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SARAH OLIVIER

Sarah Olivier © Marylene Eytier

La liberté en scène

Chanteuse-auteure-musicienne et performeuse atypique, Sarah Olivier fait du bien à écouter et à voir. Une artiste qui reste elle-même sans jouer de personnages ni fioritures.

Suck my toe (La Triperie), son nouvel album, est une invitation à ouvrir les papilles auditives et se laisser porter sur une déferlante sonore bien calibrée et orchestrée pour accompagner le temps qui passe de la meilleure des façons. Du rock, de la new wave en anglais et de la chanson française mais aussi de la soul, du reggae et des sonorités jazzy, le tout enregistré par Bob Coke (Ben Harper, Noir Désir) et mixé par Erwin Autrique (La Mano Negra, Benjamin Biolay).

Son parcours est très complet et riche, émaillé par le théâtre, la danse, les spectacles de marionnette, le cabaret etc. « J’ai aussi beaucoup travaillé mon corps. Dans mon engagement physique sur scène il y a une dimension théâtrale et cinématographique. Tout est lié, mon personnage de scène va puiser dans tout cela. » Le père de Sarah, Olivier O. Olivier était peintre et figure parmi ses influences et inspirations essentielles : « Il m’a transmis l’amour de la littérature, de la poésie et de la langue française, dke la peinture, du surréalisme, l’humour noir même, les bases dans lesquelles je nage et m’abreuve tous les jours. »

Sa playlist idéale de sons et artistes du présent ou du passé est un exercice physique d’évocation mentale : « Je vais dire deux personnes, comme cela on va faire un grand écart Duke Ellington et l’album Money Jungle qui est sur ma platine inlassablement et Kate Bush que j’aime beaucoup. Certainement parce que c’est une femme d’une créativité sans bornes et qu’elle a imposé son univers coûte que coûte en vraie musicienne compositeur-interprète ». Pour le coup, ce grand écart est assez similaire à elle-même, performeuse passionnée, et à ce que l’on perçoit au niveau de son album. « Je n’arrive pas à me canaliser, il y a tellement de choses qui m’influencent, tout me nourrit donc pourquoi se limiter, c’est trop triste ! »

Les Allemands l’ont surnommée la “Nina Hagen française”, à quand une écriture de textes en allemand ? « Dans une des chansons de l’album “L’Asphyxie” il y a des paroles en mandarin et dans le prochain album je pense qu’il y aura pas mal de choses en espagnol, alors l’allemand ou arabe pourquoi pas moi j’aime toutes les langues, j’en suis friande. » Sa voix a un timbre qui lui permet de monter très haut, avec d’impressionnantes envolées lyriques. Les riffs de guitare rock couplés à ses superbes éclats de voix agissent en électrochoc émotionnels. L’émotion et aussi l’attention permettent à Sarah de vivre la scène musicale de manière décomplexée en liberté.

 

Sarah Olivier © Marylene Eytier

 

Tant en Angleterre, France ou Allemagne, sur des estrades de squats punk ou sur les sols de grandes salles complètes (comme en première partie des Insus, ex-Téléphone) Sarah en live, c’est une présence scénique captivante, théâtrale, tout sauf monotone. Son premier album live Steak and beedies sorti en 2018 illustre bien son pouvoir enchanteur devant le public, dans ce partage, cette communion et cet élan vers l’autre, un allant sans pareil.

Depuis une dizaine d’années, Sarah Olivier co-compose avec le bassiste britannique Stephen Harrison. Elle a passé un an de vie aux Etats-Unis, en partie pour commencer à travailler sur un premier roman. La poésie de ses chants français envoie une douceur presque à l’opposé de l’énergie crue de certaines chansons en anglais. Il y a peut-être plus de retenue avec la langue française qu’elle connait, aime et pratique à merveille.

Face aux remarques sexistes de quelques hommes du monde du spectacle elle rappelle « Je fais 150 concerts par an, je sais brancher mon truc, merci beaucoup ! Ce sont des choses qui ne sont pas méchantes mais qui sont insupportables. T’as envie de tout péter, moi ça me met dans en rage. Mais il ne faut pas réagir comme cela, il faut essayer d’être calme et mesurée. Après, oui j’ai eu des moments très désagréables avec des metteurs en scène de théâtre qui ont essayé de me tripoter pendant mon adolescence… comme beaucoup de comédiennes… » Alors que le virus a occulté l’ère de #Metoo, #Balance ton porc etc. elle précise : « Cela est hélas presque ancré dans l’ADN féminin, mais les femmes se libèrent et il est grand temps que cela se sache ».

C’est justement pour cela qu’il est important que des femmes artistes à fort caractère, affirmé, puissent parler, aider et partager leurs expériences. « Je sais que sur scène je touche profondément des femmes, parce que l’on dit de moi que je suis toujours très sexy, très féminine, d’accord, mais avant tout je suis libre, je peux être autant un clown grimaçant qui va presque déranger que quelqu’un d’hyper sensuel… C’est pour montrer aux femmes que l’on n’est pas que ceci ou cela, on a plein de facettes et qu’il faut les assumer même si cela ne correspond pas forcément aux codes que la société veut nous imposer, on peut être moche, belle, attirante, excitante, on peut tout ! ».

La liberté est une valeur avec laquelle Sarah Olivier ne veut pas transiger. La chanson “Stormy Sister’’ en voix parlée-chantée avec des sonorités reggae et country est l’incarnation de cette prise de parole à l’abri de tout préjugé de genre, qui affirme ce qu’elle veut et surtout ne veut pas ! Sarah cultive les variations de rythme sur le même thème : l’amour ! Justement on y vient : amour à mort ou à mort l’amour ? Ou encore l’amour et la mort en musique ? « Je dirais amour à mort, parce que si on aime, on aime à mort, je ne peux pas aimer en pointillés. Moi, si j’aime, j’aime à mort. Mais dans l’amour il y a évidemment la mort, toute bonne chose a une fin. Il y a de l’impermanence dans chaque bonne ou mauvaise chose d’ailleurs. Moi je suis amoureuse des hommes, mais voilà il faut qu’ils nous aiment telles qu’on est. Les hommes sont mes muses, c’est grâce aux hommes et à mes histoires amoureuses que j’écris mes textes… » Elle n’a pas fini de surprendre tant elle adore sortir hors de sa zone de confort, hors de toutes limites.

Sarah jouera le 16 octobre à L’Amuserie à Lons Le Saunier, et le 17 octobre au Festival Les Eclats de Voix en Suisse.

Autre show : le 23 septembre “Sarah Olivier chante Boris Vian” au Sunside à Paris.

Vanessa MAURY-DUBOIS

Photos : Marylène EYTIER

>> Site de Sarah Olivier

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