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MARS RED SKY

Riffs on Mars

Le succès de leur premier album les avait peut-être autant surpris que nous l’étions de découvrir que le stoner rock pouvait aussi bien pousser sur le sol français que sur celui plus désertique de Californie. Le groupe était d’autant plus surprenant qu’il était le dernier rejeton des projets de Julien Pras, jusque-là connu pour des tendances nettement plus douces et légères, notamment au sein de Calc.

En ce début d’année, le trio bordelais fait un retour en grande forme avec un EP sorti fin janvier suivi d’Apex III (Praise For The Burning Soul), leur troisième album, un mois plus tard. Cinq ans après ses débuts, Mars Red Sky continue de ravir à la fois les oreilles friandes de belles mélodies et celles qu’envoûtent les riffs lourds, sombres et gorgés de psychédélisme. Le temps que le groupe consacre à ses tournées et au partage de sa musique avec le public n’est sans doute pas étranger à son succès mais Matgaz et Julien Pras, respectivement batteur et chanteur guitariste, ont quand même trouvé le temps, entre deux concerts, de répondre à nos questions.

MARS RED SKY en entrevue sur Longueur d'Ondes Photo Credit OSKAR SZTRAMKA

 

  • On vous a d’emblée catalogués dans le stoner et c’est cette étiquette qui revient presque systématiquement pour qualifier votre musique. Pourtant, votre musique ne correspond pas seulement à ce style. Que pensez-vous de ce qualificatif pour votre musique ?

Mat : Dans un monde parfait, on n’aurait pas besoin d’étiquettes de genre, ni de mettre les choses dans des cases, mais il a été montré que nous avons besoin de parler de styles pour se repérer. Donc si on nous qualifie de stoner, même si perso ça ne me parle pas beaucoup, je n’y vois pas de souci car, en fait, ça nous sert plus que cela ne nous dessert. On constate effectivment un certain engouement pour ce courant qui est une sorte de revival qui retourne aux confins du hard rock et du rock psyché 70’s. Si avec l’étiquette stoner on peut attirer des gens qui, en nous écoutant, vont finalement s’apercevoir que nous ne sommes pas plus stoner que je ne suis pape et que nous mélangeons en fait plein de choses différentes dans notre musique, tout en étant heavy et mélodique à la fois, ça nous rendrait heureux !

Julien : Après, nous avons quand même été influencés par des groupes qui ont développé ce style, surtout au niveau des sons de guitares et basse. Notre ami David Lespes m’avait fait découvrir des groupes comme Fu Manchu ou Nebula, il y a une quinzaine d’années : ça marque… Quitte à choisir, je crois que nous préférons l’étiquette doom car ce sont surtout des groupes comme Sleep, Electric Wizard et Acid King qui nous inspirent.

Mat : Nous nous définissons comme « heavy rock psychedelic ». Cela donne une idée et c’est assez large également. Pour rigoler, on parle aussi de Black Garfunkel ou de Simon Sabbath, ça donne une idée de notre son malgré tout…

  • Vos morceaux possèdent effectivement des aspects beaucoup plus psychédéliques…

Julien : Oui, nous sommes très portés sur ces musiques, quelle que soit l’origine géographique d’ailleurs ; on nous a fait découvrir des trésors de musique psyché des années 60 / 70 de tous les coins du globe… Et bien sûr les éternels Pink Floyd, Beatles, 13th Floor Elevetor, ainsi que des choses plus prog comme King Crimson, Soft Machine, Genesis, et tous leurs descendants.

  • Pour votre précédent album, vous aviez fait un choix assez étonnant en travaillant avec Gabriel Zander en tant que producteur et vous avez réitéré cette collaboration pour ce nouvel album. La rencontre avec lui était un peu due au hasard : est-il finalement celui qui correspond le mieux au son que vous souhaitiez ?

Mat : Oui, nous nous sommes complètement trouvés. C’est assez dingue quand on pense à la façon dont les choses se sont déroulées… La vie réserve de belles surprises parfois. Donc nous pouvons dire que nous retravaillerons certainement avec lui dans le futur sans non plus rejeter d’autres collaborations, mais pour le moment on est en mode « On ne change pas une équipe qui gagne ! »

  • Êtes-vous du coup retournés enregistrer au Brésil ?

Mat : Non, cette fois c’est Gabriel et Jacob Dennis, avec qui il travaille souvent, qui sont venus en France à Bordeaux pendant deux semaines à la fin de l’été 2015. Nous avons bien travaillé et nous leur servions du vin rouge le soir pour les détendre !

Julien : Nous y sommes retournés en tournée toutefois, et ça a été une grande joie de revoir Felipe Toscano, son frère Rodrigo et toute l’équipe d’Abraxas qui nous avait fait venir la première fois. Gabriel était devant la scène le soir de Rio, c’était génial de lui jouer les morceaux de Stranded In Arcadia, un super moment !

 

 

  • Comment cet enregistrement s’est-il passé ? Puisque c’était le second avec Gabriel, les choses ont-elles été différentes, plus naturelles ?

Mat : Oui, c’étaient même des conditions totalement opposées. Cette fois-ci, tout était prévu et tout s’est déroulé sans accro, ce qui est assez rare pour être souligné. Nous avions trois fois plus de temps que pour l’album d’avant, soit deux semaines entièrement consacrées aux prises. La différence par contre est que certains morceaux n’étaient pas tout à fait finis au niveau de leur structure et que nous ne les avions presque pas joués sur scène auparavant.

  • La production est très précise et met vraiment en valeur tant les lignes vocales de Julien que les arrangements soignés. Avez-vous voulu particulièrement soigner cet aspect ?

Mat : Oui, Gabriel a tout un tas de petites bottes secrètes, notamment concernant les effets pour les voix et la batterie, ainsi que le traitement des guitares et basse. Il n’a pas peur d’exagérer les traits, quand il met une réverb’ sur la caisse claire, ce n’est pas à moitié ! Et nous avons beaucoup de références musicales en commun, ce qui aide.

Julien : Pour le précédent album, nous avions réussi à enregistrer la quasi-totalité de la musique dans le studio de Gabriel, en quatre jours, mais seul un titre avait pu être totalement fini, avec les voix et chœurs enregistrés là-bas. J’avais ensuite enregistré tous les autres chants chez moi, je lui envoyais les prises brutes (voire certaines avec des effets qu’il reproduisait ou laissait comme tels) et il avait ensuite mixé l’ensemble à Rio. Cette fois-ci, nous avons pu prendre le temps de poser tous les chants lead, plus quelques chœurs, et nous n’avons eu qu’à faire la plupart des harmonies vocales à la maison, ainsi que quelques arrangements comme les guitares acoustiques, le piano… Il y a donc eu cette fois un vrai travail de production sur l’ensemble, à la fois musique et voix lead. Ils nous guidaient, nous conseillaient quelques variations, ça a été encore une fois très enrichissant et amusant !

  • Le morceau « Shot In Providence » qui clôt l’album dans sa version CD a connu un parcours particulier puisque, en trop pour la version vinyle, elle a dû en être exclue mais est sortie en ce que l’on pourrait appeler un « single » le 22 janvier. Pourquoi ce choix d’en faire le premier morceau représentant l’album malgré son exclusion du vinyle ?

Mat : Tu as bien résumé le truc. De vilain petit rejeton de l’album, il est passé roi du nouveau EP. C’est un morceau qui représente bien les nouvelles directions, et c’est aussi le plus ancien des nouveaux morceaux. Il aurait presque pu figurer sur l’album d’avant si nous avions eu plus de temps à l’époque. En tout cas, il est très souvent à l’honneur sur scène et nous avons enfin appris à le dompter, ce qui n’était pas gagné au départ.

Julien : Nous en sommes très contents en effet, ainsi que de la face B, un assemblage d’un extrait de la création que nous avions présentée pour la sortie de Stranded In Arcadia, avec Julia Al Abed, et d’un titre basé sur une progression d’accords de 12-cordes acoustique, arrangé avec du violoncelle, plein de chœurs et d’effets bien barrés dans l’espace… Mat y joue du piano et de la cymbale, accompagné par son fils ! Ma chérie Helen (Queen Of The Meadow) chante de belles mélodies aériennes, ainsi que nos enfants qu’on entend chanter à la fin du titre !

 

 

  • Le morceau éponyme, avec ses harmonies vocales, et le côté parfois pop de votre musique associé à sa lourdeur m’évoquent parfois les Suédois de Ghost. Que pensez-vous de cette comparaison ?

Mat : Aucun de nous ne connaissait ce groupe il y a encore deux ans, quand ils ont commencé à récolter un gros succès. Nous l’avons découvert suite à une question similaire à la sortie de Stranded In Arcadia. Du coup, je vois bien la similitude entre un chant mélodique et certaines mélodies mais il me semble que nos riffs sont plus heavy. Nous utilisons certains ingrédients en commun mais nous ne faisons pas du tout la même cuisine ! Après, j’aime bien certains morceaux, j’avoue, leur reprise d’Abba notamment est superbe, et leur côté grand-guignol me plaît aussi et me rappelle un peu Queen !

  • Vous tournez énormément. Le live est-il pour vous l’aspect le plus important de la vie et de la création d’un groupe ?

Mat : Oui, c’est évident, le live est la principale activité pour un groupe. C’est en concert que tu partages réellement ta musique avec les gens, tu veux voir en direct les têtes qu’ils font : certains se laissent complètement aller, d’autres font des commentaires sur les pédales et sur les breaks de batterie… C’est toujours plus excitant de profiter d’un groupe en live avec d’autres gens qui sont aussi là pour les mêmes raisons, ça crée du lien entre les gens.

  • Votre musique est cependant aussi pleinement une musique de studio, où vous semblez exploiter toutes les possibilités. Le live est-il donc plutôt une autre facette, où vous expérimentez d’autres choses que vous ne faites pas en studio ?

Mat : En fait pour cette tournée, nous nous sommes permis quelque chose qui nous aurait semblé interdit il y a encore quelques années mais qui, au final, est assez pratique et aussi excitant. Nous nous retrouvons pris au piège de devoir choisir entre tel ou tel morceau pour constituer les setlists des nouveaux concerts. Nous avons donc poussé le truc jusqu’à créer des versions Frankenstein en mélangeant par exemple le début d’un très vieux morceau avec la fin d’un nouveau. Ou encore : notre intro de concert commence avec « The Light Beyond » et après, les premiers tours de riffs basculent directement vers « Apex III » sans prévenir et ça marche, c’est amusant ! Nous considérons le live comme un tableau sur lequel nous pouvons utiliser toutes nos différentes couleurs…

  • Vous venez de donner une série de concerts : des nouveaux titres d’Apex III ont-ils déjà été joués en live ?

Mat : Nous jouons principalement « Apex III », « Mindreader », « Shot In Providence », « Friendly Fire » et plus rarement « Under The Hood » ainsi que la fin de « Prodigal Sun » qui se retrouve collée à « Sadaba », un vieux morceau du groupe comme je le disais plus tôt. Cela a encore le temps d’évoluer et nous ferons sûrement « tourner » des morceaux selon les soirs.

  • Quel est le sens ou la référence cachée derrière le titre de l’album, Apex III (Praise For The Burning Soul) ?

Julien : Je lisais différents livres pendant la création de l’album, particulièrement The Burning Soul de Jon Connolly pendant la session d’enregistrement et je trouvais que l’atmosphère générale du livre, les descriptions et tensions faisaient vraiment écho à la musique que nous enregistrions. Au dos du livre, en VO, étaient écrits quelques éloges de journalistes, présentées sous le titre Praise For The Burning Soul… Cela me semblait tellement évocateur, ça sonnait comme un titre de chanson ou d’album. Nous nous sommes arrêtés sur Apex III et j’ai suggéré d’y accoler la suite entre parenthèses ! Du coup, j’ai eu envie de faire de même avec les chansons, avec l’aval de mes camarades !

 

 

  • Julien, les inspirations de tes textes semblent assez rarement personnelles ou en tout cas pas directement : il s’agit souvent de métaphores sur l’humain, sur des thèmes assez universels. D’où te vient principalement l’inspiration pour Mars Red Sky ? Les livres semblent être une source importante.

Julien : Tout à fait, je lis beaucoup, en anglais surtout car j’adore cette langue et je joins l’utile à l’agréable vu que je chante en anglais. J’apprends tout le temps de nouveaux mots ou expressions et j’aime beaucoup jouer avec les mots. J’aime autant les polars de Connolly (Irlande), son presque homonyme Michael Connelly (Etats-Unis), Mary Higgins Clarke et James Ellroy que la poésie d’Emily Dickinson, Walt Whitman ou encore le roi de la métrique, A.C. Swinburne…

  • Est-ce que tes albums en solo te servent justement à exprimer le plus intime et Mars Red Sky, une dimension plus universelle ?

Julien : Oui en effet, car même si il y a forcément quelques éléments personnels dans les chansons de Mars Red Sky, je ne me sentirais pas à l’aise de chanter des choses trop intimes, nous sommes un groupe dans lequel chaque individu est irremplaçable, et les paroles doivent parler autant à moi qu’à mes copains.

  • Le dernier album de Calc date de 2007 : quelle est la situation du groupe aujourd’hui ? En simple pause ou bien séparé ?

Julien : Juste en pause. En fait, je bosse actuellement sur un troisième album solo, ce ne sont que des nouvelles compositions à part un vieux titre que j’ai redécouvert, un enregistrement que j’avais réalisé seul sur mon 4-pistes et que nous avions mis sur un CD promo de Calc à l’époque de « Any Downs At All ». Nous l’avons réenregistré avec Hugo à la batterie et normalement les autres devraient y ajouter basse et claviers. Ça m’a fait super plaisir de rejouer avec Hugo, nous nous retrouvons parfois à l’occasion, David, Hugo, Mathieu et moi, pour des enregistrements ou concerts de Victory Hall, je les aime et ça me manque de jouer avec eux !

  • Au départ, Mars Red Sky ne semblait pas être ta priorité par rapport à tes albums solo et Calc. Aujourd’hui, les choses se sont-elles inversées ?

Julien : En effet Mars Red Sky est actuellement ma priorité, avec mon projet solo juste derrière. Mais nous avons très envie de refaire un disque de Victory Hall avec les copains que j’ai cités ainsi que Martial Solis à la batterie. Donc qui sait ? Une reformation de Calc est probable. Un autre projet qui me tient très à cœur est le premier album de Queen Of The Meadow, les chansons de ma chérie Helen que nous avons enregistrées dans mon petit studio et qui devrait sortir en mai sur le label d’un ami hollandais, Tiny Room Records.

  • Comment s’est effectué le basculement dans ton inspiration, de la pop / folk qui caractérise Calc et tes albums solo vers ce rock lourd teinté de stoner voire de doom qui s’incarne dans Mars Red Sky ?

Julien : Mars Red Sky a commencé comme un groupe récréatif, Benoît, le premier batteur, Jimmy et moi étions fans de groupes 70’s et de doom/sludge/stoner/heavy… Nous adorions Electric Wizard, Sleep , Dead Meadow, Witch et consorts. Bref, nous nous faisions plaisir… Puis les choses se sont faites naturellement, nous avons commencé à avoir de plus en plus de dates, de propositions de festivals et de chroniques sur des blogs étrangers. De fil en aiguille, c’est devenu mon groupe principal. Je travaillais alors déjà sur mon premier album solo, vers 2009, Calc était déjà en pause.

  • Qu’en est-il du côté de Jimmy et Mat : venez-vous de cet univers ?

Mat : J’ai découvert le punk rock avec Nirvana, Dinosaur JR, Jawbox, Fugazi, The Jesus Lizard, Failure, The Posies, Pantera, Machine Head… J’ai fait mes armes dans un groupe qui s’appelait Headcases, qui a duré dix ans entre 1997 et 2007. C’est à la fin des 90’s que nous nous sommes rencontrés avec Julien et Jimmy lors d’un concert de Calc et Headcases à Bordeaux. J’ai toujours suivi ce qu’il a fait avec Calc, Pull, puis en solo et lui avait aussi un œil sur Headcases… Donc oui, nous venons en gros du même univers.

  • La composition au sein de Mars Red Sky est-elle un processus commun ?

Mat : De plus en plus, je pense. Il y a deux cas de figure : Julien peut amener une chanson clef en main comme « Under The Hood » et « Strong Reflection » ou un morceau peut être issu d’un processus plus collectif comme « Mindreader », « Friendly Fire » et » The Light Beyond ». Notre processus de composition est sûrement le même que celui de milliers d’autres groupes : nous amenons des choses que nous mettons en commun, nous gardons ce qui nous plaît, puis nous affinons jusqu’à être satisfaits.

Etant donné le côté pop et folk des autres projets de Julien, l’aspect mélodique et parfois pop de Mars Red Sky vient-il surtout de lui ?
Mat : Oui, je pense, mais il est largement soutenu par nous tous puisque nous aimons tous les choses mélodiques : nous sommes tous fans des Beatles, Robert Wyatt, Simon & Garfunkel…

Apex III (Praise For The Burning Soul)
 Listenable Records

Site de Mars Red Sky

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JESSICA BOUCHER-RETIF

MARS RED SKY en entrevue sur Longueur d'Ondes Photo Credit OSKAR SZTRAMKA MARS RED SKY en entrevue sur Longueur d'Ondes Photo Credit OSKAR SZTRAMKA MARS RED SKY en entrevue sur Longueur d'Ondes Photo Credit OSKAR SZTRAMKAMARS RED SKY en entrevue sur Longueur d'Ondes Photo Credit OSKAR SZTRAMKA

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