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DIRTY DEEP

Dirty Deep @ Petit Bain

UN AIR DE BAYOU EN ALSACE

 

Avec déjà quatre albums au compteur et de nombreuses tournées, Dirty Deep a su s’imposer comme l’une des figures majeures du blues-rock français. Leurs morceaux évoquent de manière puissante et intense l’âme des grands espaces. Un groupe au talent indéniable.

Débutée en solo, il y a maintenant bientôt dix ans, l’aventure Dirty Deep s’est ensuite poursuivie sous la forme d’un duo avant de devenir aujourd’hui trio. Une formule qui n’a pas changé l’essence de base des Alsaciens, toujours biberonnés au son du Delta Blues, celui des John Lee Hooker, R. L. Burnside et autre Robert Johnson… Le blues est souvent considéré comme une musique de puristes dans laquelle il est interdit de déroger aux lois sacrées du genre, mais qu’importe, Dirty Deep se permet de le triturer en empruntant les chemins de traverse, évoquant tant les monstres sacrés du genre que des artistes contemporains à la Jack White. L’une des raisons c’est que certains membres du groupe ne viennent pas de cet univers, mais de ceux fort éloignés du hip-hop ou du hardcore. C’est sans doute pour cela que le groupe ne plaît pas toujours aux festivals de blues classique, mais qu’il enchante un public bien plus large, qu’il soit metal, rock ou garage. Il a pu ainsi ouvrir aussi bien pour Santana que pour les Anglais stoogiens Thee Hypnotics…

S’ils ne sont pas d’absolus puristes comme on pourrait l’imaginer, les Strasbourgeois le sont cependant dans la manière de produire de la musique ; chez eux pas de technologie moderne, ni de machines, mais au contraire, comme pour leur dernier album, un travail à l’ancienne où tout est fait sur de l’analogique : « On aime bien l’idée d’être dans un studio au calme pour construire un album. Ce sentiment d’être coincé dans un lieu pour produire un disque crée souvent de belles choses. C’est comme cela que les Stones ont fait Exile on main street, dans une maison qu’avait louée Keith Richards dans le sud de la France. »

Dirty Deep @ Petit Bain

Grâce à leur immense amour de la musique, les Dirty Deep ont su séduire des musiciens peu habitués à leur style : « Nous n’aimons pas ce qui est aseptisé. Nous avons envie de revenir à l’essence même de la musique. C’est pour cela que notre son est parfois un peu crade ; le blues originel l’était. Ce n’est d’ailleurs pas qu’une musique mais tout autant un état d’esprit. On trouve par exemple que Kurt Cobain faisait du blues… Le petit fils de R.L. Burnside nous a dit lors d’un festival : “Je n’ai pas l’habitude d’entendre une musique dans votre style mais franchement, c’était bien.” Cela nous a fait chaud au cœur. »

Il était logique pour ces amoureux du genre de parcourir l’Amérique. Rêve devenu réalité avec deux tournées de l’autre côté de l’Atlantique qui les ont vus prendre la route de la Caroline du Nord au Mississippi. Un apprentissage à la dure qui aura été bénéfique au combo : « Aux États-Unis, tu ne peux te permettre d’être un mauvais musicien. Les artistes sont payés aux pourboires. Si tu joues mal, tu n’es pas payé. C’est aussi simple que cela. »

On se demande alors comment un groupe alsacien peut évoquer à ce point le bayou : « Il y a en fait plein de points communs entre le sud de l’Alsace et le Mississippi. Déjà, c’est une grande plaine composée de champs. C’est très plat avec différentes cultures, du maïs et même du tabac. Même au niveau culinaire ça se ressemble avec notre spécialité : la carpe frit qui est bien l’équivalent de leur poisson-chat frit. »

Si les Dirty Deep n’ont pas encore enregistré là-bas, c’est une possibilité qu’ils n’excluent pas pour l’avenir : « Plus que tout, on aimerait faire un disque à Nashville. On a entendu parler de leurs fabuleux studios. » Mais avant de retourner en Amérique, ils ont déjà pour ambition de conquérir la France et l’Europe où ils ont déjà beaucoup tourné, avec notamment des concerts en Italie, Suisse, Belgique, Allemagne, République tchèque. Une mission à leur portée, vu la qualité de leur dernier opus.

Dirty Deep @ Petit Bain

Tilandsia

Deaf Rock Records

Leur quatrième et superbe album est un disque de fans de musique fait pour les fans de musique. Cette galette mêle avec une grande réussite blues poisseux, titres à la Stones et rock garage fiévreux. Il est rare d’entendre aujourd’hui dans l’industrie musicale des formats aussi longs, mais le combo ne se moque pas de son public avec une collection de chansons avoisinant les cinquante minutes ! Près d’une heure de musique sans que l’on s’ennuie un instant. Une œuvre passionnante, maîtrisée de bout en bout. Une bien belle réussite.

Texte : Pierre–Arnaud Jonard

Photos : David Poulain

>> Site de Dirty Deep

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