Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

50 ANS DE FIP RADIO

Le 21 juin 2021, aux Arènes de Lutèce, Paris

Il est 18 heures lorsque les Arènes de Lutèce ouvrent leurs portes à un public venu en masse pour célébrer la Fête de la musique en 2021. Une fête menacée d’être annulée, de ne pas pouvoir se tenir dans des conditions normales, d’être encore et toujours mise de côté. Après des mois de privation culturelle, ces retrouvailles s’annoncent finalement comme une nécessité absolue.

Pour obtenir le précieux sésame, il fallait réserver ses places gratuitement à l’avance et mesures anti-Covid obligent, tout le monde n’a pas pu être servi. D’ailleurs parmi ceux qui font la queue pour entrer dans l’arène, ils sont nombreux à espérer un départ ou un désistement. Autres privations liées à la crise sanitaire : Balthazar et Morcheeba ont dû annuler leur venue.

À l’intérieur, des chaises ont été installées face à la scène, le port du masque reste obligatoire malgré le fait que l’évènement soit en extérieur ! Et il est demandé de rester assis. Il faudra encore attendre neuf jours pour avoir enfin le droit officiel de profiter de concerts debout. À moins que le public n’en décide autrement.

La chaleur est là et le soleil est de la partie, tous les yeux restent pourtant rivés sur les applications météo : un orage menace de tomber ce soir et rien n’est prévu pour s’abriter. Pourtant, le temps, qui a peut-être lui aussi compris que la musique avait déjà largement assez souffert de l’année écoulée, décide de jouer de clémence. Seules quelques rares gouttes de pluie troubleront ce moment de communion.

Chez FIP, la musique est sacrée, c’est pour cette bonne raison que chaque artiste se voit offrir un set de 45 minutes et ils sont venus nombreux avec des propositions variées. À 18 heures 15, Piers Faccini  lance les festivités. Cet originaire de Londres, également peintre et photographe distille une esthétique léchée. Ses morceaux aériens jouent sur les envolées lyriques pour séduire alors que l’âme d’un certain Léonard Cohen plane sur l’évènement. Le musicien n’a de cesse de remercier la radio qui l’a toujours soutenu lors des sorties de ses nombreux albums. Le public, lui, se délecte de cette fin d’après-midi encore chaude et de cet instant de douceur.

Thomas de Pourquery  prend la relève. Le jazzman et saxophoniste dénote des programmations habituelles s’offrant ainsi un set pointu quoique centré sur les aigus, où le jazz tel qu’on le connait prend des accents expérimentaux.

Il est 19 heures 30, le public est chauffé, prêt pour une grande performance. Surprise au milieu d’une soirée à dominante française, c’est l’anglais Peter Doherty   qui se présente sur scène. Placer une aussi belle tête d’affiche si tôt pourrait surprendre, mais notre homme est pressé et prévoit de quitter les lieux au plus vite une fois son concert achevé. Il faut dire que le monsieur a habitué son audience à de nombreuses annulations. Aujourd’hui assagi, celui qui disait, fut une époque, s’être installé à Paris dans l’optique d’une détox « puisque la coke n’y est pas bonne », tient aujourd’hui toutes ses promesses. Le rockeur fou qui faisait vibrer les foules offre d’ailleurs une performance bien plus calme que celles qu’il donnait avec les Libertines. Exit les moments de rock’n’roll sauvage, bonjour la guitare-voix assis et les morceaux qui s’enchaînent. Ils sont sublimés par l’utilisation d’un thérémine. Musique oui, échange non puisqu’à l’exception de quelques remerciements, le musicien n’adressera pas la parole à son public. Il fait néanmoins un joli tour de son répertoire avec justesse. Et puis pour rappeler ses racines, il s’offre une reprise d’Iggy Pop “I wanna be your dog” en une version bien plus sage que celle de l’homme iguane toujours torse nu. Peter Doherty, lui, garde sa chemise et quitte la scène pour laisser place à l’impressionnante Meskerem Mees  et sa voix de velours.

La prometteuse jeune-femme dévoile des compositions folk bien construites, propres d’une voix puissante. Elle prouve qu’il n’y a pas toujours besoin d’innover pour créer de la musique. L’heure est néanmoins peut-être tardive pour entrer pleinement dans cet univers sous forme de cocon qui berce les esprits en demande d’échauffement.

L’Impératrice  débarque sur scène à 20 heures 50 et donne une nouvelle impulsion à la soirée. Elle prend alors des allures de grand bal dansant. D’ailleurs, quelques jeunes membres de l’audience se mettent à danser derrière les rangées de chaises installées. Impossible de résister au besoin de se déhancher qui se propage à toute allure. La pluie n’est pas venue, les températures sont clémentes, la Fête de la musique a pu se tenir, autant de raison de célébrer l’instant. La chanteuse aux cheveux violet clair et au carré travaillé remercie chaleureusement ceux qui ondulent. Ses musiciens tous habillés de couleurs pastels prennent le dessus et offrent une performance bien différente des albums. Avec talent, ces derniers, s’offrent des intros prolongées et étirent les titres. Le disco reprend ses droits, il s’allie à la pop. La chaleur de l’été s’installe dans ces notes rondes et généreuses. Le public n’y tient plus et prend le premier rang d’assaut. Qu’importe les consignes tant qu’on a l’ivresse de vivre pleinement.

Le soleil reste le mot d’ordre de cette nouvelle partie de la soirée puisque c’est au tour de Ballaké Sissoko  de prendre possession de la scène. Le talentueux musicien n’est pas venu seul puisqu’il a invité Camille, Oxmo Puccino et surtout le très attendu Arthur Teboul à le rejoindre. C’est d’ailleurs ce dernier qui créera l’évènement incontournable de cette soirée. Il faut dire que lorsque le chanteur de Feu! Chatterton déclame, le temps semble s’arrêter. Les époques se mélangent, délicatesse et poésie se côtoient avec élégance. Tout devient luxe, calme et volupté tant le musicien manie les mots et la langue, tord la musique pour mieux la réinventer.

En dernière minute la radio a pu ajouter un dernier nom à la programmation. Et pas n’importe quel artiste puisque la joyeuse bande des fous furieux de Last Train  est venue donner une belle leçon de rock et mettre tout le monde d’accord. La foule est maintenant compacte et amassée en quantité devant la scène. Impossible de résister à la voix de Jean-Noël Scherrer qui appelle l’audience comme le chant des sirènes. Les guitares stridentes se déchaînent, alors que “Way out” se fait entendre. Le set des prodiges déchaînés sera malheureusement le plus court de la soirée, la faute à quelques retards accumulés. Il sera pourtant l’un des temps les plus forts. Il faut dire que les concerts du combo strasbourgeois passent toujours à vive allure. Enfin, déchirant la nuit qui a tout enseveli, résonnent les notes de “The Big Picture”, probablement l’un des meilleurs morceaux de cette décennie, un bijou de puissance et d’émotion, un tourbillon. L’orage n’aura pas eu besoin de pointer le bout de son nez pour que les éléments se déchaînent et pour qu’éclairs et force cohabitent. Last Train émeut, retourne et bouleverse.

Il fait encore chaud lorsque l’audience quitte les arènes les oreilles sifflantes, le sourire aux lèvres, l’envie de prolonger ce retour à la vie tant attendu.

>>Site de FIP

Texte : Julia Escudero
photos : Kevin Gombert

ARTICLES SIMILAIRES