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FESTIVAL DÉTONATION

La Rodia à Besançon

LES CONFINÉS DE LA MUSIQUE, ÉPISODE 8

Pendant cette période pour le moins troublée et troublante, Longueur d’Ondes fait le tour des artistes et professionnels des musiques amplifiées de l’espace francophone (cœur du magazine) afin de parler de la situation et de ses conséquences… Aujourd’hui : Simon Nicolas, chargé de communication à La Rodia, salle de musiques actuelles à Besançon et du festival Détonation.

Les rentrées de septembre ne riment pas avec dépression à Besançon. Tous les ans depuis 2012, La Rodia SMAC organise à la fin du mois, le festival Détonation à La Friche artistique. Cet événement rassemble près de 5000 personnes par soir et « mêle musiques actuelles avec une programmation éclectique, audacieuse, exigeante et des arts visuels basés sur l’interactivité » explique Simon Nicolas, chargé de communication. Aujourd’hui confiné avec sa famille, il doit avec tout le reste de l’équipe de La Rodia, s’atteler à la préparation de ce festival. Mais pas que ! Si les Eurockéennes, les Vieilles Charrues ou le Festival Beauregard ont déjà annoncé leur non-tenue cet été, le verdict reste flou pour le festival Détonation. Il faut donc imaginer tous les scénarios possibles et s’organiser. « Le festival doit se tenir du 24 au 26 septembre ; donc on a la chance d’être l’un des derniers de l’été (ou le premier de l’année au choix) donc on espère encore (un peu) qu’il aura lieu à ces dates. Mais bon bien sûr on ne peut encore rien garantir aujourd’hui. »

Cela peut entraîner quoi précisément pour le festival ?

Beaucoup de choses ! Déjà nous sommes un petit festival avec une économie assez fragile soutenu par La Rodia SMAC de Besançon. Notre économie repose sur les entrées, le bar et le mécénat. Sans rentrer vraiment dans les détails économiques nous imaginons actuellement une autre formule pour le festival qui sera certainement plus petit. Nous ne nous voyons pas demander des subventions supplémentaires en ce moment où l’urgence est surtout sociale. De même pour le mécénat il nous paraît clairement indécent de solliciter des entreprises qui jouent leur survie à l’heure qu’il est.

L’autre changement va venir sur la programmation avec notamment l’incertitude de pouvoir accueillir des artistes étrangers. On ne sait pas où on en sera en été aux États-Unis ou en Angleterre par exemple. Pour l’instant notre programmation n’est pas bouclée et tout change tous les jours donc pas simple de s’organiser ni de budgéter quoique ce soit.

On marche sur des œufs car si ça se trouve je pourrais répondre tout autre chose dans une semaine. Actuellement on part sur une formule réduite de Détonation avec la suppression d’une scène et une jauge plus petite. On ne se fait pas d’illusion et on anticipe aussi le fait que nous n’ayons pas l’autorisation de monter le festival ou que les consignes arrivent trop tard pour que l’on puisse se permettre de le faire…

Comment travailles-tu dans cette période avec ton équipe ?

Nous télé-travaillons tous avec une partie de chômage partiel donc les journées sont plus courtes et comme nous gérons également La Rodia, nous sommes sur les deux fronts avec son lot d’annulation et de reports. Nous faisons des points régulièrement tous ensemble pour que tout le monde soit au courant et on en profite pour garder un peu de lien. On se manque mutuellement et on en profite pour s’échanger des recettes.

 

La Rodia Besançon

La grande scène du festival Détonation sous la citadelle bisontine.

 

Tu peux avancer sur quoi ?

À vrai dire on se pose beaucoup de questions sur ce qui va se passer et on en profite pour réfléchir sur notre façon de fonctionner ou comment on envisage l’avenir. Il y aura forcément un après pour la musique live, donc on essaie de coller au maximum à nos valeurs sociales, solidaires, écologiques et éthiques. On travaille aussi sur des dossiers de fond pour 2021 avec toujours cette ombre planante et incertaine de la réouverture de La Rodia.

Tes contacts avec les collègues des autres festivals, comment ça se passe ?

On discute beaucoup entre organisateurs et notre directeur est très actif dans les échanges avec le SMA (Syndicat des musiques actuelles) dont nous avons signé la charte. Tout le monde est dans le même bateau donc on se sert les coudes.

Ça te fait réfléchir différemment ? Est-ce que tu vois les choses sous un autre angle désormais ?

Oui bien sûr on réfléchit aux formats artistiques plus adaptés au monde en devenir, la crise actuelle pose beaucoup de question par rapport à la salubrité ; maintenir la notion de lien est la mission d’une SMAC. Nous réfléchissons surtout aux moyens de préserver la diversité et la richesse artistique.

Tu crois que tout cela aura un impact durable par la suite, est-ce que la prise de conscience sera suivie d’actes pour minimiser les risques futurs voire les anticiper, ou on reviendra dans le monde que l’on connaît parce que l’argent plus fort que tout ?

C’est une crainte mais on fera tout pour éviter ce genre d’évolution. Ce n’est pas le rôle d’une SMAC qui a une mission de service public de la musique de tomber dans cette facilité et c’est surtout pas notre envie. J’espère que tous les acteurs des musiques actuelles en tireront les bonnes conclusions pour faire évoluer leurs façons de travailler. Notre objectif reste et restera toujours de proposer une programmation et des actions culturelles aussi éclectiques et exigeantes que possible.

L’industrie de la musique est paralysée, quels qu’en soit ses composants et quel que soit la taille des acteurs qui la composent. Si Live Nation va certainement pouvoir s’en remettre, que va-t-il se passer au niveau des scènes locales et indés ? Tu penses que tout va repartir comme avant, petit à petit, ou au contraire il va falloir repenser certaines choses ?

Ce qu’on espère c’est que déjà un maximum de petites structures s’en sortent et à notre niveau local nous travaillons sur des moyens pour les aider à se relever de cette situation catastrophique. Personnellement je crois que tout le monde devrait commencer par se regarder et se demander comment il peut être utile et solidaire pour aider un maximum d’acteurs. C’est cet élan qui fera que le monde de demain sera beau et respectueux de ceux et de ce qui nous entoure.

 

Simon Nicolas, autoportrait

Simon Nicolas, autoportrait

 

En ce moment les artistes partagent beaucoup depuis leur salon : lives insta, compo. D’après-toi, est-ce que notre rapport aux festivals va changer après le confinement ?

J’entends plein d’avis contradictoire sur les envies du public après le confinement, certains ont très envie de sortir d’autres sont plus craintifs … Je fais partie de la première catégorie. De notre point de vue de toute façon il est impensable de faire courir le moindre risque au public. Ce que je trouve assez rigolo avec les vidéos live des artistes c’est souvent qu’on voit leur intérieur donc on imagine comment ils vivent dedans.

Si tu pouvais faire un vœu pour demain ?

Waouh vaste question … Ça serait déjà que l’on prenne en considération la planète sur laquelle on vit ça serait déjà bien, après il y a trop de choses que je souhaiterais changer dans ce monde qui part à la dérive. Mais je reste un grand optimiste.

Ta playlist confinement.

Voilà une playlist que j’ai faite pour La Rodia il y a quelques jours.

 

Propos recueillis par Amélie Pérardot

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