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Los Tres Puntos

Los Tres Puntos - Photo : MahoEn 1995, quatre potes du lycée de Rambouillet donnent vie aux « trois points ». Seize ans plus tard, ils sont toujours présents et capables de remplir le Cabaret Sauvage avec leur indian ska-punk hispanisant (non sans rappeler les Satellites, Ska P, les Skatalittes ou encore la Mano, voire même les Happy Drivers que l’on salue au passage).

En 2011, le line up s’est amplifié (onze musiciens) et après 5 bons et loyaux albums, ils nous présentent le 6ème avec concert à la clef. Jusque là, rien de plus normal. En revanche, mettre les petits plats dans les grands et inviter tout un collectif d’artistes et de militants à participer à une grande « Alternateuf », c’est déjà plus original et dénote d’une grande générosité.

Autant dire qu’il s’agissait d’une soirée culturelle, engagée et éminemment artistique sur fond de grand rassemblement de copains maniant le rock, le graphisme et la BD avec dextérité.

Première « Alternateuf »

Max (Los Tres Puntos), fédérant les énergies musicales et Marsu (Crash Disques) s’appropriant la partie label, presse, graphisme et associations, sont à l’initiative  de ce 1er « Festival Alternateuf » à l’occasion de la sortie du dernier album des LTP.  Soirée DIY (do it yourself), tout comme les albums, étant donné qu’aucune major n’a daigné porter un regard bienveillant sur l’originalité musicale et festive de ce groupe qui perdure. Cela est sans doute un bien, puisque les LTP le revendiquent haut et fort : « No pasaran ! » à l’instar des partisans espagnols en lutte contre Franco.

Simple concert ? Pas du tout. Le choix du lieu n’est pas anodin, l’endroit est beau et permet d’accueillir de nombreux petits camarades tant en extérieur qu’en intérieur. Tout l’anneau orbital de la scène est extrêmement fourni. Le chemin de ronde des activistes graphistes, à l’extérieur du Cabaret Sauvage, débute en noir et blanc avec les dessins à l’encre de chine de Grimmm (également l’auteur de la grande fresque en fond de scène et des pochoirs écologiques sur affiches recyclées). Il est suivi de près par Keufran qui réalise de « l’art content pour rien » selon sa propre expression. Ce dernier découpe des images et des textes de magazines, en fait une pile de textes, une pile d’images puis procède à un « brainstorming ». Avec déjà 450 œuvres à son actif et il a également réalisé la mise en page du livret du dernier album de LaReplik.

Vient le tour de Chester et ses fresques un soupçon trash mais néanmoins magiques réalisées par le collectif Humungus. Celui-là même qui fut à l’origine du fanzine « My Way » en 2000, qu’il pensait « one shot », mais qui a tout de même tenu 9 ans et qui va sans nul doute, rebondir avec un nouveau projet « Speedball ». S’en suivent les tables de presse arborant drapeau antifa et fanzines à gogo. Ont répondus présents : le Comité de Soutien aux Indiens d’Amérique, le Comité Chiapas, JIMI, le Monte En l’Air (librairie alternative), Action Antifa, Collectif Barricata, Crash (label), Réflexes, SCALP, No Pasaran, FA 3134, Libertalia, Trauma Social, Fermeture/Rétention, General Strike (label, distro), Abloc et Chéribibi (fanzines), Speeball (BD), VPC T-Shirts, Infokiosk Le Rémouleur (point d’information) et enfin Toile Libre (pour la liberté d’expression sur le Net) sans oublier les absents pour cause de timing : Gestalt Distro, Angrrr, Slow Death, Konstroy, Stygmate, BboyKonsian et Guerilla Asso.

Après en avoir pris plein les mirettes, l’entrée dans le vif du sujet se fait avec un accueil du public digne de ce nom : CD promo, badge, pochoir (Grimmm) et tee-shirt offerts à l’entrée, respect ! En intérieur, de nouveau des tables de presse orientées distribution (label) pour promouvoir « tous les activistes de la scène indépendante dite alternative » (dixit Chester), coin « merch », partie vinyles et badges et enfin « Le Bal » fresque du collectif Humungus, trônant juste au-dessus de ce joli microcosme.

Question scène, LaReplik ouvre les hostilités avec leur folk-punk libertaire « guinguette » bordelais. Vigie, au timbre de voix si particulier non sans rappeler Edith Piaf, et Ludo, tout deux au chant, entonnent avec brio et entre leurs titres « Espoirs déçus » et « Identité » de Camera Silens.

Les Cadavres enfoncent le clou de leur punk-rock et Jr Cony dégaine sa sélection pointue de vinyles durant les changements plateau. Enfin, et pour terminer, les Los Tres Puntos, laissant toujours la langue de bois au placard : ils sont antifascistes, anti-Sarkozy, anti-Erika, anti-Amoco Cadiz, plus récemment anti-Fukushima et ne s’en cachent pas en transmettant leurs idées sur fond de musique festive.

Essai transformé pour Max et Marsu, soirée très réussie et remplie de chaleur humaine, mais dis-moi Max…

Los Tres Puntos

D’ou vient le nom du groupe ?
« On cherchait un nom à consonance espagnole. Notre batteur de l’époque Greg, a évoqué le film « Les princes de la ville » où deux gangs du quartier chicanos de Los Angeles « Los Vatos Locos » et « Los Tres Puntos » s’affrontaient dans l’océan de la jeunesse tumultueuse des années 80. Le choix s’est porté sur Los Tres Puntos, signifiant les « les trois points », tout un symbole triangulé qui identifie clairement le groupe à une connotation de révolte. »

Et « Hasta la muerte », le titre de l’album ?
« Jusqu’à la mort… Cela  correspond bien à notre vieux groupe qui a commencé en 95 et qui, depuis 16 ans est toujours sur la route et se tape encore du ska-punk comme à ses débuts. »

Influences musicales et racines ?
« Au lycée, on écoutait tout ce qui était rock alternatif français des années 80. Nos racines sont dans ce rock, mais aussi le rock basque (Kortatu et toute cette frange-là). On était sensible au chant en espagnol, d’autant que notre chanteur est galicien. Les origines du groupe sont tout ce substrat-là et bien évidemment les Béru (Bérurier Noir) et le rock libre. A l’époque on ne savait pas jouer mais on en avait très envie. Ce que l’on avait saisi du rock libre c’est que tu pouvais prendre ta guitare, faire trois accords et dire ce que tu avais à dire, sachant que la couleur que l’on voulait donner rapidement était le ska. A l’époque, c’était un style complètement désuet puis on a connu ce truc un peu fou d’une tendance ska qui arrive. On était au bon endroit au bon moment. »

Que penses-tu des tendances justement ?
« Tu vis avec et tu les vois se faire et se défaire mais cela va de paire avec la longévité d’un groupe. On est toujours resté fidèle à ce que l’on faisait, mais il est amusant de voir les évolutions autour de soi. Malgré tout, on est un groupe bien assis et notre public reste fidèle. Au début, on a eu de la chance, c’était un concours de circonstances, le premier album est sorti au moment du flux ska, mais à tout flux de tendance il y a un reflux au moins égal. A l’heure actuelle le ska est redevenu un style périmé, on repart 15 ans en arrière mais il semblerait que le flux revienne, tu vis donc au gré des marées. »

Des difficultés pour sortir votre premier album ?
« On vient du rock libre et quand il a fallu faire l’album, c’est tout naturellement que l’on s’est mis en autoproduction. On a cherché un distributeur, on a géré tout le reste, l’album s’est bien vendu, c’était formidable pour nous. Du coup, on s’est retrouvé avec une puissance financière qui était intéressante pour la suite des évènements. C’est aussi le coté qui vient de nos racines, le côté indépendant alternatif. En aparté, à l’époque, c’était très tendance de dire que tu étais indépendant. Les gens étaient à 300% indépendants, tous en contrat avec un label indépendant mais ils étaient aussi très dépendants de ce label. A un moment donné, les musiciens avaient un discours très creux et très récupérateur de slogan sans en avoir vraiment l’âme. On était dans le même sac d’ailleurs, on a refusé des licences de production avec des labels et nous passions alors pour des fêlés. C’était vraiment une volonté de vouloir rester indépendants car, pour nous, c’était l’âme du rock libre. Quoi qu’il en soit, le discours était hermétique quand c’était la mode d’être indépendant. »

Si une major s’intéresse vous, vous y allez ?
« Absolument pas ! Sur l’album des « 10 ans fermes » sorti en 2006, au moment de la sortie, on a fait une entrée fracassante dans le top 200, ce qui était assez incroyable alors que nous étions en pleine crise du disque. Il y a eu un édito qui expliquait que les gens n’étaient pas contents (ceux qui battaient le pavé pour je ne sais plus quoi) et que c’était pour cela qu’ils achetaient du Los Tres Puntos… De toute façon, je ne pense pas que nous soyons intéressants pour les majors… mais honnêtement, on s’en fout ! On vient de l’underground et cela fonctionne différemment. Tout le sens du groupe repose sur le côté artisanal du rock, sur le côté « démerde » pour la maîtrise du projet artistique de A à Z. On écrit nos chansons, on compose nos musiques, on les enregistre, on les produit, on les presse, on se débrouille pour les diffuser, on les promotionne et on se fait tourner tout seul. Le seul intermédiaire que l’on ait eu depuis 15 ans, c’est un distributeur. Il reste l’unique parce que nous avons compris que l’on ne peut pas s’improviser VRP et bien évidemment, on a choisi un distributeur indépendant. »

Question bateau… qu’as-tu à dire sur l’évolution du marché de la musique ?
« Alors là, je peux en dire des tonnes ! En 15 ans, il s’est passé tellement de choses… On a connu l’arrivée d’Internet qui a été une vraie (r)évolution dans la diffusion de la musique. Maintenant tu poses un titre sur Myspace et un mec du Costa Rica l’écoute. Sans jamais avoir mis les pieds en Amérique du sud, on est très attendu là-bas et ce, depuis longtemps… la magie du Net… Par rapport au changement, cela fait dix ans que l’on vit la chute du marché du disque, et concrètement, on vend un peu moins de disques. On a donc été directement touché, mais on a continué notre autoproduction. Cependant, dans notre démarche très laborieuse, l’avantage c’est que l’on ne doit rien à personne. »

La crise du disque n’est-elle pas la crise des intermédiaires entre les artistes et le public ?
« C’est clair, mais cela dépend, nous sommes producteurs, on a juste besoin d’un distributeur donc le pourcentage sur le contrat est moindre, mais si tu es en contrat de production et qu’en plus ce n’est pas toi qui écris les chansons, tu ne touches pratiquement rien donc oui, les intermédiaires subissent la crise mais il faut rappeler qu’ils se sont gavés pendant des années et qu’ils se gavent encore… Pour moi tout ce coté crise du marché du disque c’est la chose contre laquelle on se battait il y a 15 ans. On chiait sur les majors et sur tout ce côté système de tubes où les mecs envoient de la merde qui finit disque d’or parce tout est maîtrisé : la diffusion, la promotion, les télés, les radios… Ils se faisaient un jackpot de ouf ! A un moment donné, c’était autant d’artistes qui n’allaient jamais sur scène ne vivant que sur des royalties et des ventes de CD. Maintenant si tu ne vis que sur cela, tu es bon pour aller retravailler. Aujourd’hui, un artiste qui travaille c’est un artiste qui va sur scène. »

En tant qu’indépendant le téléchargement illégal vous à t-il porté préjudice ?
« Pas directement mais les aires de vente ont fondu comme neige au soleil et quand tu vas dans les grandes surfaces de distribution pour voir les CD indépendants, il est clair que tu peux chercher les disques… Maintenant, la vente de papèterie et de merchandising est privilégiée et de fait, les mises en place sont bien moindres que ce que l’on avait, ne serait-ce qu’il y a 4 ans. Pour répondre à la question : oui, un peu… on presse moins de disques et puis c’est tout. »

Les concerts vous permettent-ils de sauver la mise ?
« On est un groupe de week-end et c’est blindé à chaque fois. Après, ce n’est pas à grand renfort de télé ou de radio, mais uniquement par le bouche à oreille. On a toujours été dans cette logique-là et cela fonctionne très bien pour nous. Un concert ramène un autre concert et parfois deux. Nous sommes un groupe de scène avant tout, de chaleur humaine et on a la chance de pouvoir sortir une production tous les trois ou quatre ans. Il est clair que là-dessus, on se fait plaisir, mais le but premier est de jouer. Sur ce point la crise du disque n’a jamais mis en péril le groupe puisque nos ventes de disques n’ont jamais financé l’ensemble.»

Que penses-tu des plateformes digitales ?
« On se demandait comment on allait se positionner par rapport aux plateformes de téléchargement légal ou illégal d’ailleurs, sachant que les cassettes audio on en a fait un paquet, alors crier haro sur le téléchargement gratos…. Si tu réfléchis bien, la logique est la même. Le flux est certainement plus important maintenant. A nos concerts, on voit une génération qui n’a jamais acheté un CD. Si j’avais 15 piges à l’heure actuelle est-ce que j’achèterais un CD ? Non. Au-delà de la diffusion c’est aujourd’hui un autre mode de consommation de la musique. En 2006, toujours pour les 10 ans fermes, il y avait cette polémique sur le téléchargement et certains affirmaient que pirater c’était du vol, etc. Actuellement, on peut acheter en légal au prix de 9.90 €, mais c’est n’importe quoi ! En tant que producteur, tu marges davantage à 9.90 en vendant en numérique qu’en vendant un album à 15 € dans les grosses boites. Les gars n’ont rien compris, le prix est abusif et ça, c’est vraiment notre cheval de bataille. OK, ils le font au début et ils s’aperçoivent que cela ne prend pas, faut pas se demander pourquoi : c’est trop cher ! Pourtant, 4 ou 5 ans après, on est toujours à  9.90 et ils sont toujours en train de chialer, en train de dire qu’ils ne comprennent pas, que la mayonnaise ne prend pas et que les gens sont des voleurs. Franchement, ils ne se rendent pas compte mais c’est beaucoup trop cher ! Les mecs cherchent à marger plus qu’ils ne margeaient avant alors qu’avant ils margeaient déjà comme des porcs. A un moment donné, faut capter et redescendre. On n’avait pas de contrat digital avec notre distributeur et il ne comprenait pas pourquoi, mais on avait toujours un problème avec le prix. On a demandé quel était le prix le moins cher que nous pouvions pratiquer. Le plus bas c’était 3.99 et 4.99, on a donc sorti notre back catalogue à 3.99 et le nouvel album à 4.99 sur les plateformes, voilà ! Pour nous,  c’est le prix juste. Si tu mets l’album sur les plateformes à 5 euros c’est parfait, tu n’as plus d’intermédiaire et la Fnac n’existe plus. Itunes ne prend quasiment rien, normal, ils préfèrent vendre des Ipod, donc voilà comment on se positionne par rapport à ces autres moyens de diffusion. »

Certains puristes n’ont-ils pas besoin de l’objet ?
« Si, mais cela concerne une autre génération, mais l’un n’empêche pas l’autre. Il y a beaucoup de supports maintenant, tu peux sortir en vinyle, en CD, en digital, le seul que tu ne trouves plus c’est la cassette, mais il n’est pas impossible que l’on en ait un revival. A chaque génération, tu as un support, mais ce qui saute aux yeux c’est que la génération 15/25 ans n’a jamais acheté un CD. Les ados ne sont pas attachés à un support par rapport à la musique. On ne peut pas faire comme si les choses n’existaient pas, au contraire, c’est une réalité et il faut savoir y faire face.
Les ingénieurs du son sont outrés par la façon dont les jeunes écoutent la musique et s’alertent réellement sur la régression du son. Tu te fais chier à enregistrer dans des studios improbables, à t’emmerder sur un poil de cul de fréquence pour avoir un spectre large et les ados écoutent avec un casque ou, carrément, avec le haut parleur du téléphone portable. Du coup, même si je n’aime pas dire ça, l’éducation de l’oreille se perd. Découvrir des petits détails d’arrangement, parce que l’artistique est là quand même, c’est génial, mais avec le portable tout est perdu. Les juniors peuvent passer à côté de quelque chose, ce qui est quand même très bête. Après, je pense que quand ils aiment vraiment un morceau, ils font l’effort d’aller chercher quelque chose pour l’écouter au mieux. Quoi qu’il en soit, les jeunes écoutent de la musique et c’est très bien. La crise du marché du disque n’est pas la crise de la musique. »

Tes aspirations maintenant ?
« Les mêmes qu’à 20 ans avec un peu plus de maturité, mais en plus passionné et avec plus de possibilités. On est parti sur une idée de rock libre dans notre version idéaliste. Avec les années et les concours de circonstances, on met des choses en place et le parcours fait que cela aboutit. A l’heure actuelle, on en est là et on vient de là. C’est un flambeau que l’on a repris, on ne nous l’a pas donné, on se l’est juste approprié. Pourtant, on n’est pas dans une tendance comme il y a pu en avoir en 80/90. A l’époque, les labels c’était carrément une autre force de frappe, Bondage c’était vraiment costaud. Cela a influencé moult choses et c’était une vraie révolution culturelle. A notre humble niveau, c’est quelque chose que nous vivons depuis 15 ans. La musique pour moi et c’est aussi ce que l’on fait avec les Los Tres Puntos. On l’idéalise (même si c’est quelque chose qui n’est pas vivant et que c’est une façon de déshumaniser) mais, en même temps, c’est un leitmotiv et on tend vers l’idéal. C’est très gamin bien sûr, mais on tente de préserver tout cela et du coup on n’est pas des arrivistes, on est des… continuistes ! »

« Hasta la Muerte » – Discograph
Disque en vente exclusivement sur : www.lostrespuntos.com

Texte et photos : Maho

 

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