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LOLOMIS

LOLOMIS

“Une sorcellerie sans frontière”

Mélanger des synthétiseurs, des sonorités médiévales et des chansons traditionnelles des coins les plus reculés d’Europe, voici le pari réussi de Lolomis. Le quatuor inventif et inclassable vient de sortir son troisième disque, Red Sonja, le 10 avril dernier. Placé sous le signe d’une guerrière habillée de rouge, il est un mélange dansant de sonorités acoustiques et électroniques, versant parfois dans la transe. Entrevue.

Comment vous êtes-vous rencontrés ? Que signifie Lolomis ?

Nous nous sommes rencontrés à Strasbourg, sur les bancs du Conservatoire, voire même du collège pour certains. C’est donc une très longue histoire d’amitié avant tout ! Après, on a voyagé pas mal dans les Balkans ensemble, notamment en Bosnie, Serbie, Roumanie, et ces voyages sont les éléments déclencheurs de l’envie d’explorer différentes langues et différents répertoires.

Lolomis, c’est en fait une anagramme de nos quatre prénoms (plus ou moins!). On voulait changer de nom au tout début, mais on n’a jamais réussi. Finalement c’est à la fois rigolo et intrigant, cela nous correspond pas mal.

Quels sont vos parcours individuels ?

Louis a étudié entre autres les percussions classiques d’orchestre, les percussions traditionnelles, le vibraphone jazz et la batterie au Conservatoire de Strasbourg puis à la Haute École de Musique de Genève.

Romane a commencé la musique par le violon, puis en voyageant dans les pays de l’Est de l’Europe, elle s’est ouvrete aux sonorités d’autres langues. En rentrant à Paris, elle s’est inscrite à la faculté d’ethnomusicologie et a étudié aux Glottes Trotters, école spécialisée de Chant du Monde. Elle est également dans les musiques actuelles dans le projet Why Nicht (électro/voix) avec Stélios.

Élodie a étudié la harpe et le violon au Conservatoire de Strasbourg, puis au Conservatoire Supérieur de Lyon et aux Conservatoire Royal de Bruxelles. Aujourd’hui basée à Marseille, elle s’investit dans des projets variés, de la musique médiévale à la musique actuelle, avec un détour par les musiques roumaines avec le quatuor Zakouska.

Stélios a étudié la flûte ancienne au Conservatoire de Strasbourg, puis à la Schola Cantorum de Bâle, au Conservatoire Royal de Bruxelles et au Conservatoire Supérieur de Lyon. Musicalement, c’est la fusion qui l’intéresse le plus, et il s’est lancé dans la prod musicale.

Quelles influences musicales et non musicales revendiquez-vous ?

Nos influences musicales sont multiples, on arrive tous d’horizons très différents. Par exemple, Romane a toujours un nouveau chant à nous faire écouter dans une langue exotique, dernièrement c’était “Levan Polkka” en finnois, qui nous a inspiré pour notre morceau “Hilijalleen”. On se souvient aussi d’une séance d’écoute assidue du premier album de Fever Ray ramené par Stélios, dont l’univers sombre et contemporain nous a beaucoup influencé. Élodie aussi est arrivée avec des morceaux de Lana del Rey où elle déstructure la rythmique et le tempo, et Louis avec des plans de batterie de The Roots assez cool.

Nos goûts oscillent entre des projets acoustiques et des projets hyper produits : c’est surtout l’émotion et la cohérence qui se dégage d’un univers musical qui va nous influencer à travers nos créations. Dans notre nouvel album, on se balade entre de la pop suave, des sons électriques et des interludes acoustiques, avec en toile de fond, cette envie d’emporter l’auditeur dans un monde visuel fort, de lui faire voir tout un tas de choses. Quand on compose, des images nous viennent, on crée notre petit film mental, où se côtoient éléments mythologiques, créatures fantasmagoriques, textures industrielles et métal en ébullition.

Comment se passe le processus de mélange de vos influences et de vos instruments respectifs ?

Toute la création se passe à quatre, l’un de nous lance une idée, les autres réagissent, improvisent par dessus. C’est une multiplication d’essais, de discussions, de traitement de son, de choix de texte. On se lance dans des expérimentations très différentes selon nos états ou selon nos horaires de création. Lolomis est un véritable laboratoire de chimiste fou : on tente des mélanges improbables, parfois le miracle se produit, mais bien souvent le résultat nous explose au visage ! Ça a beau être un casse-tête par moment, le résultat est toujours au-delà de nos espérances, parce que l’on aurait jamais pu y le conceptualiser chacun de notre côté. Lolomis marche à quatre, c’est une machine bien huilée.

Vous avez sorti votre troisième album. Que racontent les chansons de ce disque ?

Red Sonja est un bastringue moderne et féminin où virevoltent des petites histoires de vie aux grandes émotions. Portées par des rêveuses raffinées, héroïnes facétieuses ou ténues, chamanes puissantes, jeunes femmes impétueuses ou séductrices chevronnées, ces guerrières du quotidien nous font tournoyer et nous propulsent dans le monde des amours, de la vie et de la mort. La fougue de Red Sonja s’inspire de l’héroïne éponyme qui naît dans une nouvelle de science-fiction de Robert Howard dans les années 30. Marvel en récupère ensuite les droits pour transformer la guerrière rouge en femme hypersexualisée, vêtue d’un bikini cotte de maille. Il nous paraissait judicieux de nous emparer à notre tour de cette figure afin de redonner la parole à celles qui l’ont trop souvent perdue.

 

 

Quels sont les instruments inhabituels que vous utilisez sur ce disque ?

Outre nos instruments habituels (voix, harpe, flûte et percussions), on s’est lancé dans une expérimentation électronique assez dense. On a opéré une mutation sonore profonde, en travaillant en étroite collaboration avec notre ingé son/producteur Eric Gauthier-Lafaye. Ensemble on a enrichi l’instrumentarium de synthés, de percussions électroniques, de samples, de sons collectés : un véritable travail de recherche et de production qui a pris plusieurs années. On s’est pas mal inspiré de musiques plus récentes aussi, comme James Blake, Billie Eilish, Tame Impala ou encore Rosalía, ce qui a donné à nos morceaux une contemporanéité plus flagrante.

Quelle place prend la spiritualité dans votre musique ?

La spiritualité ou puissances invisibles sont, nous l’espérons, disséminées dans cet opus. Nous servons des thématiques assez fondamentales qui résonnent consciemment ou non chez chacun. Ce sont des parcelles du quotidien, des chagrins et des exploits de l’intime, elles font donc appel au vécu et à la poésie de tous les curieux qui s’y plongent.

D’autre part, nous souhaitions faire la part belle au féminin, une nouvelle spiritualité qui a toujours grand besoin d’augmenter ses rangs.

Romane parle-t-elle vraiment toutes ces langues ? Fait-elle un choix conscient entre les langues, si oui, comment procède-t-elle ?

C’est un bel objectif ! Malheureusement, il faudrait ajouter quelques heures aux journées pour réussir à maîtriser pleinement toutes ces belles langues. En revanche, elle parle ou côtoie une partie de ces langues et pour les plus lointaines, elle fait appel à ses connaissances, locuteurs assermentés afin de travailler en profondeur l’essence des textes et leur prononciation. Au cours de ses recherches, elle glâne et se plonge dans différents imaginaires intrinsèques aux langues. Certaines sonorités sont particulièrement attirantes, évocatrices et dégagent une rythmicité ou mélodie singulière.

Sachant que le public ne parle bien souvent pas ces langues, comment appréhendez-vous l’écriture des textes ?

S’amuser avec les couleurs des langues, leur sens et mesurer ce que chacun pourra percevoir d’une langue qui lui est étrangère est un véritable travail de tisserand. Les textes sont issus de chansons traditionnelles, il sont donc empruntés puis réagencés afin de servir de façon cohérente leur écrin musical. Un message s’exprime en grande partie grâce à l’intonation et l’expression corporelle ; bien souvent, le sens des termes n’est qu’une infime partie d’un propos.

Contrairement à l’album précédent, vous n’avez pas fait de collaborations sur ce disque. Pourquoi ?

Effectivement, pour la première fois, on a décidé de voler de nos propres ailes. On avait besoin de revenir à l’essence de Lolomis, de se retrouver entre nous, à quatre, et d’expérimenter des nouvelles choses sans influences extérieures. Cela nous a poussé à nous renouveler encore plus, à creuser dans d’autres directions, et à exploiter davantage les compétences de chacun. Il y a quelque chose de plus assumé dans notre musique maintenant : oui, Lolomis est inclassable, mais tant mieux !

Comment définiriez-vous votre musique ? Comment souhaitez-vous que les auditeurs y réagissent ? 

Lolomis contribue et se revendique de ces musiques qui n’aiment pas être catégorisées tant leurs influences sont diverses et bigarrées. Il n’y a rien de figé chez nous ; on puise nos influences dans une mythologie ancestrale, une sorcellerie sans frontière, pour créer un objet moderne et étrange aux couleurs chatoyantes.

On ne sait jamais comment vont réagir les auditeurs à notre musique, parfois on se dit qu’on est allés trop loin, qu’on est en train de perdre les gens. Mais en fait, il y a toujours un élément qui permet de tenir l’auditeur, de l’intriguer ou de le faire danser. Ces éléments ancestraux qu’on distille dans notre musique interpellent les gens à des niveaux plus ou moins conscients, comme quelque chose d’animal, et on est souvent surpris de leurs réactions !

Quels sont vos projets pour la suite ?

Pour le moment, nous attendons de pouvoir partager ce nouvel album sur scène avec le plus grand nombre ! Jusqu’ici on n’avait jamais créé des univers musicaux et scéniques en aussi étroite corrélation, du coup on se dit que sur scène on va prendre beaucoup de plaisir, et on espère que le public aussi. En attendant, on va se concentrer sur la sortie de plusieurs clips, et bosser avec des producteurs sur plusieurs remix, pour proposer un EP voire un album constitué uniquement de remix.

“Red Sonja” / Buda Musique

Propos recueillis par LOU MARÉCHAL

Photos : CHRISTOPHE URBAIN

>> Site de Lolomis

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