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THOMAS HELLMAN

L’œuvre de Thomas Hellman est tentaculaire : six albums, des essais et des poèmes, de très nombreuses chroniques radiophoniques. Infatigable et jamais à court d’idées, le Québécois se lance dans une tournée française pour défendre son nouveau spectacle. Laissez-vous embarquer…

Rendre la littérature plus légère

“J’ai découvert la littérature et la musique en même temps, le soir du nouvel an 1990, dans une petite maison dans l’État du Maryland, quand mon oncle américain m’a chanté “Pastures of plenty” de Woody Guthrie. J’avais quinze ans. J’ai vite appris la guitare, et dès que je connaissais trois accords, j’ai commencé à écrire des chansons. C’est la musique qui m’a ouvert les portes de l’écriture. La littérature m’intimidait mais mis en musique, les mots perdaient tout ce qu’ils pouvaient avoir d’intimidants. Ils étaient plus libres, changeaient de couleur, de profondeur, de texture, au fur et à mesure que changeaient les accords, les mélodies, les rythmes. La musique va là où les mots ne vont pas, et vice versa. La musique complète les mots, les mots complètent la musique”.

Inspirations musicales

“J’ai surtout été influencé par la chanson et le folk d’artistes comme Leonard Cohen, Jacques Brel, Richard Desjardins, Tom Waits… Mais en composant la musique de mon nouvel album Rêves américains, j’ai souvent écouté Ennio Morricone. Ce que j’aime dans son travail, c’est que l’Ouest américain prend une dimension mythique, universelle”.

La conquête

“Mon spectacle s’ouvre sur la ruée vers l’or de 1848, quand des centaines de milliers de gens du monde entier se sont précipités vers la Californie à la recherche de l’or. C’était la naissance du mythe américain. Cependant, il y a autant de rêves américains qu’il y a d’Américains. La conquête de l’Ouest n’est pas seulement synonyme de conquête et de domination. Je pense à ces couples qui rêvaient de trouver une petite maison, non pas pour devenir riches, mais pour avoir la paix, élever des enfants, regarder passer les oiseaux migrateurs, et laisser le reste du monde continuer sans eux”. Et Trump dans tout ça ? “Il est la réincarnation contemporaine la plus outrancière du personnage du chercheur d’or. Il est le symbole d’un certain état d’esprit américain, une liberté, une richesse et le pouvoir de dire “Fuck you” au reste du monde. Mais sais-tu ce qu’a fait l’arrière-arrière-grand-père de Trump ? Il était parti à l’Ouest pour trouver de l’or mais n’ayant rien trouvé, il a ouvert un bordel…”.

Choisir le flou

L’artiste est né à Montréal d’une mère française et d’un père américain. “J’ai grandi entre les deux langues et les deux cultures de mes parents. J’ai vite compris qu’en changeant de langue, on change de visage. Vivre entre les langues et les cultures, ça veut dire que l’on ne correspond jamais entièrement à aucune. Ça peut être douloureux. J’ai passé des années à m’interroger sur mon identité, à me demander si j’étais plus Québécois, Canadien, Français, Américain, musicien, écrivain, chanteur folk, ou “représentant de la nouvelle chanson québécoise”, comme le disaient les journaux… Et puis j’ai commencé à comprendre que j’étais surtout à l’aise dans l’entre-deux, le flou, l’indéfini”.

Un manifeste sonore pour le silence

“L’art me permet de créer autour de moi des bulles de silence. On est bombardé d’informations, constamment sollicités par la pub, les réseaux sociaux, etc. C’est un grand brouhaha interminable. L’art fait cesser le bruit. Avec Rêves américains, j’ai voulu créer une œuvre qui contribue non pas au bruit, mais au silence. On dit parfois que la grande différence entre le Canada et les États-Unis, c’est que ces derniers ont conquis toutes leurs frontières, alors qu’au Canada il existe toujours une frontière sauvage : le Grand Nord. Pour moi, le Nord est un espace géographique mais aussi intérieur, un des derniers espaces vierges du monde, une frontière encore sauvage où règne le silence. Et on a besoin de ce silence. On a besoin de savoir que ces espaces blancs et vides existent, même si on habite très loin. Le Nord est en train d’être conquis. Son silence est menacé. C’est le symbole de tous ces derniers espaces sauvages qui sont en train de disparaître, et, avec eux, une certaine pureté, une transcendance : toutes ces choses dont Thoreau [auteur anglais de Walden, et de la Désobéissance civile] rêvait”.

Texte : Valentin Chomienne

Photos : Samuel Lebon / Hans Lucas

Rêves américains, tome 1

Le spectacle musico-littéraire de Thomas Hellman rappelle la longue histoire des Etats-Unis. Au menu du premier tome : la création du mythe américain. Accompagné d’Olaf Gundel et Sage Reynold, il construit une histoire par le bas en dressant le portrait des petits gens. Un tueur de bison, un cultivateur de palourdes, ou encore son grand-père sont autant de personnages par lesquels il nous lit une nouvelle histoire de l’Amérique. Et pour la conter, il ne pouvait faire autrement que de renouer avec la tradition folk à la Woody Guthrie. Comme pour montrer qu’il reste autre chose que Donald Trump ?

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