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Aznavour, Mitchell, Hallyday : les “jeunes créateurs” les plus aidés en 2015

Les “jeunes créateurs” les plus aidés en 2015 © AFP PHOTO / MARTIN BUREAU

Article édifiant paru sur le site Le Lanceur qui résume tout ce qui ne va pas dans la musique et, plus généralement, la culture.

Quand les “jeunes créateurs” triment seuls, sans aides financières, et se gèrent en auto-production les grands de la musique – à savoir les plus populaires – eux, reçoivent des aides afin de sur-prolonger leur carrière…

Lire l’article sur lelanceur.com

1 juillet 2016 Par Jérémy Jeantet

Les albums de Chimène Badi, Charles Aznavour, Eddy Mitchell et Johnny Hallyday ont été parmi les plus aidés par la SCPP, société de producteurs de musique, en 2015, grâce à un fonds d’aide que l’ancienne ministre de la Culture Catherine Tasca définissait comme destiné à “aider les jeunes créateurs qui ne sont pas encore connus”.

Après Johnny Hallyday en 2014, Chimène Badi en 2015. L’album de la chanteuse Au-delà des maux est celui qui a reçu l’aide la plus importante de la part de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), avec 184 912 euros. Une jolie enveloppe, fruit d’une aide à la création artistique fortement dévoyée par la société.

Tiré d’une partie des revenus censés revenir aux producteurs, ce fonds d’aide prévu par la loi a pour but de répondre à une logique autre que le seul principe de rentabilité. Seulement, la SCPP, par un mécanisme appelé “droit de tirage”, réserve la majorité de ces aides aux artistes confirmés.

Universal, le producteur de Chimène Badi, est la société la mieux dotée, avec plus de 3 millions d’euros d’aide. Devant Sony (1,5 million) et Warner (1,4 million), les autres majors. Trois sociétés qui siègent également au conseil d’administration de la SCPP et qui ont participé à la mise en place d’un système dont elles profitent largement.
Les majors se partagent les deux tiers du gâteau.

Ainsi, en 2015, hormis l’album des Enfoirés, historiquement bien aidé, les aides les plus importantes étaient toutes destinées à des albums produits par les majors :
1 – Chimène Badi, Au-delà des maux (Universal) – 184 912 euros
2 – Charles Aznavour, Encores (Universal) – 166 470 euros
3 – La légende du roi Arthur (Warner) – 151 090 euros
4 – Eddy Mitchell, Quelque chose a changé (Universal) – 128 960 euros
5 – Sur la route des Enfoirés (Les Restaurants du Cœur) – 127 780 euros
6 – Johnny Hallyday, De l’amour (Warner) – 115 932 euros
7 – Zazie, Encore heureux (Universal) – 104 004 euros
8 – Christophe, Les Vestiges du chaos (Universal) – 101 028 euros
9 – Tribute to Alain Souchon (Universal) – 83 200 euros
10 – Les Innocents, Mandarine (Sony) – 82 732 euros

 

Charles Aznavour, Eddy Mitchell, Johnny Hallyday et Christophe figurent donc parmi les artistes qui ont le plus bénéficié d’un fonds qui, pour l’ancienne ministre de la Culture Catherine Tasca, permettait “d’aider les jeunes créateurs qui ne sont pas encore connus” ou de favoriser “la promotion de musique ou d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles plus difficiles ou intéressant un moins grand public”.
Dans les faits, la SCPP ne remplit son rôle d’aide à la création que dans les aides qu’elle verse sur dossier. Une enveloppe qui n’atteint que 2,8 millions d’euros sur les 9,4 millions versés aux producteurs en 2015. Près des deux tiers du total ont été reversés aux majors, les 264 autres producteurs qui ont bénéficié d’aides devant se partager ce qu’on a bien voulu leur laisser.
Un droit de tirage critiqué mais toléré

Cette situation a été dénoncée par la commission de contrôle des SPRD, qui publie un rapport chaque année sur les sociétés dites de perception et de répartition des droits (SPRD), dont fait partie la SCPP.

En 2007, par exemple, elle écrivait que le droit de tirage “méconnaît assurément l’esprit et probablement la lettre” de la loi, puisqu’elle aide des projets “pour lesquels on peut considérer, indépendamment de tout jugement artistique, que le besoin de soutien financier ne semble pas aller de soi, parce qu’ils concernent des artistes particulièrement confirmés”.

L’an dernier encore, elle recommandait à la SCPP de “renforcer la sélectivité des aides, en particulier celles relevant du droit de tirage”.

Pourtant, le système perdure. Notamment parce que la commission de contrôle, dans son rapport annuel publié en mai dernier, n’a pas jugé bon de maintenir la pression et de rappeler à la société ses libertés par rapport à la loi.

Face à si peu d’entrain à faire respecter la volonté du législateur, il n’est pas étonnant de voir Marc Guez, le directeur général de la SCPP (interrogé par Le Lanceur en mars dernier), répéter qu’un “changement de la politique d’aides est de la compétence du conseil d’administration, puis de l’assemblée générale”. Et personne d’autre…

 

 

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