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Dominique A

Dominique A

«Les chansons et le territoire »

Il parcourt en ce moment la France des villes de province et des grandes salles de concerts. Dominique A  évoque cette tournée qui l’a amené après vingt ans de carrière à revisiter son premier album, « La Fossette », et à traverser dans les lueurs, les grands axes de son répertoire.

Au début de cette tournée, « La Fossette », votre premier album, était joué en entier. Comment apprivoise-t-on le passé ?

Pour le cas de ce disque, c’est d’un bloc et c’est dans cet esprit que j’ai voulu le refaire, avec un concert où tout s’enchaînait, sans beaucoup de temps morts. La plupart des chansons sont maintenant très loin de moi, à part le « Courage des oiseaux » que je joue toujours, ou « Sous la neige », que j’aime vraiment bien. L’idée était donc de ne pas jouer sur une corde nostalgique et de traiter cet album comme si c’était le disque d’un autre. C’est illusoire de penser cela car c’est moi l’auteur de ces chansons, mais je voulais les considérer sans trop d’égards.

Une chanson doit-elle dans l’idéal rester figée ou grandir ?

Une chanson doit être pensée idéalement comme une reprise. Le dernier album, « Vers les lueurs », a sept mois, il sonne comme en studio, mais pour les chansons plus anciennes, il y a un véritable processus re-créatif qui s’opère et qui a recommencé dans cette deuxième partie de tournée. Le quintette à vent qui nous accompagnait est parti et on a rajouté des guitares rock.

Quel est dès lors le rôle des musiciens ?

On a travaillé avec la même équipe pour l’enregistrement de l’album et sur scène, on a fait un véritable travail de groupe. Sur l’album, c’est David Euverte, le clavier, qui a réalisé les arrangements pour le quintette de vents, le gros du travail s’est donc fait avec lui. Après, les choses se sont un peu rééquilibrées. Je crois, sans exagérer, avoir noué un même lien avec chacun… Par exemple, Thomas Poli est peut-être moins en avant que sur la tournée précédente, mais j’ai avec lui une complicité un peu semblable à celle que j’avais avec Olivier Mellano, qui m’accompagnait aussi à la guitare. C’est quelqu’un qui a une approche très typée du son avec beaucoup d’idées. C’est un peu « Adaptator » (rires), j’espère que l’on continuera de travailler ensemble à l’avenir.

Le dernier disque le confirme : Dominique A est toujours placé à la croisée des chemins ;  à la fois chanson et respecté d’un public rock…

(Agacé) Quand tu chantes en français, c’est toujours de la chanson française. C’est tellement lié au son de la langue que l’instrumentation passe toujours au second plan et que l’on est toujours dans un rapport d’héritage par rapport à chanson. Pour moi, la chanson, c’est autant Brel que Leonard Cohen ou Will Oldham. Le mot rock ne m’évoque plus grand-chose. Dans Rock’N’Folk, il y a toujours cette question, « C’est quoi être rock en 2012 ? », mais elle n’a pas de sens tant cet esprit a été dévoyé. Le rock est un truc pour vendre des fringues et des boissons énergétiques, ça a été un agent du grand capital et avant tout l’ambassadeur du libéralisme. Être rattaché au rock, je ne peux donc pas dire que ça me comble (rires). Et puis, de savoir si je fais de la chanson, du rock ou de la rumba, je m’en fous un peu, quoi.

Dans votre livre « Y revenir », vous évoquez votre retour dans la ville de Provins, où vous avez grandi. Êtes-vous revenu là-bas depuis la sortie de ce livre ?

Non, non, pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été invité (rires). Cela dit, il est possible que j’y retourne car il y a des gens là-bas qui ont été renvoyés à leur propre expérience. Moi qui voulais naïvement me débarrasser de cette ville, je n’ai jamais autant parlé de Provins. J’ai fait des lectures musicales d’ « Y Revenir » et il est question que j’en fasse d’autres. Le fait d’avoir raconté un peu  de cette histoire m’a permis de me libérer. Du coup, j’ai l’impression que je pourrais revenir là-bas avec moins de charge émotionnelle et que cela me coûtera moins qu’avant.

Ce livre est aussi une chronique de la France des petites villes et des villages qui n’en sont plus, la France invisible dont on a parlé avant l’élection présidentielle de mai 2012.

Je crois en effet qu’il y a un déficit de discours autour de ces lieux qui sont des non-lieux. Plein de gens ont leur Provins, des petits villages, des petits bourgs, des petites villes de la taille de Provins, c’est-à-dire de 10 000 à 30 000 habitants où le champ des possibles paraît tout étriqué mais où le désir de faire quelque chose est d’autant plus fort. Quand on vit dans une petite ville, le rapport à l’espace, au temps n’est pas du tout le même que si l’on vient d’une métropole ou d’une périphérie. Je le vois en tournée, les moments les plus forts, en bien comme en mal d’ailleurs, se passent souvent dans des lieux isolés, un peu à l’écart du monde, où des gens essayent de maintenir une ouverture sur l’extérieur mais où l’on sent que les choses sont compliquées. C’est tout aussi gratifiant pour moi d’être là que de jouer pour la énième fois dans une grande ville de France quelle qu’elle soit.

Dominique A

Vous vous faîtes donc un devoir de passer dans ces lieux ?

On essaie quand même d’éviter que les gens aient vu 15 fois le spectacle (sourire dans la voix), mais effectivement, une tournée, ce n’est pas seulement les grands axes et les grandes villes. Il y a plein de lieux en France, plein de structures. C’est un héritage des années Mitterrand et s’il y a bien un héritage positif par rapport à la culture, c’est celui-là. En termes de structures, je ne parle pas en termes budgétaires, on est bien loti. Cela permet aussi à des gens comme moi de se produire sans mettre de côté ses exigences au niveau du son et de la lumière.

Le mot de la fin ?

Quand on me propose ça, j’ai toujours du mal à répondre car je n’ai pas de discours. L’important est dans ce que je fais, dans la production, mais je n’ai pas de vérités à délivrer, loin de là… Justement, je crois que je fais un truc artistique parce que je ne comprends rien à rien (rires) et que cela me permet de comprendre un peu plus de choses.

 

Bastien Brun 

Photos Roch Armando

 

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