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Yann-Gaël Poncet

Yann-Gaël Poncet © Johan Byczek

Un violon sur l’arbre

Le musicien d’électro-jazz et violoniste virtuose à la carrière protéiforme met son talent au service des causes qu’il défend, en tête desquelles la préservation de notre planète et le rapprochement des cultures. Entretien avec un artiste transcontinental.

Rendez-vous est donné dans un appartement qui jouxte le bois de Vincennes, l’un des deux poumons verts de Paris, duquel on peut presque apercevoir les arbres, si chers à Yann-Gaël Poncet qu’il en a fait le socle de son dernier projet, Shajara, troisième volet de la série des Transcontinentaux (TNLs) initiée il y a 9 ans. Pour comprendre le musicien érudit, il faut avant tout s’intéresser à ce qui inspire son œuvre : « Le premier sujet, c’est la qualité du lien que nous tissons, comment on se donne confiance. C’est la solution à tous les problèmes. C’est étonnant d’être autant à la ramasse socialement dans le pays qui a inventé la pensée complexe. Laborit a changé ma vie avec La nouvelle grille ». Juste le temps de souligner son admiration pour le sociologue Edgar Morin, et il enchaîne : « Le deuxième c’est le rapport à l’environnement, il faut changer d’échelle, on est de toutes petites choses. Le monde n’est pas anthropocentrique. Il faut rappeler que les arbres sont nos amis, ils nous donnent tout, même mon violon. On est dans un espace incroyable et la dilapidation de cette merveille qu’est notre planète se fait extrêmement rapidement. C’est un comportement barbare, excessivement régressif. »

C’est de ces deux combats (il citera également le fonctionnement des groupes et leur instrumentalisation) que Yann-Gaël Poncet s’est nourri pour créer les TNLs qui ont vu le jour : « Lors d’un séjour au Costa Rica, je découvre le calypso qui est en train de mourir, au milieu de ce pays très francophile, aussi je suis piqué de responsabilité. Après un concert un jour, je me dis que ferais bien un dialogue entre le calypso et l’électro-jazz. Je l’ai appelé projet Transcontinental. Sur la deuxième tournée, j’ai rencontré un Argentin qui faisait du hip-hop et il m’a demandé de faire quelques dates avec lui. Petit à petit, l’idée d’un deuxième Transcontinental a commencé à mûrir et là j’ai découvert le charango que j’ai trouvé superbe. » Chacun de ces projets poursuit le même dessein : préserver l’intelligence des cultures et ralentir leur fusion pour « donner du sens à la mondialisation ». Vraiment ? « La mondialisation peut amener quelque chose de positif. Elle peut être vue comme une possibilité de meilleure connaissance de l’autre, quelque chose qui permet de rapprocher les peuples et mieux comprendre les cultures, faire émerger ces intelligences collectives. Je reviens au fonctionnement du groupe, on a des choses fantastiques à apprendre, c’est étonnant de penser que l’on est moderne ou évolué parce qu’on a un iPhone… alors qu’il coupe d’un tas de choses… »

Pour ses projets, Yann-Gaël rencontre des musiciens locaux, s’imprègne de leur culture, mixe leur musique et la sienne pour un cocktail qui se révèle souvent atomique dans la déflagration émotionnelle qu’il engendre : « Je fais les choses à mon échelle, l’urgence c’est maintenant, il n’est pas trop tard. L’art est une démonstration par le sensible, qui correspond à un combat d’idées. Si l’art n’est pas là pour déplacer, je ne sais pas à quoi ça sert. » Le troisième volet Transcontinental est né d’un projet de plantation d’arbres dans la zone aride de la Tunisie, l’occasion de rencontrer Mounir Troudi, jazzman lui aussi et grand connaisseur de la musique traditionnelle arabe. Le violoniste y porte le message qu’il faut changer notre rapport à l’arbre, comme dans “D’un autre effort”, où la souche de l’arbre que l’homme vient de couper dit : « Homme, tu t’es donné beaucoup de mal pour t’asseoir, d’un autre effort tu pouvais atteindre le ciel ». L’entretien se termine après presque 2 heures, c’est désormais au tour du sublime Shajara d’aller éveiller les consciences.

 

Le spectacle

Lorsqu’une amie de Yann-Gaël Poncet conseille à Yann-Arthus Bertrand de jeter un œil sur le travail du violoniste, le célèbre photographe est saisi d’un tel enthousiasme qu’il décide de lui ouvrir toutes ses banques d’images. Grâce à ce trésor, le spectacle est alors organisé en thématiques qui permettent de synchroniser images et musiques, toutes pensées de manière à ce que chacune raconte une histoire. Autour de cela, des césures, des moments, des espaces sont créés, alternant monde végétal et l’animal. Le spectacle a déjà été joué une fois dans le massif des Bauges (Alpes), une autre date est programmée à la fondation GoodPlanet, avant une tournée l’année prochaine. Transcontinentale bien sûr.

 

Texte : XAVIER-ANTOINE MARTIN
Photos : JOHAN BYCZEK

>> Site de Yann-Gaël Poncet

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