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L’Estival de Saint-Germain 2020

L'Estival 2020 © Marylène Eytier

Saint-Germain-en-Laye (78) du 18 septembre au 3 octobre 2020


KÉZAKO ?

Fondé par Marc Pfeiffer en 1988, et présidé par Michel Néry, le festival l’Estival vient de souffler ces trente trois bougies. Il  dédie ses différentes scènes à la chanson francophone sous toutes ses formes (de France, Belgique, Suisse, Canada…) et soutient les artistes émergents. Un record quand on voit le recul de la réelle francophonie dans la plupart des festivals, même ceux qui se réclament “francos”…

PROG

Elle peut surprendre puisqu’elle va de la variété classique (Salvatore Adamo) à la chanson intello (Juliette) ou rock (Geneviève Morissette) en passant par l’humour (Les Goguettes), mais le crédo affiché du festival est clair : « célébrer la musique francophone dans toute sa diversité ».

PROS

Sont aussi au programme des rencontres professionnelles, des salons-contact, des vitrines découvertes permettant aux acteurs de la musique (particulièrement malmenés actuellement par les décisions gouvernementales) d’échanger, de s’épauler… Le festival accueille également cette année la remise des Coups de coeur Chanson de l’académie Charles Cros.

ASSOCIATION

Chaque année le festival met en lumière une association humanitaire. Cette année c’est Le Lions Club de Saint-Germain-en-Laye, soutenant financièrement la recherche sur la Trisomie 21 depuis 2019, qui est à l’honneur. Un centre de jour pour les enfants trisomiques doit être financé et une sensibilisation accrue aux situations de handicap vécues par les personnes atteintes de Trisomie 21 permet de changer les regards sur ce handicap. Il a été récolté 2500 Euros durant le festival.

“AH FILLES, AH LES FILLES !” 

L’Estival se démarque avec une programmation 100% féminine le temps d’un week-end à commencer par l’après-midi consacré aux vitrines découvertes françaises et internationales :

Louise Combier jeune Lyonnaise d’à peine 20 ans, sa voix grave, tremblante et langoureuse chemine sinueusement, mais sans se perdre. Passions, amour, désespoir, “ivresse ravageuse”, l’interprétation des textes est portée par un groove léger, dans un univers sombre, mais sincère. Émouvant.

L'Estival 2020 - Louise Combier © Marylène Eytier

Louise Combier

 

Louise O’sman offre un voyage poétique fort bien orchestré avec son accordéon qu’elle sait mettre au goût du jour.

L'Estival 2020 - Louise O'sman © Marylène Eytier

LOUISE O’sman

 

Ilia (signifie “chemin” en russe) ; une chanteuse qui joue d’harmonies vocales, de cris, de mélopées et de battements samplés en direct pour un univers pop-tribal qui évoque les feux-DobaCaracol avec la voix de Lili-Cros  « Je parle souvent du dehors pour mieux appréhender le dedans » précise-t-elle.

L'Estival 2020 - Ilia © Marylène Eytier

Ilia

 

Samares duo rafraîchissant (guitares, violon) propose de « fuir l’ordinaire avant qu’il n’ait commencé »… ou offre un beau titre sensible sur un la vie d’un trans “Il est belle”.

L'Estival 2020 - Samares © Marylène Eytier

Samares

 

TORNADE ROUGE

La soirée féminine se poursuit au Théâtre Alexandre Dumas avec la pétulante Geneviève Morissette. En 30 minutes, la fougueuse Québécoise met le public dans sa poche avec son énergie décoiffante et communicative.

L'Estival 2020 - Geneviève Morissette © Marylène Eytier

Geneviève Morissette

 

JULIETTE

À bientôt 30 ans de carrière l’an prochain, Juliette marque d’une pierre argentine ces concerts à venir en revisitant son répertoire avec charisme et dévouement à la musique. Le tango s’unit à son œuvre prolifique. Rencontre.

Auteure-compositeure-chanteuse à texte solo au piano, Juliette badine avec les mots et joue avec les sons. On adore la verve avec laquelle elle manie le verbe pratiquant le chant littéraire, le chant détourné ou plutôt bien tourné ! « J’ai une espèce d’exigence, d’écriture qui fait que j’aime bien le bon mot à la bonne place ». On la place du côté d’artistes tels que Georges Brassens, Jacques Brel ou Barbara en décalage par rapport aux modes de leurs époques, elle pratique un mélange de poésie et de second degré humoristique dur à manier en chanson, dans un style tantôt cabaret tantôt intimiste, avec une voix assez grave. Juliette s’en remet au classique pour faire tremplin à sa modernité. À ce propos, la langue française lui donne toute la latitude pour chanter et enchanter, « Je ne parle que le français ; ça vaut le coup d’en exploiter les ressources quasi infinies (…) les dictionnaires de rimes sont pour moi des sources infinies de bonheur (…) je ne suis pas tellement pour les mots rares mais pour le mot juste sans me contenter du premier jet. »

Son dernier album J’aime pas la chanson (2018) semble antithétique pour quelqu’un comme elle qui façonne de belles paroles, pleines de sens et sous licence poétique. Comme si Juliette jouait au théâtre, elle vit ses chansons. Elle joue avec les lignes, tout en n’étant pas une tragédienne, mais plutôt une comédienne burlesque passant du rire aux larmes « Je ne saurai pas être dans un registre auto-flagellé, sinistre, dépressif ou bien complètement dédié à la contemplation de ma propre personne. Au bout d’un moment, il faut que ça déconne, c’est comme ça, c’est ma nature ». Elle ne se prend pas au sérieux, et aime bien sûr écrire ses chansons avec énormément d’humour et de légèreté : « Ça fait passer la pilule, on peut dire beaucoup plus de choses intéressantes comme cela ». Elle ne nie pas à la chanson larmoyante une fonction tout à fait normale et nécessaire, mais au bout d’un moment elle a besoin de se marrer en narrant. En cette période troublée, d’ailleurs, qu’aurait-elle à chanter ou à déchanter actuellement ? « Absolument rien du tout, je ne suis pas quelqu’un qui profitera de l’actualité pour écrire quelque chose. Il y aura des reflets, tels un miroir brisé dont quelques morceaux serviront peut-être à faire une mosaïque plus tard. Je commence à avoir une carrière longue, j’ai des chansons qui ont une quinzaine d’années et que je peux toujours chanter, et quand je les ai écrites je me suis dit “dans vingt ans je voudrais toujours pouvoir chanter ça”. Ça parle de l’humain, de nous, de ce que l’on connaîtra toujours ».

La covid 19 ne l’intéresse pas tellement, « Ce n’est pas de ça dont il faut qu’une ‘’œuvre d’art’’ parle. Pendant le confinement je n’ai pas écrit une ligne. Ce n’est pas possible d’avoir un regard critique sur une époque tant qu’on est dedans. » Elle vient par ailleurs d’écrire une chanson qui parle de lire l’avenir dans le marc de café, en concédant que cela pourrait-être en lien au conditionnel !

Par le passé, on se souvient de paroles osées posées sur sa feuille de chant, le tournage en boucle de l’adage populaire “Tout est bon dans l’ cochon” ou “Ce qu’il te faut/C’est un cageot/Une chèvre ou/Son légionnaire/Un simple trou/Ou bien ta mère” dans une de ses toutes premières chansons “Irrésistible” (1993). Ils font aussi partie de sa renommée, de son succès (deux Victoires de la musique du moins pour l’instant !) et des disques encensés par la critique musicale ainsi que de nombreux spectateurs répondant présents lors de ses concerts, comme à la salle Jacques Tati de Saint-Germain en Laye, ce vendredi 25 septembre 2020, jour de son anniversaire.
Sur scène l’artiste et le public ont entonné un ‘’Joyeux anniversaire’’ au rappel qui lui a fait chaud au cœur. « Je suis toujours là, ça commence à faire un bail d’ailleurs ! ».

L'Estival 2020 - Juliette © Marylène Eytier

Juliette

Cette fois, elle partage la scène avec l’orchestre Silbando qui produit un son entre tango traditionnel et moderne. La rythmique du tango est assez reconnaissable dans les chansons de Juliette qui voue une vraie passion à ce genre musical,  en alliant « les jeux de mots pour le littéraire et les jeux de notes pour la musique ».  Après avoir été en première partie du concert de Juliette à la Salle Pleyel en 2019, elle les a intégré tout naturellement à ce nouveau projet. Chanter aux côtés de cet iconique orchestre argentin lui permet de revisiter son répertoire pour faire le plein d’émotions et partager cette passion avec le public.

 

LES GOGETTES DÉCONFINÉES

Chansonniers des temps moderne, les Goguettes en trio mais à quatre parodient l’actualité sur un air de chanson populaire, avec un humour parfois piquant, pointant avec justesse les failles de nos politiciens, portant un regard décomplexé sur notre société. Surfant sur la vague du confinement, source d’inspiration de leurs dernières créations et clips vidéo, ils se sont fait connaître d’un plus large public et viennent de sortir leur second album Le temps béni de la pandémie.

Salle comble donc pour venir applaudir le groupe : Aurélien Merle, Stan, Valentin Vander et Clémence Monnier, tout de rouge vêtus interprètent leur chansons se glissant parfois dans la peau d’un politique, alternant sujets graves ou plus légers dans une mise en scène efficace et élégante… Acclamations pour le très attendu “T’as voulu voir l’salon” sur l’air de “Vesoul” (Jacques Brel), fous rires tonitruants bien que masqués pour “Le battement d’ailes du pangolin” sur l’air du “Youki” (Richard Gotainer), “On n’a rien vu v’nir” sur l’air de “Je l’aime à mourir” (Francis Cabrel) ou “Elle est végan” sur l’air de “Elle est d’ailleurs” (Pierre Bachelet).

Le public se régale et, à peine rassasié, gratifie le spectacle de deux rappels : un show à voir et à revoir absolument !

L'Estival 2020 - Les Goguettes © Marylène Eytier

Les Goguettes en trio mais à quatre

ADAMO : TROIS HEURES DE SHOW 

Trois heures de spectacle pour ce grand artiste qui a traversé les décennies. Deux violons, deux guitares, clavier, trompette, basse, batterie… Salvatore ADAMO se présente sur scène accompagné par sept musiciens. Devant un public déjà tout acquis, sautillant tel un jeune homme, il investit la scène et interprète chaque chanson avec une énergie et un charisme hypnotiques. Ses succès “Tombe la neige », “Vous permettez Monsieur”, “Mes mains sur tes hanches”, “Les filles du bord de mer” sont là… mais c’est avec des textes plus profonds tels “Inch’Allah” ou “Les Collines de Rabiah” (une chanson écrite en hommage au Liban) que l’Artiste touche à la grâce. Avec plus de 50 ans de carrière, il offre une performance scénique que peu de jeunes artistes contemporains pourraient assurer. Respect Monsieur !

L'Estival 2020 - Adamo © Marylène Eytier

Adamo

 

CHARLES CROS

La prestigieuse académie remet ses prix « Albums chanson coups de cœur de l’année » à la salle Jacques Tati devant un parterre de pros. On retiendra les prestations  Marion Roch tendre et énergique à la fois, artiste en devenir, La Pietà en duo à fleur de peau donnant le frisson, la touchante Lou Adriane Cassidy en différé du Québec, ou encore Davy Kilembe et ses chansons soul attachantes…

L'Estival 2020 - Prix de l'Académie Charles Cros © Marylène Eytier

Les lauréats de l’académie Charles Cros

 

AFTERS

Le cadre exceptionnel du Manège Royal accueille les afters en seconde partie de soirée les vendredis (DJ’s) et samedis. Installé en format cabaret (service à table), décoré des œuvres de Rénald Zapata, l’espace est convivial et incite à l’écoute : Marion Roch a marqué son empreinte avec sa voix rocailleuse et puissante, envoutant l’auditoire avec ses textes forts, scandés sur fond de basse et bit box. Fabian Ordonez (le père de Bigflo et Oli) clôture le festival dans un ambiance latino chaleureuse et détendue.

 

L'Estival 2020 - Marion Roch © Marylène Eytier

Marion Roch

 

L'Estival 2020 - Fabian Ordonez © Marylène Eytier

Fabian Ordonez

 

EN CHIFFRES

Il y a eu 170 professionnels venus à L’Estival, environ 5000 personnes ont pu assister à environ 30 concerts et entendre une trentaine d’artistes. Un beau bilan en cette période compliquée. Bravo !

 

Texte : SERGE BEYER, VANESSAGE MAURY-DUBOIS et MARYLÈNE EYTIER
Photos : MARYLÈNE EYTIER

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