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L’ETRANGLEUSE

L'ÉtrangleuseL’étrangleuse est un duo qui s’applique à manier les cordes, de la guitare pour Maël Salètes (MacZde Carpate, Orchestre tout puissant Marcel Duchamp), et de la harpe pour Mélanie Virot, musicienne évoluant dans le classique et le contemporain. Un travail au départ déstabilisant, de l’aveu des deux musiciens, mais tellement intriguant et ouvrant de nombreux possibles. L’association de leurs boucles musicales et de leurs voix, un mélange à la fois doux et minimaliste, produit un disque de pop étrange et enivrant, délivrant des balades post-rock aérés, du folk urbain, des rythmes entraînants appuyés par des timbres inspirés de l’Afrique, mais aussi des ambiances cousines au post-punk hollandais. Cette influence est bien présente, dans la musique et dans l’esprit véhiculé par les textes. GW Sok, ancien chanteur de The Ex, est d’ailleurs de la partie, posant son texte et sa voix excitée sur le titre « Writer’s blog ». L’album est sorti en vinyle par le label indépendant Les disques de plomb.

Vous œuvrez dans des milieux différents, le classique, le rock indépendant. Comment vous êtes vous retrouvés à jouer ensemble ?

Maël : Nous avons fait connaissance lors de l’enregistrement du dernier album de MacZde Carpate, sur lequel Mélanie est venue jouer de la harpe sur deux morceaux. L’instrument m’a autant intrigué que fasciné, et on s’est revu peu après pour jouer comme ça, pour voir. Ca a bien fonctionné entre nous alors je nous ai prévu un concert trois mois plus tard, histoire d’avoir une échéance pour monter un set. Le groupe est né comme ça, instrumental. Ma voix est arrivée naturellement, en cours de route, et celle de Mélanie encore plus tard, au moment de répéter pour l’enregistrement de l’album. Le temps que chacun prenne ses marques.

Mélanie : C’est en effet un hasard si cela a démarré. La rencontre entre nos deux mondes musicaux nous a ouvert chacun sur un rapport différent à la musique, tant au niveau de la façon de l’aborder que de la construire. D’un point de vue plus général, j’aime pouvoir jouer cette musique dans des lieux où je sais que le plupart des gens n’ont jamais entendu cet instrument. C’est un peu mon rêve de gamine qui se réalise : faire de la harpe un instrument de tous les jours !

Qu’est-ce qui vous a intéressés dans cette association guitare-harpe ?

Mélanie : En premier lieu, je crois que nous avons aimé la rencontre de l’électrique avec l’acoustique. Au début, nous voulions juste voir s’il était possible de faire de la musique dans cette configuration. En réalité, le mélange des sons pincés des deux instruments, couplé aux textures sonores rendues possible par les pédales de guitare et la harpe préparée, nous ouvre des perspectives dans lesquelles on aime se perdre. C’est cette attitude de recherche qui est plaisante et enrichissante.

Maël : Personnellement, je viens tellement du basse-batterie-guitare que cette association me permet de renouveler autant mon approche de la guitare que de la composition. Plus je découvre la harpe et l’étendue de ses possibles rôles musicaux, plus ça m’inspire de nouveaux possibles sur mon propre instrument. De plus, Mélanie n’utilise que des effets acoustiques en préparant sa harpe, ça m’incite de plus en plus à épurer mon jeu de pédales.

L'Etrangleuse PochetteAvez-vous été surpris par le résultat de votre création ? Connaissiez-vous déjà un groupe pratiquant cette formule ?

Maël : A part Johana Newsom et Zeena Parkins, je ne connaissais pas de harpe dans les musiques autres que classiques et traditionnelles. C’était justement intéressant de partir sans référence préalable, ce qui arrive immanquablement quand on monte un groupe de rock. Le résultat est surprenant pour moi dans le sens où c’est inhabituel de se retrouver à deux sur scène, assis, de chanter sur une musique plutôt calme et minimaliste, sans basse-batterie. Encore aujourd’hui c’est déstabilisant parfois. Mais c’est intéressant d’avoir une contrainte de départ aussi tranchée pour composer, même si ça peut prendre beaucoup plus de temps.

Mélanie : Le duo harpe et guitare électrique qui me vient en tête est celui d’Hélène Breschand et Jean-François Pauvros, mais c’est de la musique improvisée. Je crois que les harpistes  essaient de plus en plus à s’intégrer à des contextes musicaux différents. Au début, on y allait plutôt à tâtons, j’ai été surprise ensuite par les possibilités que je n’envisageais pas au début, cela précise les envies notamment pour les prochains morceaux.

Techniquement, quel est votre dispositif scénique ?

Mélanie : J’ai une harpe que j’adore, mais difficile à sonoriser. Depuis le début des concerts on cherche comment arriver à sonoriser l’instrument pour que la harpe et la guitare soient équilibrés ; on s’en approche…

Maël : Le son est difficile à trouver, parce qu’on a pas le même niveau sonore de base, pour ne rien perdre de toutes les richesses harmoniques de la harpe sans qu’elle ne devienne une gigantesque caisse de résonance à larsen. J’utilise un ampli pour mes boucles de guitare, et un autre pour mon son de base. On est obligé de tester des configurations différentes avant de trouver la solution optimum, il n’y a pas de recette toute faite, le matériel coûte cher et n’est pas forcément évident à trouver pour essayer avant d’acheter. Bon, c’est le boulot, on est lent mais ça progresse.

De quelle manière a pris forme l’album : comme un ensemble auquel vous avez souhaité donner une direction, ou plutôt en vous laissant porter au fil de l’inspiration ?

Mélanie : Cet album est avant tout le fruit d’une rencontre. Pour la composition, nous nous sommes laissés portés par les premières découvertes, la confrontation de nos deux mondes musicaux, en ne cherchant pas à donner une orientation particulière à la musique. Ce n’est que par la suite, en entrant dans la phase d’enregistrement, que l’on s’est posé la question du chemin que pouvait prendre l’album en choisissant les personnes avec qui nous avions envie de travailler, les titres à approfondir et à mettre sur l’album.

Maël : C’est vrai que du coup la direction se résume un peu aux choix de départ, ce qui donne des morceaux assez différents, tantôt plutôt folk, plutôt noisy, ou « ethno-trad ». C’est sûr que l’important était que tous nous plaisent, mais je crois qu’ils ont en commun une certaine atmosphère, que j’aurais du mal à décrire mais que l’artwork de l’album évoque assez bien. Nos chants suivent la même logique, ils naissent de ce que lancent les instruments, on est jamais dans l’idée de départ de faire une chanson. Bon, les douze morceaux du disque ont été quand même compliqués à ordonner à la fin. On était d’ailleurs content de confier le choix des dix morceaux et l’ordre pour la version vinyle à notre label.

Comment s’est tramée la collaboration avec G.W. Sok ? L’avez-vous laissé libre d’apporter ses idées, ses textes ?

Maël : Je l’ai rencontré avec Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp en Hollande, où nous avons tourné plusieurs fois (c’est un vieil ami de Wilf, le batteur). En fan inconditionnel de The Ex, j’étais super content de pouvoir discuter, et à un moment donné, on a parlé de la problématique de chanter en anglais sans que ce soit notre langue natale. Nous avons continué l’échange par mail et je lui ai demandé de l’aide sur quelques textes de L’étrangleuse. Un jour, il m’a envoyé une série de ses textes (tous magnifiques !), j’en ai choisi deux. Plus tard, il m’a proposé de nouvelles versions des textes que je lui avais initialement envoyés, j’ai pu ainsi les reconstruire à ma sauce. Enfin, sur l’un de ses textes dont je n’utilisais qu’une partie, « Writer’s blog », il nous a semblé évident d’entendre sa voix dire les autres parties. Il est donc venu enregistrer. C’est un artiste d’une rare gentillesse, humilité, générosité. D’ailleurs, nous avons fêté notre album par un concert avec son nouveau groupe, Cannibale et Vahinés (à La Bobine, à Grenoble). Il est prévu que l’on refasse des concerts ensemble.

Pour jouer les percus, vous avez fait appel à Aymeric Krol sur certains morceaux. Rechercher ces sonorités et ces rythmes vous a-t-il permis de diversifier votre approche ?

Maël : On a longtemps hésité à ajouter de la percussion sur le harpe-guitare, parce qu’on souhaitait que les rythmes et grooves soient suggérés. Au final, on s’est dit que c’était bien sur la version album, pour les morceaux qui s’y prêtaient le plus. Aymeric connaît très bien la musique malienne, que l’on adore, on lui a demandé de venir avec des timbres typiques de calebasse qu’il maîtrise bien.

Qui est l’Etrangleuse, que représente cette appellation à vos yeux ?

Maël : Ça reste mystérieux pour nous aussi ! Cette appellation est sortie spontanément au moment de devoir donner un nom pour le premier concert. On voulait de toute façon quelque chose de tranché avec le côté romantique, féerique, de la harpe. Il y a bien sûr une allusion à toutes ces cordes qu’on utilise, mais au delà de ça, c’est une entité qui nous échappe un peu.

Béatrice Corceiro

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