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STEVE AMBER

Steve Amber

Une pièce maîtresse du puzzle

LES CONFINÉS DE LA MUSIQUE. ÉPISODE 16

Pendant cette période pour le moins troublée et troublante, Longueur d’Ondes fait le tour des artistes et professionnels des musiques amplifiées de l’espace francophone (cœur du magazine) afin de parler de la situation et de ses conséquences… Aujourd’hui : Greg Demson de Steve Amber.

Le batteur de Steve Amber, figure de proue hexagonale d’un rock pysché qui se renouvelle sans cesse, a regagné ses terres bretonnes dont la majorité du groupe est issue. Après tout, quel meilleur panorama que celui offert par la rade de Brest pour regarder au loin et penser à l’avenir ? Décidément, les derniers mois n’auront pas été de tout repos pour le quatuor, entre péripéties et imbroglio autour du site de Mains d’Œuvres à Saint-Ouen en fin d’année dernière où le groupe avait ses habitudes, et les désormais vicissitudes liées à l’assaut planétaire du méchant virus à couronne… On aura connu des périodes plus sereines pour composer et enregistrer… Mais il en faut plus pour déstabiliser le groupe, avançant contre vents et marées (la nature bretonne finit toujours par prendre le dessus…) pour finaliser un album très attendu qui succédera au superbe EP From A Temple On The Hill sorti il y a un an et demi.

 

Comment vis-tu cette période ?

Plutôt bien. Il y a des jours plus facile que d’autres mais globalement ce n’est pas une expérience désagréable. C’est l’occasion de se concentrer sur tout ce qu’on a pas le temps de faire dans la vie de tous les jours : lire des livres, regarder les filmographies d’acteurs ou de réalisateurs qui nous inspirent, plonger dans les disques de notre liste des disques à écouter qui s’allongent au fil du temps et des rencontres. J’en profite aussi pour m’intéresser à la permaculture comme j’ai un jardin là où je suis. Pour résumer tout ce qui peut stimuler l’écriture et la composition de nouvelles choses (chansons, textes, idée de clips…) J’ai aussi un mini-studio d’enregistrement dans ma chambre d’ado pour avancer sur mes maquettes. Comme le dit Mike Horn : « Il faut se créer des objectifs personnels pour garder le moral et avancer ».

Tu es où là ? Tout seul ?

Je suis chez mes parents à Brest. J’ai réussi à partir avant le confinement avec ma copine. J’y ai retrouvé ma famille que je n’ai pas l’occasion de voir très souvent.

Ce qu’on vit là, ce virus qui se propage à la vitesse de la lumière et qui met le monde KO, c’était quelque chose de prévisible pour toi ?

Il est évident que l’on pouvait s’y préparer oui. Tout en ne sachant pas quand ça arriverait. Moi-même au début je pensais qu’on en faisait toute une montagne de cette histoire, que oui c’était dangereux et qu’il fallait se tenir au courant de ce qui se passe avec un regard réaliste, mais maintenant je me dis que ce qui ferait la différence c’est de prendre du recul sur la situation et ne surtout pas céder à la peur. J’ai l’impression que c’est plus devenu une épidémie de peur et d’anxiété plus qu’un vrai fléau biologique. Si le mental ne reste pas fort et qu’il épouse cette peur, c’est là que les choses s’aggravent selon moi.

 

 

Pendant cette période, tu as continué à jouer et à composer, est-ce que ta musique a été changée/influencée par ce qui se passe dehors ?

Pas pour le moment. C’est l’occasion avant tout de faire du tri dans les enregistrements et les bribes de paroles. Bien sûr ça fait se poser beaucoup de questions sur la vie autour de nous et    inspirer de la nouvelle matière pour le futur proche. En revanche, ce côté confinement permet de se recentrer en mode isolement pour écrire un nouveau livre ou un album… On est un peu coupé du monde (perso je ne suis pas du tout les médias que j’estime extrêmement anxiogènes, déballant leur vocabulaire fataliste et négatif et mettant au second plan les solutions et les propositions intelligentes) et ça fait du bien. Il y a des jours moins agréables que d’autres bien sûr mais je préfère voir cette situation comme une occasion de se recentrer sur soi pour faire peau neuve.

Est-ce que vous répétez à distance ?

Non. Ça ne nous intéresse pas. Tout comme nous ne sommes pas fans de cette tendance de live streaming sur les réseaux. Il y a tellement plus important à faire selon nous. Nous profitons de ce temps par contre finaliser le mixage de notre album à distance avec notre grand frère spirituel et réalisateur Henri d’Armancourt du groupe Shoefiti avec qui nous échangeons presque tous les jours. On n’a pas le temps s’ennuyer et nous préparons le retour à l’activité post-confinement de manière active.

Ton rapport avec les autres membres du groupe ?

Tout va bien. Nous prenons souvent des nouvelles des uns et des autres. Le fait que l’on travaille sur l’album à distance nous permet de garder le contact régulièrement. On en profite pour s’envoyer des idées de disques à écouter, de films à regarder, de livres à lire qui, on ne sait jamais, peuvent nous inspirer pour de futures chansons.

Ça te fait réfléchir différemment ? Est-ce que tu vois les choses sous un autre angle désormais ?

Forcément je me pose beaucoup de questions chaque jour,    on a le temps pour le coup. Comment on va s’en sortir ? Qu’est ce qu’on peut faire pour améliorer tout ça ? Comment puis-je aider ? Le plus dur étant d’avancer dans le flou. On ne sait pas où tout ça va nous mener. Tout le monde est tiraillé entre peur de l’inconnu et envie frénétique de vivre. Pour moi, cette situation est l’occasion de faire un gros bilan sur notre vision du monde et notre place dans tout ce brouillard épais qu’est notre société. Je me dis que cette période peut permettre de réveiller les consciences et par conséquent la solidarité entre les gens et un retour aux choses essentielles. Tout ce qu’on nous raconte dans les médias peut aussi bien nous pourrir le cerveau et le moral que nous passer le message « Ok ce qui se passe est relou, on se réveille et on se bouge pour devenir meilleur ».

T’as pas eu envie de tout lâcher ?

Lâcher non, mais m’adapter oui. Bien sûr il m’arrive de me dire depuis ces dernières semaines quand je me retrouve devant mon instrument pour enregistrer des maquettes « À quoi ça peut servir ce que je fais ? J’aide personne là, ce n’est qu’une manière comme une autre de passer le temps. » Concrètement faire de la musique chez soi, au premier regard, n’aide en rien à part conserver sa propre santé mentale. Ça en devient presque futile. Et puis en y réfléchissant tu te dis « Heureusement que les artistes sont là en fait. » Cinéastes, peintres, photographes, écrivain(e)s, danseur(se)s, musicien(ne)s et j’en oublie tellement. Je pense sincèrement que c’est ça qui ne fera pas chuter l’esprit humain. Sans art le monde deviendrait complètement vide de sens. On en a besoin. Ça te fait prendre conscience que nous sommes une grosse pièce du puzzle de ce qui est la Santé avec un grand S.

Tu crois que tout cela aura un impact durable par la suite, est-ce que la prise de conscience sera suivie d’actes pour minimiser les risques futurs voire les anticiper, ou on reviendra dans le monde que l’on connaît parce que l’argent plus fort que tout ?

J’ose espérer que les choses changent mais à ce stade je n’en sais rien. Je pense que naturellement on va vouloir revenir à ce qu’on faisait avant car qui dit changement dit nouveauté donc peur de l’inconnu. Mais je pense que si on veut retrouver au mieux ce qu’on avait avant cette période, il va falloir passer par une période d’adaptation.

L’industrie de la musique est paralysée, quels qu’en soit ses composants et quelle que soit la taille des acteurs qui la composent. Tu penses que tout va repartir comme avant, petit à petit, ou au contraire il va falloir repenser certaines choses ?

Je pense surtout beaucoup aux petites structures, aux assos, aux petits festivals… Tous ces acteurs avec qui nous sommes en contact, avec qui nous évoluons et qui font découvrir de nouveaux artistes chaque jour. Beaucoup sont certains qu’il y aura du changement, des fermetures, moins de lieux pour s’exprimer et partager, qu’il faudra tout recommencer à zéro. Pour ma part je suis peut-être plus naïf que fataliste, mais j’ose espérer que tous ces acteurs s’en sortiront d’une manière ou d’une autre. Avec le groupe nous les soutenons du mieux que nous pouvons. C’est grâce à eux et leur audace pour faire connaître l’art de chacun au plus grand nombre, avec égalité, que les consciences peuvent s’élever et devenir meilleures.

Ta playlist confinement : 5 titres.

The Kills -    “Future starts slow”

Shoefiti – “Fill the silence”

The Psychotic Monks – “Walk by the wild lands”

John Frusciante – “Going inside”

Yo La Tengo – “Night falls on Hoboken”

Clip “Dust” (Live From a Temple on the Hill)

 

Propos recueillis par XAVIER-ANTOINE MARTIN

 

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