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ORDER 89

Order 89

« Âmes perdues qui souhaiteraient arriver à destination »

Formé en 2018 à Paris, ancien résident de Mains d’Œuvres, Order 89 dégaine début avril un deuxième long format très attendu, L’été des corbeaux, deux ans après le prometteur Bleu acier. Entrevue avec Jordi Sorder, frontman du groupe, pour parler de la genèse d’un album fait dans des conditions particulières.

Quelle est la signification du nom Order 89 ? 

« À l’origine il n’y avait que Flavien et moi, et on s’appelait O89. On faisait de la techno live, et peu à peu on est devenu un groupe et le O est devenu Order car ça nous semblait important de pouvoir se rassembler sous une bannière, pour nous bien sûr, mais aussi pour tous ceux qui se reconnaissaient dans notre musique. Le terme ‘ordre’ est un peu comme une confrérie, un signe de pirate. Le logo représente le fait d’être prisonnier de quelque chose, de quelqu’un… je le trouvais intéressant car on est tous prisonniers de quelque chose. On avait besoin d’un symbole fort pour rejoindre l’idée de communauté. »

Votre deuxième album L’été des corbeaux, sort le 2 avril prochain. Comment vous avez fait pour les compos et le reste étant donné que vous étiez dispersés géographiquement ? 

« On avait deux options durant le confinement : soit faire des live streams un peu bizarres sur Internet pour essayer de survivre et d’exister comme beaucoup d’autres groupes, soit commencer quelque chose de neuf pour préparer un futur un peu plus clément. Cet album-là était vital dans le sens où il m’a évité des crises d’angoisse à tourner en rond dans mon appartement. Le processus de création est simple, il commence sur logiciel avec une piste de batterie calée sur un BPM particulier, sur laquelle je colle une ligne de basse. Si ce n’est pas satisfaisant tout de suite, j’arrête, il faut que ça soit instinctif et sincère. Ensuite je trouve une ligne de chant, et le tout est envoyé à Flavien qui structure le morceau et rajoute les lignes de synthé. Finalement Luce et Elliot rajoutent les lignes de guitare sans forcément savoir ce que les autres ont fait, un peu à la mode Cadavres Exquis. L’étape finale consiste en l’enregistrement de la voix. »

Sur Bleu acier, vous revendiquiez vos influences Noir Désir et d’autres, on a même parlé d’Indochine. 

« Ah ah ah oui, j’avais lu ça. Ça ne me dérange pas du tout d’être comparé à Indochine. Pour Noir Désir, oui c’est évident. »

Sur L’été des corbeaux, vous mixez plus les genres que sur Bleu acier, comme la volonté de marquer votre identité, avec la synth pop et même de l’EBM. Vous avez un peu accéléré le rythme ici, non ? 

 

 

« Tout cela est complètement vrai. Notre identité sonore change par rapport au premier album, dont la production était plus uniforme et donc avait un peu lissé la rage et l’électricité qu’on peut avoir en live. Alors que cet album on l’a fait de A à Z, il est donc vraiment conforme à ce que l’on est. Cette étiquette qu’on nous a collée, de cold-wave, nous déplait un peu. On est plus proches du punk que de la cold. »

Tu parles de tes influences, comme Joy Division, et de l’autre coté vous avez commencé sur un label techno de Berlin

«  Oui on a commencé comme groupe de techno dark, avec un BPM très lent, on jouait en club, notamment à Berlin. C’est l’univers de Flavien au départ. »

Qu’est ce que vous avez écouté pendant ces six derniers mois ? 

« J’ai découvert Terrenoire, deux frangins de Saint-Etienne, où une très belle scène est en train d’émerger. J’ai écouté également Bambara, Fontaines DC. Mais aussi bizarre que ça puisse paraître, je n’écoute pas beaucoup de musique… »

Logo Order 89

 

Le trio est devenu quatuor avec Luce. Pourquoi rajouter une guitare ? 

« On voulait muscler notre live d’un coté et en même temps, pour une histoire de cohésion de groupe, on trouvait que quatre c’était mieux que trois. A quatre roues, une voiture roule toujours mieux qu’à trois. Du coup on demandé à Luce, que l’on connaissait déjà et avec qui on avait joué dans un groupe, Bagarre Perdue,  de nous rejoindre. Il est arrivé avec sa sensibilité nourrie par des groupes comme Editors, Television ou bien encore Interpol.»

Vous étiez de l’aventure de Mains d’Œuvres à Saint-Ouen… 

« On y était avec nos potes de Vox Low, il y avait Frustration et Charles de Goal aussi. On est partis avant la fermeture, on était en galère de thune et on ne pouvait plus payer le loyer, aussi on est partis dans notre maison d’Aubervilliers. Pour nous Mains d’Œuvres, c’est vraiment le début du groupe, on y a passé deux ans et un nombre incalculable d’heures. Rien que pour nous accorder, on passait une heure… Ça me semble lointain aujourd’hui, mais c’était notre vie à l’époque.»

Je te cite : « L’odeur de l’essence a remplacé celle de nos rêves d’enfants ». Qui sont ces corbeaux qui croassent sur nos têtes ? 

« Ces corbeaux ce sont des âmes perdues qui souhaiteraient arriver à destination. Chacune a un message à faire passer, le message c’est que l’on est pas seuls. Le corbeau a une mauvaise image, je voulais démystifier ça, en l’associant à l’été. L’été des corbeaux c’est un peu l’été que l’on vient de passer, un peu hors du temps. »

 

Order 89 2

 

Imagine que pour L’été des corbeaux tu ne puisses pas faire de concerts, tu ne fais toujours pas de live streams ? 

« Non, ce format ne correspond pas du tout à notre musique. Filmer avec un iPhone, avec le son qui grésille et les coupures, c’est pas possible. Nous, l’essence de notre musique c’est l’énergie, la rage, c’est difficile de retranscrire cette émotion à travers un écran. Je trouve qu’on manquerait d’authenticité. Depuis plus d’un an, on a booké des dates, puis on les a annulées… c’est un ascenseur émotionnel permanent, du coup ça nous ferait plus de mal que de bien de programmer de nouveaux concerts, donc on attend et on se concentre sur l’album et sa promo. »

Le clip “Gangsters” sort en avance, comment vous avez travaillé ?

« On a une cinquième membre dans le groupe, Layla, notre Directrice Artistique. C’est elle qui a dessiné le logo. Sur cet album on lui a donné carte blanche, y compris pour la pochette qu’elle a créée. Elle donne l’impulsion graphique au groupe. Pour le clip, elle avait une idée bien précise quant au thème de gangster et surtout à son image, déclinée à travers les âges. »

Le dernier titre c’est “Pays sacrifié”. Tu es optimiste malgré tout pour la suite ?

« Je suis toujours optimiste, même si je suis réaliste à court terme, très lucide. De toutes façons, je dois rester optimiste, sinon je ne me lèverais plus. J’espère vraiment que la suite sera plus belle, et surtout que les concerts reprendront, parce que c’est là où on existe vraiment. »

 

Order 89 - Été des Corbeaux

Encore auréolés de l’accueil enthousiaste réservé à leur premier opus, les quatre membres les plus éminents de l’Ordre reviennent avec un deuxième album dont le premier titre, “100 visages” donne immédiatement le ton : lignes de basses profondes, BPM accéléré, voix grave font l’ADN de ce qu’en d’autres temps on aurait pu appeler la french wave, musique nourrie aux sons du début des années 80, alors que le punk vivait ses derniers instants, balayé par les synthés et la farouche envie de danser dans les clubs. “Rondes” et “Histoires parallèles” continuent sur le même tempo, on imagine alors les ombres de Taxi Girl, New Order et de Depeche Mode planer au dessus du quatuor, sans qu’on ait le temps de reprendre son souffle tant le rythme ne baisse jamais. En 10 titres complètement décomplexés de toute influence, si ce n’est celle de leurs propres convictions, Order 89, en transformant brillamment l’essai pas évident du deuxième album, fait souffler un vent de jouvence et de bien-être au moment exact où l’on en a le plus besoin.

 

À écouter en priorité : “100 visages”, “Histoires parallèles”, “Vertige”

L’été des corbeaux – Icy Cold records

>> Le site d’Order 89

Xavier-Antoine MARTIN

Photos : Layla Gras

 

 

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