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REQUIN CHAGRIN

REQUIN CHAGRIN en entrevue sur Longueur d'Ondes ©Guendalina Flamini 2016

A contre-courant

Révélation des zones souterraines francophones de la musique indépendante, Requin Chagrin a réussi à susciter un enthousiasme certain dans le cœur des âmes baignées d’eaux troubles. Rencontre avec Marion Brunetto, qui tient les cordes d’une formation qui devrait bientôt éclabousser de sa sincérité émotionnelle un audimat que l’on prédit océanique…

Bercée par les paysages marins et les roches escarpées des côtes du Var, la jeune femme a fait de sa terre natale, Ramatuelle, un berceau de souvenirs, source d’une nostalgie ineffable. Comme le prouve la trouble résonance de son premier et unique disque sorti à ce jour, baptisé Requin Chagrin. Une appellation qui entend une certaine identification totémique, comme l’avoue timidement ce petit bout de femme au regard évasif. « Peut-être que l’image du requin chagrin me correspond. C’est bizarre car en choisissant ce nom de groupe, je n’avais pas vu en premier lieu l’expression de cet animal. Il est tout moribond alors qu’en général cette espèce dégage force et cruauté… »

De caractère l’artiste n’en manque pas, dirigeant d’une main et d’une voix de maître un quatuor qui envoie une musique surf-rock aux balancements contagieux, reverb ondulant et suivant les expressions lyriques d’un texte chanté en français, exception fortement appréciable dans ce style musical. « On nous dit souvent que nos influences sont anglo-saxonnes en termes de musique et les gens ne comprennent pas pourquoi je ne chante pas en anglais. C’est simplement que je ne maîtrise pas cette langue et que mon inspiration se fait de manière très naturelle. Le français me permet en outre de mettre mon âme plus facilement à nu face à des auditeurs qui comprennent cette langue. »

Un chant qui pourtant se trouble dans des échos de guitare distordus, empêchant par moment l’interprétation claire et nette des mots ; un choix artistique totalement volontaire : « Ce qui me fait marrer, c’est que les gens comprennent peu ma voix. On a mis de la reverb expressément sur mon chant, elle couvre souvent mes textes. Cet effet sonore, je l’aime depuis mon intégration à un groupe de garage en 2012, il m’intéresse par sa résonance et le chant dissipé qu’il me procure. » Rester élusive semble être un credo pour la demoiselle, et même plus, un trait de caractère significatif d’une existence pétrie par instants de désillusion, voire de remords. La jeune femme continue ainsi de se chercher du haut de ses 25 ans : « Quand j’écris un texte, je ne sais pas trop à quoi je pense, je tente de me laisser porter par des souvenirs sans les décrire de manière trop personnelle. J’aime penser que chacun y reconnaisse sa propre expérience. »

De l’expérience subjective à l’objectivation des sentiments, il est sûr que la poésie de la demoiselle parlera à tout un chacun, comme le prouvent ces relais au demeurant populaires, le groupe ayant tapé dans l’œil d’une radio — RTL 2 — et de monsieur Etienne Daho en personne. De quoi apporter suffisamment de confiance à cette chrysalide et enclencher un processus de transformation que l’on devine salvateur. « Je n’avais jamais chanté devant un public avant Requin Chagrin. Mes premiers concerts étaient à ce titre épris de tension, ma voix n’arrivait pas à se lâcher. Il faut dire que dans mes anciens groupes j’étais à la batterie (Les Guillotines et Alphatra). Commencer la guitare tout en chantant a été libérateur ; je le dois peut-être à mon ostéopathe qui me l’avait conseillé. » L’âme ainsi libérée, gage qu’il faudra compter avec cette blonde d’un autre genre pour qui la passion se fait confession avant qu’elle ne l’assassine… Cours, Marion, cours, sûre de toi !

>> facebook.com/chagrin.requin

Texte : Julien Naït-Bouda
Photo : Guendalina Flamini

 

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