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LAKAY

Drôle d’oiseau

Lakay © Rafa Galante

Celui que l’on a longtemps surnommé “la caille” en a fait son nom de scène. Avec ses mélanges qui vont voir du côté du maloya et des musiques du monde, le trompettiste Cyril Caillat a pris racine dans le jardin de l’électronique au sens large.

Ce soir-là, dans une péniche accostée aux quais de Seine, Cyril Caillat présente son deuxième disque “Metis’Sage Community” et sur scène, il ne tient pas deux secondes en place. Il entortille ses doigts, bouge ses bras, joue de la trompette et gueule chaque sample. “J’aime bien transmettre ma musique comme je la ressens. Les musiques électroniques, que ce soit le dub, la techno ou la trance, sont des musiques qui mettent en danse”, rit timidement celui qui se fait désormais appeler Lakay. Le nom ainsi écrit, avec un “k” et un “y” à la fin, évoquerait facilement La Réunion, mais au lieu de ça, c’est juste à un musicien atypique auquel on a affaire.

Lakay © Strickler.DLa trentaine fraîchement inaugurée, avec ses dreadlocks à l’arrière de la tête et ses habits trop larges, Cyril ne saurait se résumer à son allure de “teufeur”. Initié à la trompette dès l’âge de 5 ans, formé au classique au conservatoire de Grenoble, il a ensuite fait quelques classes dans le jazz sans finir son cursus. Il explique : “En classique, on m’a toujours dit que je n’étais pas fait pour le classique. En jazz, on m’a toujours dit que je n’étais pas fait pour le jazz… Mais c’est vrai que j’en ai gardé un jeu de trompette moins rond, moins fanfare balkanique.” Nils Petter Molver, Erik Truffaz et autres jazzeux à la trompette curieuse entrent aussi dans l’univers du musicien touche-à-tout passé par les big bands, les trios ou les quartettes de jazz.

L’électro est, quant à elle, venue à l’adolescence, âge où l’on découvre généralement l’infinité des possibles. “Quand j’avais 17 ans, il y avait beaucoup de free parties par chez moi”, se souvient Cyril. “Parallèlement, j’allais un peu en discothèque, la musique ne me dérangeait pas, mais je n’aimais pas trop l’endroit. À peu près à cette même époque, Jarring Effects est arrivé à Lyon avec des groupes comme High Tone et ça m’a conforté dans mes choix. J’ai vraiment été curieux, j’ai mixé de la techno et de la hardtek, j’ai fait du dub avec mon groupe, de la drum’n’bass, et j’ai découvert la trance un petit peu après.”

“Un milieu de gens du voyage”

Le kayamb, cette percussion “qui relie tout”, et le rouleur (“tonneau aux basses très sèches”) fabriquent une matière sonore au même titre que les beats électronique. Lakay, qui a entre autres remixé Danyèl Waro, l’une des figures de la musique réunionnaise, et s’est entouré de l’ex-Meï Teï Sho, Sir Jean, rappelle parfois l’excellent groupe toulousain électro-klezmer Anakronic Electro Orkestra ou Fakear. Considérant qu’il y a “du bon partout”, Lakay ne s’est pas mis de barrières : “La musique électronique est un milieu de gens du voyage. Ce sont des gens qui n’ont pas peur de faire 500 km pour une soirée, voire même plus. C’est toute cette culture-là qui m’a attiré et que l’on retrouve dans beaucoup de mouvements électro”, dit-il. Le voyage physique, le voyage par des substances pas toujours autorisées, le voyage par la musique et ce qu’elle amène… “Les festivals sont des événements qui durent parfois plusieurs jours. À la différence d’un concert, qui est fini après deux heures, on peut être dépaysé naturellement.”

Lakay © Fred OudinCette idée de voyage qu’il développe avec son phin (sorte de grande guitare Thaïlandaise aux sonorités psychédéliques), accompagné par Renaud Vincent dont le saxophone alto évoque presque une clarinette klezmer, a pris forme sur deux albums au long cours : “Enjoy people” et “Métis’Sage Community”. Le premier allait voir du côté de la jungle, tandis que le second se rapproche plus clairement des musiques du monde, du maloya notamment. La musique venue de l’esclavage dans les champs de canne à sucre de La Réunion sert ici un mouvement qui n’est jamais bien loin. “Je ne manie pas beaucoup les mots, surtout en créole, mais j’ai découvert l’état transcendantal de cette musique. C’est un ternaire qui tourne énormément. Elle incarne un vécu que l’on essaie de faire passer par ce rythme qui joue, qui joue”, s’enthousiasme Cyril.

Texte : Bastien Brun

Lakay - "Métis'Sage Community"“Métis’Sage Community”
Hadra Records / Salamah

www.lakaymusic.net

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