« Déshabillez-moi ! Les costumes de la pop et de la chanson » au CNCS : la tenue de scène de l’artiste, ou l’incontournable trait d’union entre musique, mode et mythologie populaire.
« Bienvenue dans le vestiaire extraordinaire des vedettes ! », lance l’inscription murale qui accueille les visiteurs. A juste titre, car c’est bien d’extraordinaire qu’il sera question. Plus précisément, quelles histoires les costumes et accessoires de scène des artistes chanteurs racontent-ils ? Comment participent-ils à la création d’une image mythique ? Par quel processus un élément d’une tenue acquiert-il le pouvoir d’évoquer immédiatement un artiste ? Comment la mode et la musique s’influencent-elles l’une et l’autre ? Quelles sont les caractéristiques techniques spécifiques à la conception de tenues de scène ? L’exposition « Déshabillez-moi ! Les costumes de la pop et de la chanson » présentée au Centre National du Costume de Scène propose des pistes de réflexion et des réponses à ces interrogations à travers un voyage dans le temps qui passe par le music-hall, l’opérette, la chanson, la pop et le rock.
Somptueusement mises en scène dans treize salles-écrins thématiques par le créateur de costumes et scénographe Bernard Connan, les robes en strass de Mistinguett, les tenues flamboyantes de Line Renaud du temps ou elle était meneuse de revue, le blouson en cuir noir et le bandana de Renaud, les costumes des Frères Jacques, de Johnny Hallyday, de Claude François, de M ou de Mademoiselle K, ceux d’Edith Piaf, de Juliette Gréco, Barbara et d’Alain Bashung, les petites robes Carven de Jacqueline François, la ceinture de bananes de Joséphine Baker, les tenues dorées d’Etienne Daho ou du groupe Brigitte ou encore les créations couture signées On aura tout vu, Jean Paul Gaultier et Frank Sorbier pour les artistes pop français et internationaux composent une exposition féerique, empreinte de magie et de mystère.
Entretien avec Delphine Pinasa, directrice du Centre National du Costume de Scène.
- Comment ce projet d’exposition à t’il vu le jour ? Idéalement, quelle expérience souhaitez-vous offrir au visiteur, et que souhaiteriez-vous qu’il en retienne ?
Cette exposition a vu le jour dans le cadre du dixième anniversaire du CNCS. Après l’exposition « Barockissimo ! Les Arts Florissants en scène » le musée est passé du baroque au rock avec l’ouverture de l’exposition « Déshabillez-moi ! Les costumes de la pop et de la chanson ». Après l’opéra, le théâtre, le ballet, le cirque, etc. le CNCS propose aujourd’hui une exposition inédite : « Déshabillez-moi ! Les costumes de la pop et de la chanson ». C’est la première fois qu’autant de costumes de stars de la chanson sont réunis en un seul et même lieu car la plupart d’entre eux appartiennent encore aux artistes qui les ont portés. L’ambition de cette exposition est de permettre aux visiteurs de découvrir ces tenues réunies de manière tout à fait exceptionnelle tout en mettant à nu le costume afin de montrer comment celui-ci constitue un élément clef du processus artistique.
- Selon quels critères les tenues ont-elles été retenues pour figurer dans l’exposition ?
La mise en place de cette exposition a demandé un grand travail de recherche des costumes auprès des artistes eux-mêmes. Nous avons sollicité des artistes français (même si la chanson internationale est également représentée à travers des costumes réalisés par de grands couturiers français). Ont ainsi été choisi 100 ans de costumes emblématiques portés par les artistes les plus représentatifs de la pop et de la chanson française de Mistinguett à Matthieu Chedid en passant par Line Renaud, Edith Piaf, Johnny Hallyday, Rihanna ou encore Madonna.
- Dans quelle mesure la manière de se présenter sur scène d’un artiste est-il en lien avec sa musique ? Pour être marquante, une tenue doit-elle être le plus en accord possible avec celle-ci ou au contraire, peut-elle être sans rapport, ou même en opposition en termes de codes, et en ce cas comment cela est-il perçu ?
L’artiste sur scène est forcément en représentation et le costume fait partie intégrante de cette représentation. A l’inverse du spectacle le chanteur est « seul » en scène ; le costume devient alors un choix, un élément de symbole, une façon de s’exprimer. Souvent l’artiste choisit une tenue en fonction de l’événement ; en effet le contexte dans lequel il se produira aura une influence sur la tenue qu’il va porter sur scène, mais le costume correspondra toujours à son esthétique musicale. Par exemple, les costumes pop et pailletés de Claude François ou encore de Mikado sont en accord avec le style musical des chanteurs, de même pour les tenues noires portées par les chanteurs de rock tels que Johnny Hallyday ou Alain Bashung. L’apparence est ainsi un véritable élément constitutif de l’expression musicale.
- D’après vous, qu’est-ce qui fait qu’une tenue de scène en particulier devient mythique, emblématique de l’univers d’un artiste ? Pourquoi cette tenue là et pas une autre ?
Le costume devient mythique notamment lorsqu’il a été porté de manière récurrente par l’artiste et qu’il devient un élément constitutif de son identité. Pour Maurice Chevalier par exemple un simple canotier est devenu emblématique de son univers car l’artiste l’abordait lors de toutes ses représentations. Il en est de même pour les lunettes de Michel Polnareff. Ces simples objets deviennent alors partie intégrante de l’image de l’artiste auprès du public. Pour la canne de Patrick Hernandez c’est le succès de la chanson « Born to be alive » qui a fait de celle-ci un objet particulièrement mythique. Ainsi, certains accessoires, aussi banals soient-ils, personnalisent les célébrités qui les ont portés et deviennent de véritables mythologies populaires. A l’inverse certaines tenues exceptionnelles peuvent également marquer les esprits comme ce fût le cas pour la ceinture de banane de Joséphine Baker.
- Quels sont les éléments qui composent une tenue iconique ?
Différents éléments peuvent composer une tenue iconique en fonction de l’artiste qui la porte. Il y a les artistes qui vont choisir un type de costume en particulier et ne pas en sortir associant ainsi cette tenue à leur personnage scénique. Par exemple en revêtant en permanence des tenues noires Damia, Barbara ou encore Edith Piaf, véhiculaient alors l’élégance et la discrétion ainsi qu’une volonté de disparaître et de laisser les chansons s’exprimer pleinement. Ces dames en noir réactivent un certain chic à la française établi dans l’imaginaire collectif par la petite robe noire de Coco Chanel. Matthieu Chedid a également construit son personnage -M-qui est facilement identifiable grâce à un univers vestimentaire particulier.
- Si vous ne deviez retenir qu’un élément parmi toutes ces tenues, quel serait-il et pourquoi ?
La couleur doré. En effet, le doré est une couleur emblématique sur scène, il brille, reflète la lumière et confère alors tout son rôle au costume qui permet ainsi à l’artiste d’être vu et reconnu. Le doré est bien souvent associé à l’or, à la richesse mais aussi à la religion ; il revêt une dimension exceptionnelle et très symbolique. Depuis le « golden suit » d’Elvis Presley c’est une couleur qui est régulièrement choisie par les artistes comme par exemple lors des Victoires de la Musique par exemple où bien des chanteurs comme les Brigitte ou Etienne Daho ont revêtu des tenues de lumière.
- Sophie Fontanel écrivait dans son hommage à Sonia Rykiel paru dans l’Obs ” On dit aussi que les plus grands, en mode, sont ceux qui créent une allure facilement imitable”. Pensez-vous que cela s’applique aux artistes et à leur vestiaire ?
Oui cela s’applique tout à fait aux artistes et à leur vestiaire. En effet, de nombreux fans adoptent le costume de leur idole pour récupérer un peu de son aura. Les codes vestimentaires sont des choix qui font sens. Le public perçoit ses symboles et certains fans se les accaparent en signe de reconnaissance et d’appartenance. Renaud évoquait par exemple qu’il voyait, lors de ces concerts, des « Renaud » partout dans la salle, vêtus de vestes en cuir et de bandana rouge.
France de Griessen
« Déshabillez-moi ! Les costumes de la pop et de la chanson » au Centre National du Costume de Scène
Du 15 octobre 2016 au 5 mars 2017
CNCS
Quartier Villars
Route de Montilly
03000 Moulins
>> www.cncs.fr
A voir également au CNCS, l’exposition permanente Rudolf Noureev, étoile de la danse russe qui choisit la liberté à Paris, qui présente des aspects de la vie personnelle et artistique de cet artiste à la carrière internationale exceptionnelle.
