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OUGHT

Entrevue avec Ought pour la sortie de leur album "Room Inside The World"

Après deux albums sortis chez Constellation, les Montréalais de Ought sont revenus sur le devant de la scène avec un nouveau disque, Room Inside The World et un nouveau label Merge Records. Un disque qui les voit poursuivre dans leur veine post-punk mais aussi s’aventurer vers de nouveaux territoires musicaux pour le plus grand plaisir de nos oreilles.

En seulement trois albums et quatre années, Ought est devenu l’une des références mondiale de la scène post-punk. Leur trajectoire a été fulgurante et les a vu conquérir un public de plus en plus large. Quand ils sont apparus sur la scène canadienne, ils apparaissaient quelque peu comme des ovnis sur le fameux label de God ! Speed you Black Emperor, Constellation, plus connu pour ses productions post-rock et jazz expérimental que pour un format rock comme le proposait Ought. « Quand ils ont commencé, Constellation, avait néanmoins quelques groupes qui sonnaient dans notre style. Ils sont aujourd’hui de plus en plus d’avant-garde.  »

Une certaine cohérence se dessinait cependant à les voir sur ce label mythique : une image “intello” qui colle tant à Constellation qu’ à Ought. Il est en effet rare dans le monde du rock que des musiciens citent Mark Rothko et Kenneth Anger comme  influences majeures pour leur album. Une étiquette que ne renie pas le groupe : « Les gens nous voient sans doute comme un groupe intello et nous ne voyons rien de mal à cela. Le fait que nous soyons chez Constellation, ayons fait des études et nous sentions politisés ajoute sans doute encore à cette impression. Là où les choses pourraient nous gêner, c’est si nous étions catalogués art-rock. Nous n’aimons pas cette étiquette car elle ne veut rien dire. Quelle différence y-a-t-il entre ce qui serait de l’art-rock et du rock classique ? »

En effet, les membres du groupe, sans être des militants politiques, s’intéressent à la chose politique : « Nous parlons des Etats-Unis dans l’album. Lorsque tu vis au Canada, la pression américaine, tu la vis en permanence. Beaucoup d’Américains voudraient venir s’installer ici depuis l’élection de Trump, mais ce n’est pas si facile. Cela peut parfois prendre des années. Si tu viens pour tes études, cela peut se faire, mais si tu es un réfugié, c’est vraiment compliqué de faire venir ta famille. »  

Leurs années d’université, comme le fait d’avoir grandi à Montréal, ont eu une influence notable sur le groupe, même s’il reconnait ne pas représenter le multi-culturalisme de cette ville, étant plutôt issus de la middle-class blanche. « Nous sommes curieux, écoutons de tout : du jazz comme de la musique électronique. Il se passe beaucoup de choses musicalement à Montréal ; tu peux y expérimenter des choses et cela t’aide à te construire. Il existe une grande tolérance qui fait que tu peux être bizarre sans que cela ne soit un problème. »

C’est peut être ce bouillonnement musical mêlé à leur insatiable curiosité qui fait qu’aujourd’hui, Ought a évolué musicalement. Leur nouvel album le prouve aisément : d’un univers post-punk à la Gang of Four, le combo s’aventure désormais sur des terrains plus pop, notamment avec le morceau “Desire”. Un titre qui n’aurait probablement pas pu figurer sur l’un de leurs deux premiers albums… Cette évolution ne les a cependant pas amenés vers une musique plus commerciale et Room inside the world est un disque complexe qui nécessite plusieurs d’écoutes avant d’en comprendre toute la richesse, non seulement au niveau musical mais également de l’écriture. Nombre de titres évoquent ainsi la déshumanisation en cours dans le monde moderne. « On nous a mis depuis nos débuts une étiquette post-punk mais nous ne nous voyons pas forcément comme ça. Les gens pensent que nous sommes très influencés par les groupes de 78-79, mais en fait beaucoup moins qu’ils ne se l’imaginent. Nous avons grandi dans un univers musical noise plus que post-punk. Dans cet univers, nous étions différents avec un son plus classique que celui des groupes qui composaient cette scène. Nous aimons la pop-musique, mais nous n’avions pas en tête de faire un disque pop. Et surtout pas un disque pop grand public. Nous pensons qu’il n’y a rien de pire qu’un groupe qui se dirait différent et sortirait un album mainstream. »

>> Site de Ought

Room Inside The World / Merge Records

 

Pierre-Arnaud Jonard

 

 

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