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LUDOVIC TRANIER

¡ Viva la Revolución !

Ludovic Tranier, 47 ans, auteur-compositeur-interprète, est une légende dans le rock alternatif français, européen et dans mon quartier… Il fallait le voir pour il y croire, au début des années 90, jeune homme, fougueux et à longue crinière noire, dans son premier groupe, Le Crashmoon Project (et ses fameuses Crashmoonettes), embarquant déjà une parterre d’aficionados dans son punk festif. « Ce que j’aime, c’est jouer… » comme un leitmotiv. Déjà, Ludo, puisque tout le monde l’appelle comme ça, montrait tout son talent à faire des petites chansons : une mélodie sur des textes biens foutus.

 

Puis vint l’ère de La Replik. Une ère : c’est bien ça ! 20 ans, de java-punk à parcourir l’Europe jusqu’aux bleds improbables de nos contrées reculées… Dans cette passion dévorante, comme une question de survie, plus de 50 musiciens l’ont suivi dans cette vie rock’and’rollienne. « Ce que j’aime, c’est jouer… » on le sait mais il arrive parfois que, pour les héros à quarantaine plus que sonnée, résonne le glas de la lassitude.


 

« Ce que j’aime, c’est jouer… Mais surtout trouver du plaisir. » Tel sera désormais son crédo. « Au printemps 2013, j’en ai eu assez. Toujours en tournée, la promiscuité et la sensation de faire juste un métier, plus de passion. Il restait cinq dates à faire et le contre-bassiste voulait aussi arrêter. J’ai perdu ma mère. J’ai téléphoné un à pote qui vit en Argentine qui venait de perdre sa mère lui aussi. Je lui ai dit : “Je prends ma guitare et j’arrive !” » Ludo, pour la première fois de sa carrière, joue en solo, sa guitare sous le coude, écumant les bouges de Buenos Aires et de Montevideo en Uruguay. Voyage initiatique et dépaysement sidéral ! « L’Amérique du sud, c’est un autre monde. A Londres ou Berlin, je me suis toujours senti chez moi. Là, j’étais l’étranger. Comme c’était le cas des Buscavida, ces immigrés Européens partis faire fortune en Argentine au XXe siècle. C’est un monde violent dans les rapports de force mais tout finit en chanson. »

Le tango. Ludo, prend de l’assurance et compose 3 chansons lors de son périple sud-américain. Buscavida est né. En même temps, en traversant la pampa, il entame l’écriture d’un carnet de voyage. Il narre son aventure avec humour et auto-dérision. Son futur titre ? Carnets de déroute, c’est dire… « C’est un bouquin de chanteur-voyageur. Toutes les anecdotes sont vraies. C’est en parallèle des chansons. On ne peut pas tout mettre dans les chansons au cause du format. J’avais envie d’écrire mon aventure de clown blanc chez les latinos. »

 

Ludo rentre. Un an et demi plus tard : un groupe, un mini-CD 4 titres, un carnet de voyage à finir et des images plein le ciboulot. Et ce n’est pas tout, il repart regonflé : « J’ai vu un patron de bar qui n’était pas de Bordeaux ; il m’a traité de débutant ! J’étais un peu vexé quand même… J’ai dit à mes potes et Vigie, la Crashnoonette en chef, l’ADN du groupe : “On va en répet”. La Réplik reprend du service et on fêtera ses 20 ans le 30 décembre 2016, à St Roger (un de leur titre live) ! » La Réplik sera recomposée du canal historique et des anciens du Crashmoon Project : Ashé, guitare et chœur, Marco, contre-basse et chœur, Berti, percussions. Et bien sûr, Vigie.

Résumons un peu. Premièrement, La Réplik, fort de son public qui réclame chacune de ses chansons (“Con de droite”, “Mon voisin”), entame une tournée d’été. Et notamment au festival BD : Les Courants de St-Ouen-les Vignes (77), en compagnie des Caribbean Dandee, No one is innocent, les Wampas etc… Et sortira, pour ses 20 ans, pour la St Roger, pardi, un DVD “2 décades de décadences” avec des images des loustiques en tournée…

Deuxièmement, Buscavida, dernier projet, passe de bars en bars, en acoustique, ramenant dans sa besace des airs de tango, de fado et un autre coup de cœur de Ludo : le chœur de Lisbonne.

Troisièmement, pour la St Roger, on présume, sortira son carnet de voyage de son périple en Amérique du Sud avec des illustrations de poteaux graphistes. « On est autonomes. On fait tout tous seuls. On a le matos et la distribution. On évite les intermédiaires. On s’auto-gère. Ca nous laisse du temps. » Bien sûr, pour jouer !

Texte : SOPHIE DURADE
Photo : PIERRE WETZEL

 

Carnet de déroute (extraits)

I

Le vol transatlantique eut au moins le mérite de mettre en évidence deux problèmes auxquels je serai confronté durant mon séjour :
1- Je n’aurais peut-être pas dû choisir espagnol 3éme langue durant ma courte année de lycée.
2-Je ne maîtrisais pas tout à fait la consommation d’alcool en haute altitude et les tranquillisants n’étaient décidément pas le complément idéal à ce cocktail détonnant.
J’aimerais exprimer ici mes regrets à ma voisine de voyage qui a dû, neuf heures durant, supporter l’improbable sabir dans lequel j’essayais d’exprimer mon excitation et mes motivations à entreprendre ce périple.
Pêle-mêle :
1- Devenir le nouveau Carlos Gardel
2-Raviver l’esprit du Che et relancer l’Internationale révolutionnaire.
3- Manger toutes les vaches que je croiserai.
4- Enseigner la poésie au Lycée français de Buenos Aires.
5- Jouer de la guitare en braillant comme un salaud dans les pires bouges de Buenos Aires
6-Accessoirement goûter le…. un instant…. (je réveille ma voisine d’un petit coup d’épaule dans les côtes) « Vous faîtes bien du pinard dans ton bled »
« Oui, tu viens d’en boire trois bouteilles… »
« Ah, j’avais pas senti »
« Moi, si … »
« Ah, Ah, l’humour argentin, subtil… Burp!.. S’cusez-moi »
« Je peux me rendormir ? »
« Eh bê, si elle sont toutes comme ça, je sens qu’on va se faire chier ! »

II

L’Avenidad 9 de Mayo traverse Buenos Aires sur onze kilomètres,un peu comme si on avait tracé la rocade à la place de la rue Sainte Catherine (ou, pour les parisiens, le périph’ à la place des Champs Elysées). Vu du ciel l’effet est saisissant : une tranchée étincelante au milieu d’une ville comptant dix huit millions d’âmes.
On change d’échelle. Les portenos ont coutume de dire : « Dieu est argentin mais il reçoit à Buenos Aires »… Peut-être mais il aurait pu être à jeun quand il a dessiné
les plans.
La descente vertigineuse donne l’impression que le voyage va s’arrêter là et je ne peux m’empêcher de penser : « Tu la voulais l’Argentine, eh ben tu vas la prendre dans ta gueule ».
A part l’atterrissage, finalement assez normal, j’avais pas tord : deux flics,deux douaniers et deux militaires en tenue d’intervention, genre S.W.A.T. souhaite me parler en particulier. Ils me demandent d’enlever mon chapeau, mes chaussures, ma ceinture …
Je croyais être parti pour la totale mais on s’arrête là. Je suppose qu’ils ont dû trouver que j’avais l’air assez con comme ça. Un petit dialogue de sourd s’instaure :
– Avez-vous dans vos affaires des armes ou de la drogue ?
– Muy bien !
– Vous comprenez ce qu’on vous dit ?
– Con queso !
– Qu’est ce que tu viens faire en Argentine ?
– Mas o menos !
– Tu te fous de notre gueule ?
Vamos à la playa señor Zorro ?
– Remets tes chaussures, ton putain de chapeau, prends ta guitare de merde et dégage… On n’a pas que ça à foutre !
– Buenos dias amigos !
Putain, j’aurais dû faire espagnol 1ère langue, car essayer d’apprendre dans l’avion tout bourré n’avait pas servi à grand-chose. Autrement, j’aurais pu leur dire que les narcotrafiquants N’IMPORTENT PAS de drogues vers l’Amérique du sud… Ça promet pour le retour.

Ludovic Tranier

Site de Ludovic Tranier

 

portait de Pierre Wetzel

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