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WE HATE YOU PLEASE DIE

WHYPD

Sick sad world

LES CONFINÉS DE LA MUSIQUE, ÉPISODE 11

Pendant cette période pour le moins troublée et troublante, Longueur d’Ondes fait le tour des artistes et professionnels des musiques amplifiées de l’espace francophone (cœur du magazine) afin de parler de la situation et de ses conséquences… Aujourd’hui : Raphaël Balzary de We Hate You Please Die.

Le chanteur de We Hate You Please Die n’est pas du genre à se mettre en avant, bien au contraire, pourtant son initiative Sick Sad World, compilation de 41 reprises avec la participation de groupes français (Metro Verlaine, You Said Strange, Structures, MNNQNS…) dont la totalité des dons ira au Secours Populaire, rencontre un très fort engouement et démontre combien cet humaniste sait transformer ses idées en actes solidaires.

We Hate You Please Die est un groupe attachant, et cela tient pour beaucoup à la personnalité de ses 4 membres, 2 garçons (Raphaël au chant, Joseph à la guitare) et deux filles (Chloé à la basse et Mathilde à la batterie). Le combo rouennais distille un rock plutôt [très] énergique – il suffit d’entendre leur “We hate you please die”, véritable hymne punk, pour se rendre vraiment compte de ce qu’ils dégagent – , véhicule d’une contestation affichée, dénonçant le contrôle exercé par certaines multinationales aux ramifications tentaculaires ou bien encore les inégalités sociales. Quand on leur avait demandé au festival Rock In The Barn en septembre dernier si ça n’avait pas été trop difficile de jouer devant 7000 personnes le mois précédent à Rock En Seine, Raphaël avait répondu: « Moins difficile qu’ici avec moins de monde où on voit tous les visages, c’est plus impressionnant. »

 

 

Comment vis-tu cette période ?

Pas trop mal en fin de compte, c’est inquiétant mais au final je me repose pas mal.

Tu es où là ? Tout seul ?

Dans mon plaid, à Rouen.

Ce qu’on vit là, ce virus qui se propage à la vitesse de la lumière et qui met le monde KO, c’était quelque chose de prévisible pour toi ?

Je ne suis pas spécialiste des pandémies mais c’est un peu couillon qu’on ait vu le virus arriver à vitesse grand V et d’avoir pensé que ça nous atteindrait pas. Et là, tout le monde commence à mettre en doute plein de choses sur l’implication de la Chine avec le virus, les débats et les théories du complot ne font que commencer !

Pendant cette période, tu as continué à jouer et à composer, est-ce que ta musique a été changée/influencée par ce qui se passe dehors ?

Je sais pas si ça m’inspire des choses, mais je pense que ça va inspirer les gens. On pense souvent que l’enfer c’est les autres, mais au final, confiné comme ça on se dit qu’ils nous manquent un peu quand même … Je suis intrigué de ce que cela va inspirer aux artistes, hormis des œuvres d’art faites de papier toilettes et de pâtes (rires).

Est-ce que vous répétez à distance ?

Alors on y a pas pensé, mais on fait beaucoup de maquettes par contre ! Les trucs type livestream ça ne marcherait pas, j’ai une connexion en carton…

Ton rapport avec les autres membres du groupe ?

On échange tous les jours, on essaie de rester prolifique et on en profite pour faire et apprendre des nouvelles choses. Peu importe la suite pour notre secteur, on se retrouvera pour faire du son !

Tu angoisses de ne plus faire de live ?

De la tristesse plus que de l’angoisse. Mais c’est secondaire au vu de ce qui se passe.

Est-ce que tes concerts ont été annulés ? Comment as-tu rebondi ? Comment envisages-tu tes prochains concerts ?

Tous nos concerts ont été annulés pour le printemps, je pense que l’été va suivre le même chemin si on est réalistes vis à vis de la situation, voire même plus loin… Mais bon c’est normal en même temps. Dans l’idée, ça m’a fait bizarre la première semaine, puis après j’ai relativisé, il y a largement plus grave que l’annulation de concerts d’un groupe de rock dans la vie. Je ne sais pas quand on va reprendre les concerts mais j’espère que tout le monde aura envie de lâcher l’énergie stockée depuis plusieurs mois, genre un kaméhaméha commun. Mais bon, pour cela il faut que la sécurité des gens soit préservée avant tout.

 

Raphael

Raphaël Balzary / We Hate You Please Die
Photo de Hyero Ze Noize.

 

Ça te fait réfléchir différemment ? Est-ce que tu vois les choses sous un autre angle désormais ?

J’ai l’âme collapsologue… les choses étaient faites pour s’écrouler, il fallait vraiment être une autruche pour penser que tout allait s’arranger tout seul. Tout ça ne met que plus en évidence les inégalités, et ça fout encore plus la rage. Mais oui, ça emmène à pousser encore plus loin la réflexion. Notre place dans un tout, la place de l’ego, est-ce important de réussir sa vie ? Pourquoi une vie serait-elle plus importante qu’une d’autre ? C’est la meilleure époque pour lire Albert Camus, je pense. Il va falloir que tous les gens qui ont vraiment envie de changer les choses se transcendent et apprennent à perdre des choses parfois acquises, certains conforts, croyances ou habitudes venant de leur éducation, et ça c’est pas gagné. Bien sûr, cela vaut, surtout même, pour « les pouvoirs dirigeants »…

T’as pas eu envie de tout lâcher ?

Si tu parles de la musique non, si tu parles de la vie en général non plus. Il faut s’accrocher, et voyons le positif : le film de Kaamelott sort cette année ! Mais en vrai j’ai des coups de mou parfois…

Tu crois que tout cela aura un impact durable par la suite, est-ce que la prise de conscience sera suivie d’actes pour minimiser les risques futurs voire les anticiper, ou on reviendra dans le monde que l’on connait parce que l’argent plus fort que tout ?

Ça dépendra de nous et de nos gouvernements. C’est dur de changer les mentalités, je ne suis même pas sûr que la peur provoquée par le virus y fasse grand chose. Le plus chiant ça va être d’expliquer aux gens riches que ça serait cool d’équilibrer avec les autres. Déjà si on débloque ce trophée, là c’est cool !

L’industrie de la musique est paralysée, quels qu’en soit ses composants et quelle que soit la taille des acteurs qui la composent. Si Live Nation va certainement pouvoir s’en remettre, que va-t-il se passer au niveau des scènes locales et indés ? Tu penses que tout va repartir comme avant, petit à petit, ou au contraire il va falloir repenser certaines choses ?

Dans l’idée, plus on éloignera le capitalisme de tous les secteurs mieux ça sera. D’ailleurs pas si sûr que Live Nation s’en sorte si bien à la fin… Mais certains artistes et producteurs doivent vraiment arrêter de faire monter les enchères comme ça. Je ne comprends pas qu’il y ait des groupes qui prennent des cachets à genre un million et qui fassent faire payer leurs fans des places à 100 euros. Alors oui tu payes bien le travail des artistes, toute une équipe derrière mais un moment faut se détendre… Je trouve ça honteux qu’un groupe de fusion-rap anti-capitaliste des années 90 dont je ne citerai pas le nom puisse vende des places de concert aussi chères, même si c’est la rançon de la gloire. Enfin c’est que mon avis, la culture c’est chouette, essayons de la rendre accessible un maximum et que tout le monde y trouve son compte. Les structures intermédiaires, elles, pour le coup vont devoir s’accrocher. Je leur souhaite beaucoup de courage. Et enfin les petites assos et indé continueront, je pense, à essayer d’organiser des concerts dans les bars/cave. Ils l’ont toujours fait, ils sont la base de tout, c’est un militantisme qui ne s’arrêtera pas. Peut-être même l’occasion pour un nouveau public d’aller y jeter un œil ?

Ta playlist confinement : 5 titres.

Johnnie Carwash – “Forever yours”
Kate Bush – “Babooshka”
Mac De Marco – “Change the world ”
System of a down – “P.L.U.C.K.”
La B.O de Final Fantasy 7

 

 

Propos recueillis par XAVIER-ANTOINE MARTIN

 

LA COMPILATION
SICK SAD WORLD 90-2000

ANTI-COVID COVERS

 

Comment t’es venue l’idée de cette compilation ?

J’avais un projet de compilation depuis un petit moment. Lorsque le confinement est arrivé, je me suis dit que c’était le bon moment d’en faire une avec ce climat anxiogène. J’ai pensé à comment me rendre utile. J’ai alors décidé de faire une compilation solidaire dont les dons iraient au Secours Populaire. Je voulais un truc fun. Les reprises sont des années 90-2000, époque durant laquelle nous avons grandi et qui étaient des années d’optimisme. J’ai donné à chaque groupe, chaque artiste la plus grande liberté sur le choix des reprises. Chacun pouvait amener sa petite madeleine de Proust, son guilty pleasure.

Les reprises sont très variées, de Gala à Fugazi en passant par Ace Of Base ou Britney Spears.

Oui, beaucoup de groupes ont proposé des trucs fun et iconiques. L’idée était de laisser la plus grande marge de manœuvre possible. Les morceaux ont été enregistrés au téléphone ou sur un magnéto. Tout le monde a connu les tubes de ces années-là même les rockers qui les écoutaient en secret. Il y a la nostalgie de ces années. C’est comme un refuge avec le côté rassurant que pouvait avoir cette époque.

C’est un projet solidaire…

Oui, l’idée était de faire une compilation pour récolter des dons. Le projet a grossi au fur et à mesure des jours. C’est comme cela que nous nous sommes retrouvés avec quarante deux morceaux. C’est un projet solidaire qui en même temps fera plaisir aux gens. Je pense d’ailleurs perpétuer ce genre de projet à l’avenir. Faire des sorties de disques pour servir des causes. C’est à la fois utile et fun.

 

 

J’ai lancé le projet dès le début du confinement. C’est allé très vite car évidemment tous les groupes étaient confinés chez eux. On allait évidemment pas leur demander d’aller en studio pour enregistrer. Il ne fallait pas prendre le moindre risque. Tout a été fait à la maison. Il n’ y a que trois reprises qui avaient été faites avant : celles de Pogo Car Crash Control, Modern Men et Équipe de Foot.

Il y a beaucoup de groupes de Rouen…

Oui, mais pas plus d’un tiers. C’est parce que l’on se connait tous très bien. J’ai contacté des groupes de la France entière, combos que nous avions rencontrés lors de nos tournées.

Ton groupe a décidé de reprendre “Freed for desire” de Gala. Pourquoi ce morceau ?

Il y a eu débat. On a pas tous le même âge dans le groupe donc nous n’avons pas grandi avec les mêmes morceaux. On a pensé à Kyo puis Gala s’est imposé.

Les dons iront au Secours Populaire. Pourquoi cette association ?

Parce que les gens la connaissent, donc c’est plus simple pour identifier à qui iront les dons. Le Secours Populaire travaille 20 à 50 % fois plus que d’habitude selon les régions. Il y a des gens qui ne peuvent pas nourrir leurs enfants. Avec la crise du Covid-19, les inégalités risquent de se creuser encore davantage. C’est dommage que les médias ne parlent que de chloroquine et pas du travail des assos sur le terrain. Si à travers cette compilation, ils découvrent des assos d’entraide, ce sera une bonne chose.

La compilation est sortie il y a huit jours et elle a déjà récolté plus de 6000 euros de dons. Tu dois être content.

Hyper content. Les gens sont prêts à donner et les artistes aussi. On dit souvent que ce sont des gens spéciaux mais on se rend compte qu’ils sont prêts à mettre la main à la pâte. En plus, j’ai reçu des centaine de messages adorables. Ca me touche.

Ceux qui ont peu d’argent peuvent quand même écouter la compilation ?

Bien sûr. On ne veut pas creuser encore davantage les inégalités. Cela aurait été scandaleux de n’en donner l’accès possible qu’à ceux qui donnent.

En dehors de la bonne action, la compilation est super réussie.

Les groupes ont joué le jeu. Il y en a plein dont je suis fan qui ont répondu présent. C’est une compilation dont le but est de se distraire en des temps difficiles. Je voulais un truc fun. Je crois que c’est réussi.

La compilation est ici.

 

Propos recueillis par PIERRE-ARNAUD JONARD

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