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Gaspard LaNuit

Gaspard LaNuit, LO 66, Sur la même Longueur d'Ondes numéro 66 - Photo : Marylène Eytier

Rien ne s’oppose (plus) à LaNuit

Il a vu le jour en 1997. Depuis, Gaspard LaNuit s’était essayé à bien des couleurs musicales. Avec “La trêve”, son quatrième album, nucléaire, apaisé et électrique, il se révèle enfin. Une promesse de l’aube, petite cousine d'”Hypernuit”.

La perte est un gain. Ainsi, suffit-il d’égarer un calepin patiemment rempli de notes, de bribes d’idées, d’ébauches de chansons pour qu’une révolution s’opère. “Je voulais sortir un album dans la foulée de “Comme un chien” (2009)”, se souvient Marc Chonier, visage diurne de Gaspard LaNuit. “Je suis parti une semaine à Bruxelles pour m’isoler et écrire. J’avais bien bossé ; j’avais pratiquement bouclé un album complet. En revenant à Paris, je me suis dit qu’il fallait laisser le tout reposer quelques semaines. J’ai rangé mon carnet de notes. Et quand j’ai voulu m’y réatteler, impossible de remettre la main dessus ! Je n’avais bien sûr rien sauvegardé sur ordinateur. Je me suis retrouvé à poil, sans rien. Je ne me voyais pas essayer de me souvenir de la moindre virgule, de reconstruire ce que j’avais fait. Je suis donc reparti à zéro, dans une tout autre énergie.” Page tournée, première rupture. Autre changement : la séparation à l’amiable, après huit ans, avec le réalisateur et musicien Fred Pallem qui avait présidé à la naissance de deux albums. “En 2010, on m’a en fait proposé une tournée de quinze dates, mais elle devait se faire en formation réduite. Avec Boris Boublil et Guillaume Magne, nous sommes partis sur les routes. De fil en aiguille, on a tourné pendant deux ans. On a dû se prendre en mains. Je me suis mis à la guitare et à la basse, on a tenté de pallier l’absence d’un batteur. Bref, on a innové. On s’est surtout rendu compte que l’on avait une communauté de son et d’esprit assez rare, et que l’on était capable d’accoucher nos propres envies musicales.” C’est donc à six mains qu’ils tissent, entre déflagrations saturées et nuées rock, entre charge poétique et obsessions instrumentales, “La trêve”, titre suggéré par Wladimir Anselme et extrait de la neuvième chanson, “La mue”, CQFD.

“”Comme un chien” puisait son inspiration dans le cinéma”, poursuit Marc Chonier. “Il suffit de regarder les titres des chansons : “Johnny Depp”, “La rivière sans retour”, “Le Nord (par le Nord-Ouest)” est une évocation de “La mort aux trousses” d’Alfred Hitchcock ; c’est en vérité la traduction du titre original du film. Pour “La trêve”, la recherche de mots nouveaux, d’une langue nouvelle m’a clairement guidé dans l’écriture et la composition. Il fallait que j’élargisse l’horizon. J’ai écouté mes collègues chanteurs, les mots qu’ils choisissaient et la manière dont ils les agençaient. J’ai parcouru les pages du dictionnaire. Mais, surtout, je me suis aperçu a posteriori que la littérature avait imprégné mes chansons : “Le Fossé” m’a été inspiré par “La route de Flandres” de Claude Simon, “De ce pas” par Jean Echenoz et “La récolte” par “Les raisins de la colère” de Steinbeck.”

S’ajoute à la liste des évolutions, une voix à la fois plus douce et plus ferme, car plus sereine. Si bien qu’à l’écoute de ce quatrième album, le goût de la nouveauté, voire de la révélation, reste longuement en bouche. “Je ne crois pas que l’on puisse dire que “La Trêve” est le véritable premier album de Gaspard LaNuit. Mais, bien qu’il ait été conçu à trois, c’est assurément le plus personnel. C’est peut-être pour ça que j’arrive, pour la première fois, à réécouter les chansons dans leur intégralité avec plaisir, à être à nouveau ému.”

Sylvain Dépée

Photo : Marylène Eytier

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