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DICK ANNEGARN

Dick Anegarn DR - Longueur d'Ondes

« Je revendique le fait de progresser ! »

Après 43 années de carrière, il aurait été confortable pour Dick Annegarn de poursuivre son chemin en empruntant des chemins balisés. C’est très mal connaître cet artiste gourmand qui n’envisage la création qu’en remise en cause permanente, une mise en danger salutaire à son inspiration.

Cela commence par le renouvellement d’une équipe, notamment un changement de label. Il vient de quitter Tôt ou tard et son expérience reconnue, sur lequel il sévissait depuis une vingtaine d’années, pour Musique Sauvage, une structure débutante. « Le public n’est pas spécialement au courant … Je ne suis pas un artiste qui intéresse la presse people, je ne suis pas Beyoncé ! Je conserve des liens d’amitiés avec Tôt ou tard, mais il y avait une lassitude, j’ai rejoint un label avec plus de disponibilité, le choix d’artisans plutôt que de manufactures ! Les contrats à vie, je n’y crois pas trop, pour rester en bons termes avec Vincent Frèrebeau (le boss) j’ai choisi la tangente, la maîtresse en quelque sorte… »

De même, alors que ces derniers albums avaient été réalisés en collaboration étroite avec le guitariste Freddy Koella, ce dernier est totalement absent du générique de Twist, le nouvel opus : « Nous sommes toujours en relation étroite, d’ailleurs j’ai échangé quelques mails ce matin avec lui. Il est actuellement en tournée avec Francis Cabrel, il vit à Los Angeles mais va peut-être venir s’installer en France, il est question que je le loge. Il va s’occuper des Fabulous Trobador qui est aussi une signature Tôt ou tard . Freddy m’a été conseillé par Vincent Frèrebeau, c’est un grand guitariste qui a joué avec Dylan, un concurrent que je trucide à coups de pickings féroces, mais en même temps c’est quelqu’un qui m’a bien inspiré. Pour ce nouvel album, j’ai voulu rompre avec ça aussi, avec une forme de joliesse, je me suis rendu compte que je pouvais devenir un artiste raffiné, un peu coupé du monde qui construit des poèmes en musique, Freddy m’a poussé vers cette nouvelle production un peu rustique, certes sophistiquée mais avec la volonté d’être direct, populaire. »

 

 

Les thématiques abordées dans ces nouvelles chansons semblent éloignées des préoccupations actuelles, ici nulle référence au terrorisme, au populisme ambiant. L’humeur semble badine, lumineuse et pourtant : «“Roule ma poule”, par exemple est un drame agricole, c’est un gars qui souhaite se marier, il est obligé de vendre sa basse-cour pour financer son mariage… C’est carrément une allégorie populaire ! “Au marché des mendiants” c’est pareil, personne n’est à l’abri de la précarité. Tous les thèmes abordés dans cet album sont un peu liés à la précarité… J’ai moi-même été confronté à cela à une époque où je n’avais pas de travail, à déclamer du Rimbaud perché sur des poubelles ! Je m’inspire souvent de faits divers dans mes chansons. “Terre”, qui évoque le naufrage dans l’Océan Indien d’un bateau français transportant des esclaves, m’a d’abord été inspirée par la lecture d’un article dans un journal, puis d’un livre que je me suis procuré par la suite . Pour le coup, cette chanson a un fond historique plus pesant. »

En grand professionnel de la scène, il envisage chaque spectacle avec le plus grand soin : « On a conçu le nouveau spectacle à Noirmoutier cet été, j’ai fait appel à une spécialiste de scénographies d’expositions. On a privilégié le noir et blanc, comme pour la pochette de l’album, avec un peu de jaune. Il y a des carrés translucides, de la vidéo car on va filmer le public durant le concert et le projeter en simultané. Toutes les 5 chansons, un musicien sera mis en avant et sa prestation filmée sera projetée sur un écran de 12 m / 5 . La clef de voûte, c’est le thème principal de l’album, à savoir « le clochard céleste », la pauvreté érigée en richesse. C’est un spectacle tout en camaïeu ! »

Après toutes ces années, il serait légitime qu’une forme de lassitude le gagne. Or il n’en est rien : « Je suis assez fier d’être resté créatif. Je lutte en permanence pour éviter la répétition, j’essaye de me renouveler contrairement à certains artistes qui font “Macumba” pendant des dizaines d’années, je ne suis pas resté scotché aux années 70 ou 80 ; ma relation au temps est lucide d’ailleurs sur mes dédicaces je prends soin de mentionner l’année, et je le ferai jusqu’à extinction des feux ! Je n’ai jamais été progressiste , mais je revendique le fait de progresser. Je demande au public de me laisser tranquille ; je consens dans mon spectacle à reprendre d’anciens titres mais revisités ; je me refuse à jouer le rôle du gardien de musée. Par exemple, je vais reprendre “Bruxelles”… en twist ! »

Twist (Musique Sauvage / PIAS)

>> Site de Dick Anegarn

ALAIN BIRMANN

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