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Don Nino


Disons-le une bonne fois pour toutes, le dernier album de Don Nino est une pépite, le meilleur de tous. « In the backyard of your mind » synthétise le juste compromis entre mélodies pop et escapades sonores. Nicolas Laureau y poursuit un cheminement personnel en parallèle à NLF3, l’electro rock rétro-futuriste qu’il pilote avec son frère Fabrice et Mitch Pirès (présent ici pour les batteries).

Sans faire injure à tes précédents disques eux aussi de qualité, « In the backyard of your mind » accède au cran au-dessus, à une stature internationale sans perdre son ambition. As-tu ressenti cette montée en puissance et quelle en est la sève ?

J’ai souhaité, avec cet album, ne pas me limiter au travail d’introspection des précédents albums et aller vers quelque chose de plus large, de plus ouvert sur le monde extérieur, c’est la principale différence d’après moi. Et je crois que mon album précédent « Mentors Menteurs », recueil de reprises, était en quelques sortes une transition nécessaire.

Tes chansons synthétisent le juste compromis entre mélodies pop et escapades sonores. Tout un équilibre nécessaire ?

Je l’espère mais ce n’est pas à moi d’en faire l’analyse.

Le fantôme de Syd Barrett plane au dessus de ce disque, sans, heureusement pour toi, la folie qui régentait le bonhomme à l’époque. Qu’est-ce qu’il représente pour toi outre ton pseudo ?

Oui Syd Barrett est une personnalité et un compositeur marquant du 20ème siècle parce que c’est un artiste brut au sens artistique du terme. Il ne ment pas et ce qui traverse sa musique est ce qui trouble l’humanité. Une communication avec l’invisible. C’est pour cela que je l’aime.

Le martèlement rythmique hypnotique avec guitare cristalline employé entre autres sur “Everything Collapsed All Right” ou sur “Free Birds” évoque notamment le magistral « No good trying » du Syd. Mais c’est aussi le lien avec l’électro rock de NLF3…

Joli rapprochement, cela me touche. La musique répétitive est quelque chose de passionnant pour moi. J’écoute Terry Riley ou des rags de Ravi Shankar plusieurs fois par jour.

Tes textes jaillissent sur l’inspiration mélodique ou sont le fruit d’un réel travail littéraire ?

C’est une combinaison des deux. J’utilise aussi bien un rapport aux sonorités que sur les mots eux même. L’écriture automatique est un des déclencheurs…

Cet album semble jaillir des tréfonds de ton esprit, comme le suggère son titre. Était-ce un disque que tu portais en toi ? Ou bien est-ce plutôt l’accès à une conscience supérieure, la dernière étape en cours d’un parcours initiatique qui se prolonge durant toute la vie des musiciens ?

Le titre fait référence aux mécanismes inconscients en œuvre lors de l’écriture et de la composition de chansons mais aussi, sûrement, à la part d’interprétation personnelle de l’auditeur face à ce que je lui propose d’entendre. J’adhère totalement à ton idée de cheminement initiatique, il y a bien cette dimension-là dans mon travail. Mon dernier album est sûrement très nocturne, symbolique, en rapport avec le monde sensible plutôt qu’avec le monde tangible.

Hormis le bagage technique acquis, crois-tu aux vertus de l’écriture musicale automatique, comme en littérature ? Sans être le fruit du hasard, cela serait plutôt une mise en pratique, une expérimentation contrôlée, comme en free jazz.

J’utilise la notion d’accident en musique. C’est à dire de collision. Ça m’aide toujours. Y compris à élaguer. Oui je crois à l’écriture automatique, puisqu’elle convoque ce qu’il y a de plus secret et important de nous-même. Ça ne veut pas dire que c’est toujours génial, mais ça offre un champ de recherche et de trouvailles assez vaste.

Existe-t-il une mystique Don Nino, un rapport particulier à la musique et à l’acte créatif ?

C’est une raison de vivre.

Tu as quand même fait entrer des « étrangers » dans ton antre, notamment Luke Sutherland et Lori Chun…

Lori est un compagnon de longue date puisqu’il jouait les batteries en 2000 sur mon premier album. La nouveauté c’est qu’il joue des oscillos et des trompettes sur l’album, de manière inimitable ; sur scène il prend en charge également les claviers et la basse…. Quant à Luke Sutherland, je l’ai précisément rencontré à cette période lorsqu’il participait à la production artistique de l’album de PURR.. Nous sommes devenus amis rapidement et avions évoqué très tôt l’idée d’une collaboration. Lorsque mes prises de « In the backyard… » étaient prêtes, j’ai réalisé que c’était le moment et la situation idéale pour faire intervenir Luke. Nous nous sommes alors enfermés 5 jours chez moi et il a complété l’album avec des prises de voix, violons et guitares. N’oublions pas Mitch Pires qui a rejoué les parties batterie que j’avais composé et m’accompagne également sur scène.

Les cordes et cuivres classiques que ce dernier apporte sont la cerise sur le gâteau, la touche classieuse à faire entrer disque dans l’intemporalité.

Oui, les trompettes sont jouées par Lori. Je pense effectivement que ces arrangements confèrent une dimension assez classique dans leur versant pop à cet album. J’avais envie de contraster le côté volontairement bricolé et sale de certaines prises par ces luxuriances. J’ai joué toutes les guitares, parties claviers et basses sur cet album ; les arrangements un peu atypiques type Casio ou kalimba sont venus lorsque nous terminions les arrangements avec Luke. Ce sont des instruments que j’utilise toujours en recording. Dans NLF3 également.. et sur le dernier Françoiz Breut dont j’ai assuré la production artistique.

D’ailleurs ta musique semble hors du temps, sans être autistique ; reflète-t-elle ta personnalité ?

J’aimerais bien être éternel à travers ce que j’ai enregistré depuis 1992… Immense fantasme de tout artiste, non ? Je pense que ma musique est un témoignage sincère et entier de ce que je suis. Cet album en particulier.

Comment fomente t-on son œuvre solo en parallèle de groupes aux tout autres registres musicaux ?

Il y a des ponts assez évidents entre ce que je fais en solo et mon projet de groupe NLF3.
La grande différence étant qu’en solo j’explore à fond ma caverne, là où nous nous invitons pour des parties des grillades lorsque nous travaillons en groupe. A l’orée de nos grottes respectives.

Qu’est-ce que ça fait d’apparaître sur un disque avec David Bowie (des reprises des Beatles “A day in the life” Emi)?

J’en suis très honoré. Comblé.

www.don-nino.com

« In the backyard of your mind » (Infiné / Prohibited Records)

Vincent Michaud
Photos P. Lebruman

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