SÜEÜR

Le 23 janvier 2020, la Boule Noire, Paris.

À l’été 2019, le bruit de couloir a commencé à circuler : un nouvel artiste de génie, Süeür allait bientôt débarquer. Un premier titre “MTM ( sur ma vie )” c’est tout ce qu’il aura fallu pour convaincre. Un second sort, “En équilibre”, puis un troisième “Peut-être” et voilà que le ton est donné. Un habit urbain couvert par des guitares énervées, pas de doute, le trio allait tout embarquer sur son passage. Aujourd’hui l’OVNI s’apprête à sortir sa première mixtape : 9 titres énergiques pour se déchaîner dessus au point de… dégouliner de sueur… C’est d’ailleurs pour la release party de cette galette que le groupe a donné rendez-vous à ses adeptes à la Boule Noire de Paris.

La salle se remplit au fur et à mesure alors que débarque sur scène Ceylon. Le cadre va bien à ce groupe aussi atypique que l’artiste qui va suivre. La Boule Noire a la force de ces vraies salles parisiennes, ces boudoirs de l’absurde et du rock, de la musique qui se joue dans des caves et parle aux experts. Face au murs sexy et ses dessins osés, un groupe, joue un rock hallucinant. Un cri résonne, c’est la chanteuse de la formation. Avec ses cheveux long et son look déjanté, impossible de détourner les yeux de la scène. Un cri vous dites? Oui, puisqu’entre des riffs rock sans concession, notre boule d’énergie pousse des hurlements possédés, vifs, qui boostent un live. La demie-mesure ne sera pas au rendez-vous ce soir… Le dernier titre de cette première partie joue les prolongation, le moment s’étend, Ceylon n’a pas envie de partir et ça tombe bien, le public veut aussi les retenir.

21 heures. L’intro : la clarinette s’invite à des rythmiques puissantes, le ton monte et les cœurs s’emballent. Voilà l’assistante projetée sur les hauteurs d’un grand huit, juste avant que l’on amorce la descente. Il va être brutale ce looping. Les murs tremblent, ils l’annoncent. Quand Théo Cholbi monte sur scène la tension est à son apogée. Le flow grave débarque alors, sa voix rauque, reconnaissable entre tous, ses intonations parlées. « Enfin de la nouveauté, enfin des risques » semble dire une assistance qui crie et siffle déjà. Nous sommes dans les bas-fonds de Paris, là où l’art transgresse, là où les punchlines sont les bienvenues et se confrontent à des mélodies sans concessions. Elles sont justifiées, nécessaires. Süeür c’est du rock, du rock au gout urbain, du rock moderne, du rock alternatif enfin pour la première fois depuis longtemps renouvelé. Si le groupe parle volontiers de poésie, expliquant comment Rimbault peut être un rappeur, il l’invite volontiers sur scène via un livre ; Théo le parle, le fait vivre, transgresse les genres sans en fait des tonnes.

« Mange tes morts sur ma vie », hymne aux instincts écorchés, pour expulser la rage en concert, avec des mots crus… Les singles s’enchaînent et le chanteur est maintenant torse nu, délaissant la capuche, les styles léchés, pour mieux laisser tout s’échapper. L’énergie percute maintenant les spectateurs comme telle une onde de choc. La poésie est toujours là cependant, tapie dans le noir, quand “Thank you Satan”, une reprise de Léo Ferré, résonne. Un passage en fosse permet d’attiser les esprits.

Cette release party est collective, public et artistes expulsent leurs maux en musique, laissent place à leur part animale. La fin est proche, la salle elle, est gorgée de cette énergie vibrante. Impossible de se quitter comme ça. Alors, le maître de cérémonie propose « Une dernière et cette fois vous allez manger vos morts ». Le titre phare est de nouveau interprété. La salle vibre une dernière fois, les slams se lancent, les pogos se font plus nombreux, les experts chantent. Chacun célèbre ces dernières minutes d’intensité hurlante avant de rejoindre le monde extérieur, qui parait maintenant bien trop tiède, pour y transpirer à grosses gouttes.