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BON VOYAGE ORGANISATION

Entrevue avec Bon Voyage Organisation © Visions Particulieres - Longueur d'Ondes

Bon pied bon œil

La formation musicale la plus aventureuse de l’Hexagone est de retour avec un nouveau morceau sorti le 8 juillet dernier, “Géographie”. Le cerveau de cette odyssée, Adrien Durand, nous a livré quelques détails sur les arcanes de sa musique au métissage certain, égratignant au passage pas mal de monde… Rencontre avec Bon Voyage Organisation.

Loin des frontières de la France semble s’être formulée la musique de cette bande de trublions, qui au-delà des couleurs asiatiques et africaines qu’elle déploie, trouve son origine dans un univers crépusculaire. « Je suis arrivé à la musique via les clubs, c’est au travers des scènes électroniques gay de San Francisco, de Chicago et du Berghain, que j’ai fait mes premiers contacts et qui ont ensuite aboutis aux influences qui soutiennent le son de Bon Voyage Organisation. »

Un son qui justement emprunte à des influences passéistes pour muer une chaire musicale relativement disco en un autre objet étrange et insaisissable, comme le précise son auteur : « Je fais du deviant disco qui est un genre mutant. Le disco c’est Abba, c’est une musique de bal, ça peut vite tourner au kitch si ce ne sont pas des gays qui s’en occupent. Quand des musiciens faisaient du disco en 78, c’étaient les mêmes qui étaient derrière des reprises des Beatles en 66, c’est dire que leur niveau était bon. Pour faire du bon disco instrumentalement ça prend du temps, il faut bosser. Je reste un artisan comme Bernard Fèvre de Black Devil Disco qui a toujours fait ses trucs dans l’ombre sans connaitre le succès en France. Comme je le dis souvent, les intentions ne suffisent pas, seul l’ouvrage compte ».

Frida Khalo a raison quand elle dit que les artistes parisiens sont des branleurs

A l’heure où le tout digital l’emporte sur une certaine forme organique de la musique, le garçon dresse un constat au vitriol de la sphère musicale parisianiste. Et à l’adage « Personne n’est prophète en son pays » de s’appliquer une nouvelle fois. « Ma musique marche mieux à l’étranger, et ça ne me dérange pas. Il ne se passe pas grand-chose d’excitant en ce moment dans notre pays. Pierre de Fauve faisait aussi ce constat qu’à Paris, les musiciens sont dans l’autosuffisance, ils ne foutent pas grand-chose à vrai dire. Bien que je ne partage pas plus d’affinité avec le personnage, avec qui ? Pierre ou Frida ? Pas clair Frida Khalo a raison quand elle dit que les artistes parisiens sont des branleurs. La dimension de communication a pris une place trop importante. Avec Sacha de La Femme, on a pour habitude de dire 10% de musique, 90% d’images. Tout ça manque de prise de risque. Bon il y a quand même Grand Blanc qui déchire bien. »

Entrevue avec Bon Voyage Organisation © Visions Particulieres - Longueur d'OndesS’il n’est pas tendre avec le microcosme parisien qu’il juge paresseux, le constat ne s’arrête pas seulement à cette dimension humaine, il en va de même pour le réseau artistique en vigueur au niveau national. « Je déteste les Smac bien que je sois reconnaissant d’y être accueilli. Je ne passe par ce genre de circuit que pour générer de l’argent et pourvoir continuer à faire du son, mais ce type de structure tue la création musicale in fine. » Un pied en dehors et un dedans, une posture qui résume bien l’état d’esprit du jeune homme, ce dernier revendiquant sa musique comme de l’artisanat avant d’être de l’art. « Ce qui m’intéresse avant tout c’est de vendre des disques pour pouvoir ensuite aller dans des studios avec du beau matos. Je n’utilise pas d’ordinateurs, je ne passe que par du matériel analogique. La musique de Bon Voyage Organisation n’est faite que de personnes qui jouent d‘un instrument. »

Et quant à l’évocation d’une certaine french touch que l’on pourrait faire remonter à la musique disco, Adrien écarte l’idée d’un revers de main : « Le french boogie n’a rien voir avec la french touch, les deux mouvements ne sont pas nés de la même manière. La french touch est partie de jeunes qui s’éclataient dans les boîtes alors que le french boogie a été initié par des gens qui maitrisaient la musique, des producteurs et autres gars de studio avec une forte expérience, qui en voyant sur la vague disco aux Etats-Unis, se sont simplement dits qu’ils pouvaient le faire aussi. Le french boogie est anecdotique car constitué certes de bons morceaux, mais totalement isolés et souvent issus de série Z dont personne ne se souciaient. L’impact des deux courants n’a pas eu le même effet sur les générations concernées ».

Un poil énervé le garçon ? Pas vraiment, mais une certaine électricité court sur l’épiderme d’Adrien, la faute à de nombreux projets et à la réalisation pour 2017 d’un second long format. En substance le propos ne devrait guère évoluer. « Je veux faire danser en racontant des trucs qui font penser. Les titres du disque Xïngyè ont des paroles assez politiques bien que le public ne les aient pas forcément saisi. La chose la plus importante c’est de ne pas prendre les gens pour des cons et leur raconter des choses intéressantes. Je n’ai pas envie de leur parler de ma dernière rupture sentimentale. Je me sens comme les Monty Python : parler de choses sérieuses mais de manière décalée, voire comique. » Tout comme sa musique, le garçon semble bien insaisissable, et si son globe n’a pas explosé de fatigue entre-deux vols (c’est un passionné d’aviation), il devrait nous proposer encore bon nombre d’expéditions musicales. Rendez-vous l’année prochaine pour attester de l’envol ou du crash d’une formation que l’on a envie de voir s’émanciper, pour le bien de la liberté artistique…

 

En concert au Badaboum le 14 septembre 

 

Site de Bon Voyage Organisation

Texte : JULIEN NAÏT-BOUDA
Photos : VISIONS PARTICULIERES

 

 

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