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Audriel

Terre de rêves

Audriel (Audrey) © Roch ArmandoAudriel © Roch ArmandoAudriel (Gabriel) © Roch Armando

Il y a de la beauté dans leur nouveau disque. Du sens, aussi. Le duo Audriel poursuit son délicat chemin fait de prises de conscience, de rencontres et de poésie. Leur rock brut et tribal est un hymne à la terre émaillé d’une énergie printanière et intuitive.

Ils appellent cela un “arbre à rêves”. À chaque concert, les deux musiciens invitent des spectateurs à les rejoindre sur scène afin de tisser avec eux des liens de laine, dont ils habilleront ensuite un hêtre, un chêne, ou un platane dans le quartier de la salle. Une façon de rencontrer le public autrement, avec une joie enfantine, autour de leur nouvel album, “A la lueur”. Et de laisser une trace en repoétisant la ville. Le duo Audriel sème de la magie sur son passage. Du sens, aussi.

Lorsque nous les avons découverts, en 2009, ils vivaient encore à Paris. À l’époque, tous les deux sortaient du Cours Simon. Ils envisagent alors de devenir comédiens. Puis sortent un premier disque, “Douce folie”. Un bonbon pop tout à fait séduisant. Mais il manque quelque chose. En vérité, ils ne se sont pas encore trouvés. Des livres, quelques rencontres, déclenchent alors chez eux une réflexion. Ou plutôt : une mutation. “Nous étions dans l’overdose des relations mises en scène et superficielles”, se souvient Audrey. “Il nous fallait tomber les masques”. Ils quittent Paris pour l’Alsace, où Gabriel est né. Musicalement, ils se dirigent vers l’épure d’un guitare-voix délicat. Leur second album, “Se mettre à nu”, est celui d’une prise de conscience. Du désir d’abandonner les faux-semblants pour repartir à zéro. Bâtir du vrai.

Il faut du courage pour tout quitter. Plus encore pour reconstruire. Dans leur nid alsacien, au creux de la sublime forêt vosgienne, les idées éclosent doucement, au rythme des saisons. Leur jardin fleurit, au propre comme au figuré. Ils parent les arbres alentour de sculptures de laine évoquant les attrape-rêves des Amérindiens. Audrey et Gabriel sont de vieilles âmes. Ils savent ouvrir les portes invisibles à la plupart.

La musique est un chemin en mouvement entre l’âme et le monde.

Leur nouvel opus, paru début mars, est à la fois un nouveau départ et un retour aux sources. À la terre, aussi. “Nous avions besoin de nous ancrer au sol”, confie Gabriel. “C’est une façon, après avoir tout quitté pour gagner notre liberté, de trouver un équilibre”. Ces mots font sens à tout point de vue. Le feu d’artifice rock et brut de leurs dix nouveaux morceaux, bercés par une lumière bienfaisante et régénératrice, a quelque chose de tellurique. “La graine a fait éclater l’asphalte. Une énergie nouvelle est née, mais toujours en conscience”, disent-ils. Les deux musiciens ont suivi leur instinct. Testé de nouveaux instruments, comme ces calebasses fabriquées à l’aide de courges de leur jardin. Ou encore cet orgue d’église, qui habille les morceaux d’échos cristallins. Gabriel s’affirme comme multi-instrumentiste ; Audrey travaille sa voix d’une façon inédite, habitée par des univers nouveaux. Les sons vibrent jusque dans les corps. “La musique est un chemin en mouvement entre l’âme et le monde”, répètent-ils souvent. De fait, l’instinct les a également conduit à s’ouvrir à d’autres. Sur plusieurs titres, Jean-Christophe Maillard, spécialiste de musique baroque à l’université de Toulouse, pose le son de ses flûtes enchanteresses. Arnaud Dieterlen, qui fut batteur de Bashung, les accompagne. Léa Pallagès, jeune créatrice croisée au hasard d’un co-voiturage, a conçu leurs costumes de scènes, colorés et tribaux.

Naturellement, leurs morceaux évoquent leur amour de la Terre nourricière, malmenée, ignorée par une humanité arrogante. “Ça bâtit mais ça ne construit pas, ça laboure mais ça ne nourrit pas”, disent leurs textes, qui reviennent aussi sur le chemin parfois douloureux de leur prise de conscience. “Se retirer est un chemin pour se retrouver. La solitude vient produire de la pensée”, murmure Audrey sur “Ma solitude”. “Se sentir fort et se savoir fragile”, lui répond un peu plus loin Gabriel. Voilà qui résume à merveille le subtil équilibre qu’ils sont parvenus à construire, entre beauté, bienveillance et sagesse.

Dans leur maison alsacienne, le duo a également aménagé un studio d’enregistrement, baptisé “Atmo”. Fait de matériaux sobres, choisis pour leurs vertus écologiques et acoustiques, il est à l’image de ses créateurs : simple et lumineux. Le plafond, recouvert de terre crue, est parsemé d’étoiles. Au centre de la pièce : un piano centenaire. La console de mixage, tout près, permet de marier analogique et numérique. Le refuge idéal pour les musiciens à la recherche, comme eux, d’un son incarné et charnel.

Texte : Aena Léo
Photos : Roch Armando

www.audriel.com


A La Lueur“A la lueur” décortiqué par Audriel…

“Au calme”
Il est des territoires qui ne se laissent aborder que par celle, celui qui entreprend un véritable voyage. Initiatique, forcément. Et les plus grands obstacles ne sont pas forcément ceux que l’on voit, mais ceux que l’on porte. Pour avancer, il faut trouver un espace, au calme, celui de la rencontre avec soi-même, qui permet, dès lors, la rencontre véritable avec le monde, c’est-à-dire l’Autre.

“Pardon Terre”
On s’arrête un instant dans sa course folle, on regarde autour de soi et on se demande ce qu’il s’est passé. Qu’est devenue notre terre, celle que l’on chérissait tant dans le respect et l’émerveillement ? On perçoit les cris, les rêves avortés, les souillures. À celle qui nous nourrit, on dit merci. Pardon aussi. Des voix s’éveillent alors d’un autre monde, des âges immémoriaux. Et avec elles, dans un cri d’amour, on peut alors exulter dans cette ode à la Vie.

“Déboisés”
C’est un tableau qui s’ouvre sur un bateau, un immense bateau qui traîne dans son sillon solennel le silence des autochtones déboisés, rasés, rayés. On cherche alors les mots, les langues, les danses. Et les chants. Des voix terriennes s’éveillent, se déchaînent puis s’apaisent. Quelque chose est en marche : la force de la jeunesse s’inspirera de la sagesse des aïeux.

“Les rivières dorées”
Quand les poissons d’argent côtoyaient les loups mystiques, qui s’abreuvaient à l’eau des rivières dorées, les dieux du soleil, de l’amour et de la terre n’étaient jamais très loin. Les enfants et les poètes le savent et sont passeurs vers ces mondes sensibles. La question est de savoir où nous avons caché nos cœurs, eux qui perçoivent le merveilleux et le mystérieux. Avec la lumière printanière qui émerge, on assiste à plus d’un réveil : celui de la nature et celui de nos consciences.

“Ma solitude”
Un jeu de masques déambulant dans un (faux) semblant de fête. Un flot de larmes intérieures qui aimeraient pouvoir s’échapper. L’absence de silence, comme un poids indicible sur les épaules. Ou comment combler chaque espace et chaque instant. On cherche l’oubli mais on ne perçoit pas – pas toujours ou pas encore – la solitude comme un terreau propice à la réflexion et à l’émergence d’une réappropriation de nos vies.

“Revenu du noir”
Un corridor où l’on avance, les yeux bandés ou simplement fermés, qui cherchent pourtant l’aurore. Dans cette obscurité foisonnante, une seule quête : trouver la lumière. Et la maintenir, coûte que coûte. La lumière. Ou la beauté. Est-ce si différent ?

“Un vent d’ailleurs”
Un paysage qui s’ouvre, qui s’anime et ce vent du large, ce vent qui porte, ce vent d’ailleurs : tout est là. Tout est là, devant et en nous : c’est l’appel, le désir, un désir puissant et magnifique. C’est une ivresse, c’est une eau calme et bienfaisante, un tourbillon. C’est un cri de liberté.

“Combien d’amours”
Quand tout se brouille et se mélange, quand le faux se travestit en vrai et que le vrai sonne faux, que deviennent nos aspirations profondes ? Et comment se délester des poids que l’on traîne ? À combien de rêves et d’amours allons-nous encore renoncer ? Tout est là, pourtant, devant nous. Il n’y a qu’à cueillir. Le jour.

“La lueur”
La lueur, quête sans fin et baume permanent, prend de multiples visages, se fait intenses vibrations et rayonne à l’infini. Des voix remontent de la nuit des temps, martèlent la terre et tracent un sillon inspirant. Émerge alors cet amour, ce lien qui relie les êtres de manière inconditionnelle, et que l’on cherche parfois toute sa vie.

“Comment te dire”
Où se trouvent les mots pour dire ce qu’il y a de plus sensible, de plus intime ? Dans quelles contrées s’échappent-ils ? Le miroir que nous offre la nature permet non seulement de tisser, de retrouver des liens profonds entre elle et nous, mais aussi de dire, de trouver ces images éloquentes nécessaires à l’expression humaine.

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