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MODERN MEN

Modern Men © Emilie Mauger

Frenchy sans chic

Quand un MNNQNS et un Sunddunes s’associent, ça fait mal, ça défouraille. Modern Men : un premier EP « D.E.M.O. » nuisance sonore, hyper destroy mais terriblement honnête. Violence instinctive, sans aucune arrière-pensée. Pourtant en phase avec nos vies.

 Adrian, chanteur explosif de MNNQNS*, s’échappe un temps de son groupe rouennais pour fonder, avec son acolyte Quentin de Sunddunes, une formation hardcore / synth-punk… et en (presque) français ! Leur EP abrasif, social, hurlé, comme un coup de trique face à la misère intermittente et le jour du RSA. Adrian : « On voulait faire un truc vraiment OVNI. À l’heure actuelle beaucoup de gens nous disent “C’est vraiment très bien même si on ne comprend rien à votre musique” et ça nous fait assez marrer. » Il est vrai que cet EP, de prime abord, concasse les genres jusqu’à parfois perdre l’auditeur en route. Au fil des écoutes, toutes les subtilités déployées par le duo renvoient pourtant à une volonté de ne pas servir de la soupe tiède : « C’est quand même plus excitant de prendre des risques que de faire un énième groupe d’électro-pop ou de rock slacker dont personne n’aura rien à foutre puisque tout le monde le fait déjà », précise judicieusement Adrian. Et en effet : Modern Men est un groupe, heu, comment dire… OVNI, oui (le mot lui correspond bien).

Ce projet permet au songwriter de MNNQNS de fonctionner à l’instinct : « La plupart du temps je fais des boucles à l’arrache avec mes synthés et j’envoie ça à mon binôme sans trop réfléchir. MNNQNS c’est hyper différent, je peux passer des semaines à me prendre la tête sur tel ou tel accord ou sur la façon de faire cohabiter différents moods au sein d’un même morceau. » De ces titres sans cliché ni misérabilisme, une chanson sort incontestablement du lot : “Rouen a de l’eau jusqu’aux épaules”, dont le texte de Quentin (parolier tsunami et chanteur lead) canarde avec subtilité les dérives nocturnes pourries, la connerie alcoolisée du quidam anonyme. Kas Product et Taxi Girl ne sont pas loin. Car Modern Men est un travail hybride, l’œuvre de deux jeunes punks qui ont retenu de l’insoumission frenchy but chic tout le glauque de cette pop 80’s qui vomissait (littéralement) dans les dîners mondains et s’achevait dans les toilettes des Bains Douches. La réussite du disque se trouve peut-être ici : dézinguer la synth-pop et lui enlever ses oripeaux fashion, pratiquer l’outrage plutôt que la servitude commerciale, revenir à du primaire, du bestial, revendiquer le crade et le baveux.

 

Modern Men © Emilie Mauger

 

Là où il se trouve, Alain Pacadis vient de trouver son album favori de l’année. Un album peut-être instantané, sans lendemain, tellement la charge semble ici provenir des tripes. Adrian et Quentin documentent l’époque, puis adressent un gros fuck off à l’encontre du libéralisme français. Ça fait du bien !

*MNNQNS, ce fut d’abord, en 2016, un titre mancunien, foutrement bon : “Come to your senses”, notre single favori de l’année. Puis des concerts hystériques où les filles hurlaient de plaisir pendant que les quadragénaires retrouvaient les jambes de leurs vingt ans. Le groupe rouennais a depuis sorti deux EP, parfaits : Capital et Advertisement. Sa côte d’amour en fait aujourd’hui le meilleur espoir du rock français. Mérité, légitime. Le premier album arrive maintenant, là, et il va sans dire qu’il s’agit du plus attendu de 2019. Pour une fois que la jeunesse ne récite pas les leçons d’antan et réinvente un peu le cours mollasson de cette satanée histoire du rock français…

JEAN THOORIS

D.E.M.O. – autoproduction

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