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FESTIVAL EN CHANSON DE PETITE-VALLEE

Theatre de la Vieille Forge Festival en Chanson de Patite-Vallee 2016 ©Bastien Brun - Longueur d'Ondes

34e édition du Festival en chanson

Du 30 juin au 9 juillet 2016 à Petite-Vallée (Québec)

Durant un peu plus de dix jours, on a suivi de l’intérieur le Festival en chanson de Petite-Vallée. On tire le bilan d’un rendez-vous avec lequel on est tombé en amour, tout simplement.

Ca se passe où ?

A Petite-Vallée, un village de 165 habitants planté sur la côte Nord de la Gaspésie. Les falaises érodées tombent dans le Saint-Laurent, les levers de soleil en plein milieu de la nuit sont à tomber à la renverse. Le théâtre de la Vieille Forge, lieu central du festival, a ses fondations quasiment posées sur le fleuve. Et il faut s’imaginer, que les artistes, le public, les journalistes sont tous logés à la même enseigne ; ils mangent aux mêmes tables, boivent des verres au même bar. En général, on vient à Petite-Vallée pour la musique et on tombe en amour pour tout le reste.

Comment ça se passe ?

À l’origine, il s’agissait d’une fête, le Festival de la Parenté, qui se tenait autour des fêtes de la Saint Jean-Baptiste. Cette fête célébrait les retrouvailles des familles avec les enfants d’ici, revenant l’été au pays. Elle a rencontré la chanson en cours de route, puis a grandi jusqu’à devenir l’un des festivals “de chanson” les plus réputés du Québec. Pour sa 34e édition qui s’étalait sur dix jours, le budget était de 1,7 millions de dollars pour 15 000 billets vendus en tout. La programmation balayait tous les pans de la chanson, de la variété au rock, en passant par la country. La seule limite : celle de langue. Dans la Belle Province, la chanson est en français, la dimension politique n’est jamais très loin.

Ce que l’on a aimé.

Plein de choses, à vrai dire. On a rarement, sinon jamais vu un festival à ce point sans chichis où c’est une chorale 350 enfants qui rend hommage au « passeur », l’artiste parrain du festival. Si on attendait a priori la soirée Ariane Moffatt / Koriass sous le grand chapiteau monté au village voisin de Grande Vallée -— promesse tenue de ce côté là ! —, impossible d’imaginer une telle ferveur autour des Trois Accords. Faire chanter à des enfants les paroles parodiques de “Joie d’être gai” ou “Tout nu sur la plage”, cela avait un côté sale gosse réjouissant. Plaisir aussi coupable qu’une poutine, ce plat de frites dégoulinant de sauce brune et de fromage fondu, le concert des Trois Accords a aussi été un vrai bon moment. Leur punk-rock est généreux, les boys de Drummondville font un bon clin d’œil au rock californien des années 90. Alors que leur concert devant 800 personnes s’achève sur une coupure de courant, qu’à cela ne tienne, ils le terminent à la lueur des téléphones portables avec tout un chapiteau reprenant « Saskatchewan ».

Ce que l’on n’a pas aimé.

Outre les très guimauves 2 Frères, une sorte de Fréro Delavega du cru et la country aseptisée de Mountain Daisies, le plateau découverte des « chansonneurs » a peiné à convaincre. Trop de« tounes » d’amour tristounettes chantées en guitare/voix, beaucoup de premières parties tout au long du festival pour ces jeunes artistes mais en définitive, peu de temps (deux chansons maximum) pour qu’ils puissent convaincre. À la rigueur, Emile Gruff a fait rire, Mathieu Bérubé a pu émouvoir, mais les découvertes ont été ailleurs… Si le festival entoure ses jeunes pousses de Yann Perreau, Pierre Flynn, de véritables pointures, avec trois dispositifs de découverte (les chansonneurs, les artistes en résidence, les auteurs-compositeurs), il est bien difficile de savoir où donner de la tête.

Ce qu’on a (re)découvert.

Le rock prog’ très planant de Pandaléon des très chouettes figures de la chanson folklorique, Yves Lambert et Florent Vollant, et le duo folk Dans l’shed. Pandaléon n’est pas originaire du Québec, mais de l’Ontario. Formé autour des frères Levac, respectivement chanteur/clavier et batteur, et d’un guitariste génial, Marc-André Labelle, le trio joue une musique planante dans la lignée du label Constellation (Godspeed you ! Black Emperor…). Ancien membre de La bottine souriante, Yves Lambert, est quant à lui un gros bonhomme qui fait rouler les « R » et vivre un répertoire largement composé de chansons à boire, notamment modernisé grâce à la présence du génialissime Socalled. À l’opposé de cela, ou presque, le chanteur autochtone Florent Vollant, est un sage d’une grande-grande classe. Enfin, impossible de parler de Petite Vallée, sans glisser un mot du duo folk Dans l’shed. Eric Dion, l’homme à la Dobro, et André Lavergne, son acolyte au sourire communicatif, invitent les artistes dans leur cabane (un shed) pour des sessions acoustiques bien senties enregistrées autour du micro.

Et passé partout…

À l’entrée du théâtre de la Vieille Forge, une citation de Félix Leclerc est mise en exergue : « Il y a des maisons où les chansons aiment entrer ». Il y a aussi des festivals qui aiment les gens et ça se ressent. Si le festival gaspésien avait connu ces dernières années d’importantes difficultés financières (il affichait l’an passé 275 000 dollars de déficit), il ne semblait plus jouer sa survie cette année. Le moment qui résume l’esprit de Petite Vallée ? L’incroyable combativité déployée pour organiser un rendez-vous au bout monde, dans un endroit menacé par l’exode des jeunes et le vieillissement inexorable de sa population ? On est au troisième jour, toute la vallée est privé de courant à cause de l’orage. Le concert de Dumas se fera finalement dans une salle à peine éclairée. Loin de se démonter, Alan Côté, le directeur du festival, éclaire le chanteur avec sa lampe de secours. « Pour moi, l’important c’est de créer un contexte pour qu’il se passe des trucs, de mettre la table sans que tout soit décidé au quart de poil. Autour d’un feu de camp, d’un bar, il peut se jouer autant de choses que dans un atelier de création », résumait-il.

La dernière nuit blanche du festival, alors que l’on regardait le soleil se lever sur l’embouchure du Saint-Laurent, on restait sur les mots de ce grand bonhomme charismatique et ô combien sympathique.

Site du Festival en Chanson de Petite-Vallée

BASTIEN BRUN

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