Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

REZINSKY

Le rap en plein cœur

Rezinsky © Marion Chapelain

Pour Rezinsky, le rap fait figure de révélation. Elevé dans une famille pas spécialement intéressée par la musique (sinon les classiques Beatles, Souchon, Dutronc), Pepso découvre soudainement, à l’âge de 10 ans, “Première consultation” de Doc Gynéco, les émissions de rap indé la nuit sur Skyrock et Nova : “J’ai découvert plein de classiques de l’époque. Je voulais être DJ, mais je n’avais pas les tunes. Alors naturellement, j’ai commencé à écrire. Puis c’est devenu plus sérieux au lycée, cela me permettait d’affirmer mes différences, de me rebeller contre le monde adulte et de prolonger le rêve. C’est des années après que j’ai pris conscience de ma condition sociale et de mon identité, que je n’étais pas un rappeur mais un individu qui fait du rap. C’est à ce moment que la frontière entre personne et personnage est devenue floue. Le rap a pris une place à part entière dans ma vie.”

Chez Pepso, il y a donc la nécessité de l’écriture, le besoin de se vider tripes et cœur : “Je parle de mes pulsions et de mes sensibilités, c’est peut-être mon seul processus d’écriture. En partant de ce principe, je peux faire naître des textes qui font aussi bien partie de l’ordre de l’intime que du trash. J’essaie d’évincer la pudeur, c’est ma prise de risque. Ce qui ne veut pas dire que je fais de la provocation gratuite.” À l’heure où beaucoup d’artistes se camouflent derrière les apparences, Rezinsky assume totalement l’honnêteté parfois cruelle des mots : “Quand je dis “pudeur”, je parle d’une totale non censure. Parce que je trouve qu’aujourd’hui les rappeurs les plus hardcore sont paradoxalement ceux qui se vêtissent de la plus grosse carapace. Moi, je m’en fiche des protections, ça fausse l’écriture je trouve, je préfère laisser parler mes peurs.” Et où se situe, selon lui, la barrière séparant la confession de l’imaginaire ou du fantasme ? “Je crois que le statut de l’artiste, en général, lui offre le droit de se construire un personnage autour duquel gravitent plusieurs identités qui lui sont propres. Qui dit plusieurs identités, dit contradictions. C’est à cet instant que l’on peut commencer à créer en passant d’un monde à l’autre. Tout ce que je raconte a un lien avec ma vie ou celle des gens que je rencontre, que j’observe, des expériences que l’on partage. Ce qui me donne une base à laquelle j’ajoute des fantasmes et un décor imaginaire.”
Sur un breakbeat souple et chaleureux, “Les hérétiques” voit ainsi le rappeur réserver quelques punchlines bien senties à l’égard de certains confrères, comme à soi-même : “Je fais cela car j’aime travailler sur mes contradictions. Le côté militant droit dans ses bottes, campé sur ses positions, me saoule très vite.”

Rezinsky © Marion ChapelainPremier EP réalisé en binôme avec le beatmaker Rezo, “Les hérétiques” donne parfois le sentiment d’une œuvre aussi confessionnelle que douloureuse, comme si les dernières soupapes de sécurité venaient de voler en éclats : “Par rapport à l’écriture, oui, c’est celui sur lequel je me livre le plus, où je me laisse aller sans aucune limite”, explique Pepso. “Ce disque incarne un moment de ma vie, une de mes facettes, la plus introspective et la plus sombre. Mais je peux jouer sur d’autres identités. Par exemple, j’interviens sur autre projet électro hip-hop nommé EASY où j’écris des morceaux beaucoup plus colorés et dansants. Ils sont peut-être moins personnels, mais ce n’est pas pour autant qu’ils me ressemblent moins.”

“Les hérétiques” s’offre tel un journal intime écrit par un surdoué : à vif, tendu, poignant… et apolitique : “Je ne sais pas si la plupart des musiciens endorment l’auditeur avec des approximations revendicatrices, peut-être que certains laissent de côté leur personnalité pour s’apparenter à un mouvement. Je n’ai rien contre, mais c’est plus la construction de soi qui m’intéresse. Je trouve que l’on écrit de plus belles choses lorsqu’elles sortent de soi et pas de messages qui appartiennent à un groupe. Voilà pourquoi je ne parle quasiment jamais de politique dans mes morceaux. Je sais que je recherche une forme de liberté, mais je n’ai pas envie de critiquer un système en m’affiliant à un autre. Les parcours personnels me touchent plus, je crois que l’individu est hybride, que l’on est un peu tous des bâtards. Je n’ai pas envie de choisir de suivre une ligne plus qu’une autre. C’est ma vision de l’hérésie.”

N’y a-t-il également pas une part d’enfance éternelle chez Pepso ? “Rezinsky, c’est une musique qui tente de mettre en avant les sentiments de la manière la plus brute. Se mettre à nu et voir tout ce qui reste ensuite. Lorsqu’on crée, on tend à vouloir prolonger un peu plus l’état de rêve et l’âge d’enfant, une envie d’être libre, de s’extasier le plus possible que ce soit dans le plaisir ou la souffrance.”

Texte : Jean Thooris
Photos : Marion Chapelain

"Les hérétiques"“Les hérétiques”
Autoproduit

facebook.com/rezinsky
 


 

ARTICLES SIMILAIRES