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ROMAIN HUMEAU

En solo ou en leader du groupe Eiffel, Romain ne s’arrête jamais. De projet en projet, acharné de travail, il avance résolument tourné vers l’avenir qu’il voit forcément meilleur malgré toutes les difficultés inhérentes au monde de la musique…

Romain Humeau

Mousquetaire # 2 fait logiquement suite à l’album précédent, Mousquetaire # 1, sorti fin 2016. Ce second volet garde le même titre puisque les 30 chansons avaient été composées dans la même période et devaient sortir en même temps. La maison de disques ayant décidé de scinder l’album en deux volumes, Romain prend la tangente et crée son propre label Seed Bombs Music avec Estelle Humeau et Guillaume Sciota, son nouveau manager et celui d’Eiffel. La possibilité de se libérer de l’aspect rentabilité exigé !

L’année 2017 marque donc un tournant majeur dans la vie du chanteur-auteur-compositeur aux talents multiples, aimant jouir de l’instant présent, mais sans cesse tourné vers le futur, anticipant les choses… comme avec la création, il y a plus de 10 ans, des Studios Romanos avec Estelle, et supprimant du coup les problèmes liés à l’enregistrement. Aujourd’hui, c’est en créant sa propre maison de disques, en changeant de tourneur et de manager, qu’il fait peau neuve tout en restant entouré de ses plus fidèles amis et musiciens. Une reconstruction totale, un nouveau départ, une prise de risque voulue et anticipée, le but étant justement « de réinjecter de l’espoir face à la crise et aux ravages des plateformes musicales et du Net qui proposent certes la musique gratuite mais au détriment des artistes et des ventes de disques ».

Dans cette nouvelle ère, la création d’un label reste un défi pour survivre, pour trouver la liberté de décider quand et comment faire, celle de pouvoir mener plusieurs projets de front et sans entrave. La nouveauté sera d’imprimer les disques et de les vendre, de s’occuper du circuit complet de la création à la distribution, de s’adresser directement aux gens, sans formatages imposés ou intermédiaires. Le reste, il le faisait déjà, à sa façon. La notion d’artisanat au sens profond du terme revient très souvent chez Romain : « En arabe, il n’y a pas de différence entre être artiste ou être artisan ». Il aime à citer John Lennon et Paul McCartney, ses héros, mais aussi des artistes dans lesquels il se retrouve, comme Damon Albarn, LCD Soundsystem, Camille ou Feu ! Chatterton. Tous pratiquent une forme d’artisanat. « Nous sommes inspirés. Il y a des choses qui viennent, peut-être parce que nous sommes des artistes de l’autre côté… »

Issu du milieu musical et du Conservatoire, multi-instrumentiste, fort de l’expérience de 12 albums et de nombreuses collaborations avec différents artistes, Romain est incontestablement un homme d’expérience qualifié dans son métier, avec des envies et des rêves : « Pouvoir créer un album dans l’idée de faire quelque chose qui va rester, où il y a plein de choses à entendre, qu’il soit comme un kaléidoscope. Ou encore être capable d’écrire un jour LA vraie chanson, “Imagine” de Lennon ! Je ne dis pas que j’y arriverai, mais vivre avec l’idée qu’un jour ça soit possible m’aide. »

Romain Humeau

Romain a toujours écrit beaucoup de chansons, très vite, fonctionnant essentiellement à l’instinct. Il s’inspire sans cesse de tout et partout, que ce soit en se baladant dans la campagne, en regardant une simple feuille d’arbre, en écoutant l’actualité, avec des gens de toutes générations… Puis il s’attèle à retranscrire et transcender cela en chanson, sans jamais faire du 1er degré, sauf à le singer, pour ne pas livrer les faits tels qu’ils sont. Son idée de l’art reste de transformer la réalité pour y apporter de l’émotion. Dans chaque chanson, sa recherche consiste à entraîner vers une émotion particulière. « J’essaye de trouver les moyens pour y arriver. Ce n’est pas du déterminisme, ça ne doit pas prouver quoi que ce soit, c’est juste une émotion à faire ressentir. » Sa conception, c’est aussi avoir une vision, une narration, pas simplement sur une chanson mais sur un cheminement général, pour proposer une émotion. C’est ainsi qu’il livre un album multi-facettes parfois déstabilisant, loin des formats classiques, où aucune des chansons ne se ressemble. C’est aussi ce qui, sans doute, les rassemble.

Il a une conceptualisation originale de la musique et du temps : « L’outil de la musique c’est le temps. On écoute une chanson, mais au fur et à mesure qu’on la découvre elle s’efface. Ce n’est pas comme un tableau que l’on prend frontalement. Et c’est pour ça que j’ai une affection singulière pour ce mode d’expression. J’aime bien l’idée que ça s’efface. Ça existe, et au moment où ça existe ça s’efface aussi. On joue sur les temporalités. L’idée que l’on puisse dire en une minute beaucoup de choses différentes. Et qu’en 5 minutes on puisse dire la moitié d’un truc. C’est la différence entre un haïku et un poème de Germain Nouveau. J’aime autant les deux, je ne choisis pas. »

Jouant de sonorités très diverses, aussi bien dans les mélodies que dans sa voix qu’il transforme, de styles très variés et nouveaux dans son répertoire, comme dans sa collaboration avec le rappeur Billy Boy qui n’est autre que son batteur, c’est un florilège de sonorités : des chansons un peu potaches et humoristiques comme “Trop nul pour mourir” même si elle parle de suicide, des textes en anglais à résonance plus suave sur le thème de l’amour de la séduction avec “Loveless” ou “Tram Track To The Blues”. Avec “Quixote”, l’enfance revient, déguisements et batailles éperdues contre les moulins, pas si anodin. Et puis des thèmes beaucoup plus graves en lien avec la violence de l’actualité, de la politique ou des attentats générateurs de panick attacks, « Je m’en suis dégagé, mais il y a eu des moments un peu compliqués. Je ne savais même pas si je pourrais remonter sur scène… Mais comme j’aime bien tout transformer en Alice au pays des merveilles, ce qui a donné “Nippon Cheese Cake”. 27 pages de texte sur 3 ans que j’ai réduit à 2 pages dans la nuit du dernier soir avant le mastering. J’ai pris une paire de ciseaux et j’ai dit ça et ça, cut-up. » Il en résulte une chanson avec des fragments de textes très durs et choquants, une chanson puissante, addictive, prévue d’être transformée au fil du temps et des concerts. Un concept à elle seule. Un des titres les plus marquants de l’album.

Et comme si cela ne lui suffisait pas encore, Romain s’implique aussi dans la conception des clips. Celui de “Chercher” est réalisé avec Éric Bougnon. « Je voulais vraiment aller vers une narration particulière avec peu de moyens. Éric a passé un temps monstrueux à prendre beaucoup d’images libres de droit. Car cette chanson est construite avec beaucoup de texte et une phrase qui revient en boucle : “L’important, ce n’est pas que tu ne te trouves pas. L’important, c’est le trajet, et c’est le trajet d’une vie”. Émotionnellement, je voulais quelque chose de très tendre, bienveillant. »

Texte : Valérie Billard

Photos : Carolyn. C.

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