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MICHEL CLOUP

Une histoire de racines

Avec le troisième disque de son Michel Cloup Duo, l’ancien leader de Diabologum fait son retour sur un terrain plus politique. Accompagné du batteur Julien Rufié depuis le départ de son acolyte Patrice Cartier, Michel Cloup s’est servi d’un séjour à la Villa Médicis, à Rome, pour poser le cadre d’Ici et là-bas, un disque marqué au fer rouge par ses origines (sociales, géographiques). Un album de rock ten(d)u, une rencontre détendue où l’on ne mâche pas ses mots.

Entrevue Longueur d'Ondes avec Michel Clou, Rennes, 2016 - crédit photo: Richard Dumas

Les origines

« T’échappes jamais à tes origines. Même si tu en es fier, ça peut aussi être quelque chose qui t’enferme dans un milieu ou une classe sociale. Cette idée de classe allait dans le sens de l’album, celle de retourner sur un terrain plus politique… Moi, si tu veux, c’est un exemple un peu particulier. Mes parents étaient agriculteurs, j’ai pu faire des études, mais je me suis échappé de mon milieu. Ce qui aurait dû se passer, c’est que je reprenne la ferme. Au départ, mes parents s’attendaient un peu à ça et en même temps, ils m’ont poussé à faire des études pour que j’y échappe. Dans mon village, il y a plein de gens de ma génération qui sont restés, je fais partie des rares à être parti en ville, à faire autre chose que ce à quoi j’étais destiné. C’est beau et c’est triste à la fois, c’est pour cela que ça peut être une fatalité… Maintenant, j’ai un certain âge, je suis un peu plus en paix avec moi-même. Mais quand j’étais jeune, ce n’était pas pareil. Il y avait un peu une honte de classe quand je me retrouvais avec des gens dont les parents étaient profs. Ce qui peut aussi arriver à quelqu’un qui vient d’une famille bourgeoise et se retrouve dans un milieu pourri… (Rires). »

La politique

« Je ne suis pas quelqu’un de très optimiste mais je ne suis pas nihiliste non plus. Ce n’est pas l’Europe qui est en ruine mais plutôt le monde capitaliste moderne. On arrive au bout de quelque chose, aussi bien en termes d’écologie et d’humanité. Depuis 20 ans, j’ai cette impression-là, mais ces dernières années, on atteint quand même des sommets ! La politique est quelque chose qui me préoccupe, surtout à une époque où il faudrait être politique de la bonne manière. Il faut la remettre au cœur du débat parce qu’il n’y en a plus, ni dans la musique, ni dans l’art. Aujourd’hui, le rock ou la musique pop, c’est du divertissement et il y a très peu de gens qui racontent des choses. Pour moi, faire de la politique en musique, ce n’est pas faire une chanson engagée primaire disant “Nous, on est les gentils ouvriers, vous êtes les méchants patrons“ ou “Le racisme, c’est mal“. Cela peut être raconter l’histoire d’un homme, ça manque tellement aujourd’hui… En fait, il y avait même une révolte, une envie de sortir du système dans la musique électronique des années 80 / 90. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il n’y a plus de mouvements qui inventent de nouvelles règles. »

L’étranger

« En France, ça peut être difficile à vivre d’avoir des origines nord-africaines. J’ai des amis qui sont dans ce cas-là, ils sont chez eux nulle part. Dans leur bled, en Algérie, on leur fait bien sentir qu’ils ne sont pas de là-bas et puis en France, on leur dit « Tu es Maghrébin ! » alors qu’ils sont Français d’origine maghrébine. Ma mère était italienne, elle est arrivée en France quand elle avait cinq ans, mais pour moi, l’Italie était présente dans la famille sans que je m’y intéresse. Cela se vivait très simplement. Et il y a quelques années, quand je suis parti à Rome après la mort de ma mère, des choses m’ont sauté au visage à la fois sur l’histoire de ma famille et sur divers états que j’ai traversés. L’idée, c’était donc de parler de mon expérience et de la faire résonner avec ce que peuvent vivre plein de gens actuellement en France. C’est ce que raconte une chanson comme « Étranger », car c’est quand même bizarre d’aller dans un pays, de comprendre tout ce que les gens disent dans la rue sans même parler la langue. Et puis, ça me semblait intéressant de dire qu’au début du siècle, les Italiens, les Espagnols, les Portugais et les Polonais, ont pris des cailloux dans la gueule. C’était une autre forme de ce que l’on vit en France en ce moment. »

 

 

Le disque

« J’ai essayé de sortir de mon flow scandé, parlé pour revenir à quelque chose de plus mélodique avec ma voix. Cela fait longtemps que je n’avais pas autant chanté sur un disque. Je voulais me pousser dans mes retranchements, pour explorer tout ce qui me constitue : aller vers des formats plus simples, plus courts, plus “pop“, et laisser la place à d’autres, plus longs. Cette fois-ci, je savais précisément ce que j’avais envie de dire et j’ai écrit ce disque dans l’ordre, un peu comme un bouquin. La première chanson, c’était « Ici et là-bas », ensuite il y a eu « La classe ouvrière s’est enfuie », tout est arrivé sur une période de 6 mois. À chaque fois que j’avais une nouvelle chanson, je construisais le déroulé, comme des chapitres. Et au fur à mesure, je me disais “Ça, tu ne l’as pas fait !“, le disque se construisait en temps réel. C’est la première fois que c’était aussi clair dans ma tête. D’habitude, j’y allais plutôt à tâtons et je me laissais emporter… Mais de là à écrire un livre ? Ça m’arrive d’écrire de temps en temps, mais mon truc, cela reste la musique car il y a à défendre en live. »

Les rêves

« Quand je sors un disque, je voudrais que les gens l’écoutent vraiment, qu’ils aient des émotions fortes et qu’ils puissent s’y reconnaître dans une certaine mesure, même si ce sont des textes personnels. Quand quelqu’un me dit “J’ai commencé à faire de la musique en écoutant votre musique“, ça me touche énormément. Dans mes rêves, il y a tout ça… Je ne peux pas me résoudre à faire des disques et à rester chez moi. Économiquement, ce n’est pas possible, il faut jouer, et puis même, chaque fois que j’écris un texte, l’idée est de le livrer à quelqu’un, physiquement. Pour moi, la musique, c’est quelque chose de très physique, l’essentiel se passe sur scène. J’aime la vie de tournées. Voyager, rencontrer des gens, revenir dans les villes que je connais déjà, en découvrir d’autres. (En riant) C’est ma vie, quoi ! »

Site de Michel Cloup

BASTIEN BRUN

Photos :  Manuel Rufié / Richard Dumas

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