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Sna-Fu

LE PRINCE MIIAOU

Le cœur et les tripes

Sna-Fu Grand Désordre Orchestre a toujours aimé déballer ses ambitions avec fracas, de manière instinctive et soudée. Les cinq copains, qui ont trouvé les sources de leur propre idéal musical dans des albums de Refused, At the Drive-In ou The Hives, se sont donné les moyens de montrer ce qu’ils ont dans le ventre. Au EP de 2004 ont succédé les albums “Tonnerre binaire” (2007) et “Mighty galvanizer” (2010). La trajectoire poussée vers le haut est toujours aussi furieuse et puissante, à l’image de l’énergie exceptionnelle que les garçons transmettent sur scène avec un naturel et un enthousiasme bluffants. Leur puissance hardcore est loin de renier les refrains pop, avec des compositions de plus en plus aiguisées. Derrière leur nouveau disque, “Knives & bells”, les musiciens accomplissent encore une fois un très gros travail musical, technique et artistique.

Quelle ambiance a accompagné la conception de “Knives & bells” ?

C’est le premier album que nous avons décidé de conceptualiser avant d’attaquer la composition. Nous étions contents de “Tonnerre binaire”, bien brut et punk, et de “Mighty galvanizer”, technique et chiadé, néanmoins, nous ne souhaitions pas faire une redite de l’un ou de l’autre. Nous avons donc pris le temps de nous asseoir tous ensemble et de discuter de nos envies, de ce qui nous excitait musicalement et sexuellement. Nous avons vraiment tenté de casser nos habitudes, de sortir de nos zones de confort respectives, à tous les niveaux : dans la composition, l’écriture, le chant… Avec toujours comme objectif principal de retranscrire l’énergie live de Sna-Fu Grand Désordre Orchestre à travers un album !

MANGEKYOU NO TAIYOU, extrait de “Mighty galvanizer”

Que vous a apporté de plus, ou de différent, cette nouvelle expérience en studio par rapport aux deux précédentes ?

Notre approche de l’enregistrement a été un peu différente, car cette fois-ci nous avons fait nous-mêmes nos maquettes, pour pouvoir travailler dessus, tester du mix, des effets spéciaux (cloches et couteaux, justement), des sons de guitare, des intros… Et tout ça entre nous plutôt qu’en studio où le temps est compté. Nous souhaitions utiliser des guitare acoustiques pour donner un grain au son. Comme nous composons beaucoup en acoustique, pour les bases au moins, cela nous paraissait intéressant, et même logique, d’essayer d’inclure cette texture granuleuse dans le son de Sna-Fu. Le chant a été vraiment travaillé en amont aussi cette fois-ci. Pour aider Clément à trouver sa place, sa tessiture, les guitares ont dû s’adapter au son et parfois même la tonalité pour faciliter la cohésion de la musicalité. Le chant a été un élément central dans la composition par rapport aux albums précédents, et cela nous a aussi fait découvrir les bons côtés des structures plus simples et des refrains entêtants !

Quelles différences et quels rapprochements faites-vous entre vos performances live et votre travail d’enregistrement ?

Ce que l’on envoie en live c’est de l’énergie brute, pure, pas raffinée. Quelque chose de très spontané, avec son lot d’erreurs, de ratages, mais aussi de moments de grâce, de blessures et de rires… C’est un vrai challenge de réussir à recréer cela sur album, dans un studio où tout est écouté, réglé, critiqué, où l’on perd souvent la notion du temps, du jour ou de la nuit… Cette fois, on a décidé de travailler tous les morceaux au clic en répétition pour prendre le pli, on a répété comme des dingues pour connaître nos parties par cœur avant d’aller enregistrer au studio Sainte-Marthe.

Une fois là-bas, on n’a gardé quasiment que les premières prises (pour être honnête, peut-être trois ou quatre riffs ne sont pas des premières prises, ce qui est très peu quand on voit le nombre de riffs sur l’album !) pour avoir le côté joué avec le cœur et les tripes plus qu’avec la tête. Du coup, il reste des approximations, des pains, des notes qui glissent un peu, etc. Je ne dis pas que Francis Caste (le producteur, ndlr) n’a pas fait un travail d’edit pour parfois recaler les plus gros plantages, parce que l’on reste humains quand même, mais on ne s’arrêtait pas, tant pis ! Inversement, en live, on tente d’envoyer un max, mais pour être sereins, on bosse nos instrus et on répète tous ensemble pour réussir à maximiser l’esprit de cohésion sur scène, et que le public se sente face à un groupe solide et uni et pas un ensemble d’individus. Un rouleau compresseur dans la face !

DORIAN, extrait de “Tonnerre Binaire”

Pourquoi avoir nommé l’album “Knives & bells” ?

On a enregistré et mixé chez Francis, au studio Sainte-Marthe, et après Charles (batteur du groupe, ndlr) a récupéré les pistes pour rajouter quelques petits effets ici et là. De retour au mastering, il nous a montré ce qu’il avait pondu et il a utilisé beaucoup de reverse cymbals qui sonnent parfois comme des couteaux que l’on affûte et des sons de grosses cloches bien imposantes pour marquer les passages plus massifs. Ce n’est pas ce qui fait le son de l’album, mais comme c’est disséminé un peu partout, ça donne une certaine couleur. De plus, une lame émoussée, une cloche en fonte, ce côté métallique qui a vécu rendait bien compte de la texture de l’album. On a utilisé beaucoup de guitares acoustiques saturées qui vont aussi dans ce sens. Cette opposition finesse / lourdeur représente bien l’ambiance générale du disque.

Que raconte l’artwork de ce disque ?

L’artwork final a été réalisé par Clément Masson, le chanteur du groupe, qui est aussi graphiste. Nous avons passé beaucoup de temps, avant de choisir cette pochette, à chercher d’autres pistes, à tenter d’autres approches plus figuratives, plus numériques, mais au final, rien ne nous convenait vraiment. Lorsque Clément et Cédric ont proposé l’idée de reprendre les cloches et les couteaux à la manière d’un pattern (cf. Escher) cela est apparu comme une évidence, l’idée de génie étant de créer ces patterns à la main, de façon totalement artisanale, et de les superposer ensuite pour retranscrire cette opposition mélangée qui crée le son et la particularité de l’album. Les couleurs choisies sont des couleurs fortes et qui résonnent l’une avec l’autre, créant un impact visuel fort, violent, exactement comme nos prestations scéniques !

Sna-FuQue préparez-vous pour le premier clip associé à cet album ?

Le premier clip sortira bientôt. Le morceau choisi est “Catrina”, qui est certainement le morceau le plus frais et innovant comparé à tout ce que l’on a produit avant. On voulait donc marquer d’une pierre blanche ce changement et le choisir comme premier clip. Il est magnifique, très onirique, et artistiquement hors des codes metal et rock habituels. On a travaillé avec Martin Carolo qui a tout réalisé de A à Z, et nous sommes vraiment satisfaits du résultat.

Après avoir réalisé vos trois albums, de quoi êtes-vous le plus satisfaits ?

On est assez fiers de n’avoir aucun tatouages alors qu’on fait du rock hardcore (sauf Cédric, mais il l’a pas fait exprès). Plus sérieusement, nous sommes fiers de tous nos albums, tous nos concerts, chaque goutte de sueur dépensée et chaque centime investi dans ce groupe et cette histoire, qui est avant tout l’histoire de cinq potes qui font de la musique ensemble. Nous sommes aussi fiers d’avoir eu la chance de travailler avec des personnes exceptionnelles qui nous ont soutenu et apporté beaucoup d’amour (Jean-Baptiste Nettre, Patricia Bonneteau, JF Wang, Francis Caste…).

Qu’est-ce qui vous unit encore aujourd’hui tous les cinq dans ce projet ?

Quand tu es musicien et que tu écoutes un nouvel artiste, soit tu adores et tu voudrais être à la place du gars, soit tu vois des défauts et tu voudrais les corriger. Du coup, dans les deux cas, tu veux participer, enfoncer le clou ou le recaler. Quand tu as un groupe, c’est un moyen de proposer ta vision, de t’exprimer sans critiquer ce qui est déjà fait. On est bien conscient de la chance que c’est de pouvoir s’exprimer sur une scène, c’est tellement compliqué, avec toutes les compétences que ça requiert : administration, argent, techniciens… un concert de rock, c’est pas facile à faire ! On a un groupe, une structure qui nous permet de partager notre vision musicale, c’est quelque chose que tu choies, ça ne se gâche pas, on en appréciera toujours la valeur.

Vos prestations scéniques sont toujours très remarquées, vous vous produisez finalement très peu : pourquoi ?

Nos prestations ont toujours été remarquées, c’est vrai. Est-ce justement parce qu’elles sont si rares ? Le fait est que nous oscillons entre plusieurs mondes musicaux, le rock, le hardcore, le metal, le progressif… Les tourneurs s’arrachent les cheveux pour nous trouver des dates, et font un boulot héroïque pour convaincre les programmateurs que oui, on a notre place dans un festival metal ou pop-rock, car nos racines et notre énergie viennent de tous ces mondes à la fois, et le public repart toujours conquis… et en boitant, suite à la méga béquille qu’on leur a foutu dans le pit !

Béatrice Corceiro

Photos Michela Cuccagna

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