Au-delà des codes
Allier le rap et l’électronique. L’exercice peut s’avérer casse-gueule, sauf si l’on sait piocher dans le meilleur des sonorités actuelles pour proposer un projet commun à la frontière de l’inclassable. Arm & Tepr, ou l’art d’utiliser la tendance pour mieux la renouveler…
Faire des chansons qui claquent et briser les codes.
C’est le défi relevé avec Psaumes. Le rappeur Arm, pilier du groupe Psykick Lyrikah — qui officiait presque seul sur les derniers albums de son collectif — retrouve ici un ami de longue date, et pas n’importe lequel puisque les deux Bretons se connaissent bien musicalement : Tepr. Cet ex-membre d’Abstrackt Keal Agram avait invité le lyriciste en 2004 sur l’album Bad Thriller le temps d’un morceau commun intitulé “Et la nuit s’éternise”, une balade nocturne entêtante et mystique, presque trop en avance sur son époque.
Une dizaine d’années plus tard, c’est tout naturellement qu’un projet commun voit le jour. L’idée générale ? « Faire des chansons qui claquent et briser les codes. » Une prise de risque volontaire et assumée : « On est tous les deux très ouverts d’esprit, on aime bousculer un peu les choses et ne pas être là où on nous attend », explique Arm.
Cet album pourrait se résumer à un match de boxe, car si les deux musiciens ont évolué chacun de leur côté, ils se retrouvent ici avec une même envie : se confronter l’un à l’autre en repoussant les limites de leurs arts respectifs.
A gauche : l’écriture d’Arm, simple par le choix des mots mais plus complexe en termes de sens. Une véritable “poésie rappée” trouvant son équilibre entre ego-trip et romantisme comme le rappeur l’avait déjà prouvé sur ses précédents projets. Sur celui-ci toutefois, la plume franchit un cap. Les phrases sont plus courtes et souvent répétées, ce qui a pour conséquence d’augmenter leur impact. En cause, l’influence évidente de la trap-music, cette branche du hip-hop furieusement actuelle provenant du sud des États-Unis.
A droite : les sonorités brutes et minimalistes de Tepr pour habiller les punchlines de son acolyte. Rythmiquement sèche et prenante, sa musique riche en synthétiseurs hypnotise les tympans, réussissant presque à surpasser la voix sur certains morceaux. Une adversité musicale instinctive. Tepr : « On s’est fait confiance, moi pour la musique et Loïc pour le texte, sans trop chercher à intervenir sur nos parties respectives. »
Si les influences musicales des deux artistes sont presque trop vastes pour être citées, « tous les styles et toutes les époques », c’est bien l’album de Kanye West, Yeezus, qui revient dans les deux bouches lorsqu’il s’agit d’en évoquer une. Cet OVNI hip-hop électro sorti en 2013 avait frappé fort dans la sphère médiatique américaine, proposant un contenu aussi sombre qu’abrasif dont Arm et Tepr se sont clairement inspirés.
Psaumes, c’est un huit titres court et intense qui ne cache pas sa forme expérimentale et méritera sans doute plusieurs écoutes pour dévoiler toute sa richesse. Fascinant, dérangeant, surprenant… Une porte ouverte vers de nouveaux terrains de jeux musicaux dont de futurs artistes bien peu scrupuleux se vanteront sûrement d’avoir trouvé les premiers la clé.
Psaumes / Yotanka
Texte : ZIT ZITOON
Photo : GILDAS RAFFENEL
