année. Cette fois-ci les textes et nombreuses interactions avec le public ont été remplacés par de la danse. Avec son âme déjantée, sa capacité à s’extraire des normes codifiées du live en 2021, le groupe livre un set proche de la comédie musicale. La foule réactive danse volontiers face à cet OVNI qui ne laisse pas indifférent.

SURPRISES & FEATURINGS : Moment le plus attendu de la journée par de nombreux festivaliers, PLK  clôture la journée du samedi. Au Printemps de Bourges, le rappeur avait littéralement retourné le Palais d’Auron, créant un concert en configuration debout avant l’heure où pogos, circle pits, malaises et danses effrénées étaient de rigueur. Cette nouvelle performance n’échappe pas à la règle alors que le public déchaîné est un régal pour les yeux et les coeurs. Côté scène, le rappeur joue les prolongations des copains programmés plus tôt mais de il s’entoure de très nombreux invités : Rim K, SDM ou encore Mister V se succèdent face à un public conquis. La jeunesse a parlé.

MONTÉE EN PUISSANCE : C’est en tant qu’Inouïs du Printemps de Bourges que Silly Boy Blue  s’était faite connaître de son public. La chanteuse à la voix aérienne et aux mélodies puissantes promettait de très grandes choses pour l’avenir. C’est aujourd’hui prouvé. Un premier album parfaitement abouti en poche, la voilà de retour sur la scène du parvis du festival. Ses singles s’enchaînent de l’excellent « Teenager » à « The Fight » sans oublier « Cecilia » et ses deux parties, la musicienne a pris de l’assurance. Un moment fascinant qui électrise les foules alors que sortie de sa coquille, elle livre une performance envoûtante, juste, vraie, à fleur de peau et inclusive.  Elle n’hésite plus à enchaîner quelques plaisanterie sur sa manière de jouer de la guitare qui semble faire un doigt d’honneur à l’assistance par exemple. Avec un style à la Billie Eilish et un univers bien à elle, la musicienne a éclos et s’avère être le plaisir aussi subtile que délicat que ses débuts laissaient présager.

ARTS & CHANSONS : Nouvelle sensation chanson française, Terre Noire et ses hymnes libertaires investissent le parvis pour un set sous le soleil qui confère à la musique du duo. Les compères dévoilent des hymnes fédérateurs emprunts de bonnes ondes et communient avec bienveillance avec leur audience. Le duo s’amuse par ailleurs à railler la statut du doigt géant installée devant la Seine musicale, l’art moderne laisse souvent septique. Il ne manque pas d’interpréter « Ça va aller » single réalisé en collaboration avec Pomme et ainsi de proposer une pause bienveillance plus que primordiale par les temps qui courent.

DANSE & UNIFORME : Suzane n’est plus à présenter. La révélation des Victoires de le Musique a depuis beaucoup fait parler d’elle et cartonne avec des morceaux engagés. Il faut d’ailleurs dire que la chanteuse au carré travaillé et à l’uniforme bleu multiplie les morceaux sur les thématiques actuelles face à un public sensibilisé. Comme à son habitude la chanteuse propose un show millimétré où danse est mot d’ordre et improvisation bannie. Face à ses nombreuses pirouettes, le doute s’installe quant à sa capacité à chanter tous ses titres sans assistance enregistrée. En sort néanmoins un spectacle construit, aussi visuel que sonore et des hymnes fédérateurs sur lesquels il fait bon chanter.

DU ROCK & DU SOLEIL : Le temps est bon, il fait enfin beau, en ce dimanche, le festival prend une dimension estivale qui rime avec qualité. Le live de l’OVNI Delgres ne fait qu’accentuer ce fait. Le trio fait la part belle au rock, au blues et aux musique caribéennes et enchante la foule avec son soubassophone. L’avenir musicale, c’est certain tient en une fusion et le rock ne peut que s’embellir en se parant des nombreux atouts dont profite la grande famille que l’on appelle musique du Monde. Ce set en est une nouvelle preuve indiscutable. Alors que le soleil réchauffe les peaux, les notes elles réchauffent les coeurs d’une foule compacte qui danse sourires aux lèvres.

Victor Solf – Photo Dan Pier

TEMPS FORT : Forcément, sur un festival, certaines performances sortent du lot. C’est le cas du très attendu Victor Solf, toujours en extérieur. L’ancienne moitié d’Her est bluffant en solo. Si le duo à l’histoire douloureuse manque encore cruellement au paysage musical actuel, son chanteur n’en est pas moins sublime et unique. Ses compositions sont synonymes de beauté et de puissance tout comme les mouvements de son corps aussi libres que travaillés. Charismatique, extrêmement talentueux, le musicien à la voix puissante donne des allures de gospel à son set et crée une émotion palpable. Indéniablement l’un des moments les plus forts de cette édition.

AUTRE JOUR, AUTRE PUBLIC : Si le samedi la jeunesse avait pris d’assaut le festival, pour sa dernière journée, le festival accueille un public plus hétéroclite. Une notion qui se voit particulièrement pour le concert de Benjamin Biolay  sur la Grande Seine. Si le par-terre se rempli, il en va de même pour les gradins. Avec le timbre qu’on lui connait et le regard grave, le célèbre musicien dévoile ses titres et agrémente son set de lumières bleues. Un spectacle contemplatif qui émeut pourtant un public captif et captivé.

DERNIÈRE MESSE : Plus besoin de présenter l’incroyable Ayo , dernière artiste à se produire cette année sur les planches de la Seine Musicale. Impossible de ne pas se laisser envoûter par la voix de la grande prêtresse de la soirée qui n’a pas à rougir face à une certaine Tracy Chapman. Dans la salle personne n’ose parler et tous les regards sont tournés vers la scène. Un temps calme, dernier oasis avant le retour à la vie réelle. Cette année, les occasions de retourner en festivals seront peu nombreuses.

L’ANNÉE PROCHAINE : Si les dates officielles n’ont pas encore été communiquées, l’année 2022 vivra, on l’espère, une nouvelle édition du festival Chorus des Hauts-de-Seine, toujours à la Seine Musicale mais cette fois-ci au printemps comme le veut la tradition.

>>Site de CHORUS

Texte : Julia Escudero

Photographes : Dan Pier & David Poulain

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