Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

VEIK

 

LA BEAUTÉ BRUITISTE

Si la Haute-Normandie est devenue la plaque tournante du rock français depuis maintenant plusieurs années, on ne doit pas pour autant négliger la Basse Normandie qui regorge elle aussi de talents. En atteste Veik qui avec leur album Surrounding Structures nous offre un néo kraut-rock véritablement impressionnant.

Veik avait débuté l’écriture de Surrounding Structures dès 2017 avant de commencer à l’enregistrer l’année suivante. Le groupe, pour cet album extrêmement ambitieux et réussi, puise son inspiration dans le kraut-rock au niveau musical et dans l’architecture au niveau conceptuel : « On s’intéresse au modernisme ainsi qu’au brutalisme. Il y a un dialogue fructueux entre architecture et musique. Lorsque nous tournions en 2017, 2018 nous avons profité des moments où n’étions pas sur scène pour nous concentrer sur des visites culturelles. On a alors vu des choses fascinantes au niveau architecture tant à Dortmund que dans l’Est de la France. » On peut voir une certaine analogie entre la construction de cet album et celle du fameux Autobahn de Kraftwerk que les Allemands avaient imaginé comme la représentation idéalisée de la modernité allemande.

 

 

Plus que le son c’est l’imagerie, les fantasmes qui se sont construits autour de cette musique répétitive qu’est le kraut-rock qui a intéressé nos Normands : « Nous avons la même démarche qu’un groupe comme Can qui partait d’improvisations pour créer une énergie. Dans ces plages que tu construis, tu récupères des accidents que tu trouves intéressants. À partir de ce matériau il devient facile de construire un morceau. Il y a plein de choses différentes dans le kraut-rock. Nous aimons beaucoup, par exemple, l’album de Faust, Faust 4 qui est un album pop à la Beatles. Les gens n’imaginent pas, en général, que le kraut-rock puisse parfois sonner pop. »

Mais si le kraut-rock est là et bien là, Veik mêle à cette influence première d’autres choses : musique électronique et synth-wave notamment : « On adore un groupe comme OMD. Architecture and morality a été un disque important lorsque nous avons composé notre album. » Autour de la musique qu’ils produisent, les Caennais développent un discours sociétal qui, s’il n’est pas frontalement politique, interroge néanmoins notre société : « Nous traitons de sujets contemporains. C’est donc forcément politique même si ça n’est pas à la manière d’un Trust. Cela ne fait pas pour autant de notre album un disque militant. Une production artistique engagée ou non reste avant tout une production artistique. Mais il y a, c’est vrai des titres politiques dans Surrounding Structures. “Political Apathy” parle d’une personne qui regarde une manif et qui culpabilise d’une certaine façon de se sentir passif face à cette dimension en travaillant chez elle sur autre chose à ce moment-là. »

 


Veik photo Louis Geslain

 

Cet aspect politique mêlé à la musique produite par le combo peut donner une impression de groupe “intello” : « Cela ne nous dérange pas cette étiquette. Nous assumons le côté expérimentation même si à la base nous venons de la pop. Nous cherchons à être à la fois complexe et accessible. Nous pouvons écouter bien sûr des musiciens répétitifs comme Steve Reich mais nous ne cherchons pas à hypnotiser l’auditeur ; ne sommes pas dans cette recherche de la transe. C’est pour cela que notre structure musicale reste assez pop. Nous ne faisons pas un morceau de vingt minutes sur la face A, un autre de vingt minutes sur la face B. Après, il est possible que notre définition de la pop soit différente de celle de plein de gens. On constatera quand même qu’il y a plusieurs morceaux faciles à écouter sur notre disque. »

 

 

Veik explosant les barrières musicales, on ne s’étonne guère dès lors de les voir, eux qui n’ont pourtant rien de psyché, sur un label estampillé psychédélique comme peut l’être Fuzz Club : « Nous avons terminé le disque au printemps dernier. Nous étions alors engagés avec un label français mais avec le covid celui-ci s’est trouvé dans une situation délicate. Du coup en septembre nous avons envoyé un mail à Fuzz club. Ce label nous a répondu positivement. En étant chez eux notre musique peut voyager. Si Fuzz club possède une image psyché ils ne sont pas enfermés là-dedans. Ils ont sorti des disques d’Alan Vega, des trucs pop ou des choses inspirées de la techno. C’est plus varié qu’on ne le pense. On connait un peu les mecs de Servo qui sont également signés chez eux et étaient venus nous voir jouer à Rouen. Du coup on fera peut-être une soirée Fuzz Club avec les groupes français du label : You Said Strange, Servo et nous… Être signé sur un label anglais montre qu’il y a peut-être une filiation des groupes normands avec l’Angleterre : après tout nous partageons la Manche ensemble. Le paysage médiatique en France est un peu particulier. C’est pour cela qu’être sur un label britannique est plutôt pas mal. »

PIERRE-ARNAUD JONARD
Photo d’ouverture : GregoryForestier

Surrounding Structures – Fuzz Club Records / Differ-ant

>>Site de VEIK

ARTICLES SIMILAIRES