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Patrick Foulhoux


A bientôt 50 ans, Patrick Foulhoux ne se refait pas : ex-directeur artistique de Spliff Records, maison de disques (Real Cool Killers, City Kids) et boutique, il a créé en 2010 Pyromane Records toujours en terre clermontoise. Aujourd’hui, il fonde la branche édition dont la première livraison sous forme d’abécédaire “Le fond de l’air effraie” traduit la dévotion du bonhomme à la musique du diable. Ce petit livre à petit prix (10 euros) s’avère un réservoir à (re)découvertes.

Pourquoi coupler maison d’édition de disques et de livres ? Une passion commune si j’en juge les auteurs cités dans ton abécédaire ?

Pyromane Records est un label rock. Par rock, on entend “culture rock” au sens large. Nous avions prévu, en lançant le label, d’intégrer l’édition littéraire et certainement d’autres activités par la suite. Je vis au milieu de milliers de disques et autant de livres, c’est mon univers, mon cadre de vie. La musique et la littérature sont complémentaires. La musique se réfère de tout temps à la littérature et lycée de Versailles. Je pourrais dire la même chose du cinéma, de la peinture, de la danse, des arts de la rue ou d’autres disciplines qui me passionnent et dans lesquelles on trouve souvent des attitudes plus rock que chez Pete Doherty et Strokes réunis qui, eux, en sont de toute façon, n’ont rien de rock !

Dans le grand livre du rock, privilégies-tu les géniaux “losers” aux belles (ou pas !) success stories ?

Je n’avais pas vu ça comme ça. Ce n’est pas un choix délibéré en tout cas. Pour moi, ce ne sont pas des losers, ce sont les véritables winners qui sont au sommaire du livre. Je voulais parler d’artistes dont on tait le nom par ignorance ou par méfiance, les sans-grades, alors qu’à mes yeux, ils comptent largement autant, voire plus parfois, que les “stars” fréquemment citées. Ce livre s’adresse à deux publics qui au final n’en font qu’un. D’abord aux initiés parce qu’on ne trouve nulle part ailleurs la plupart des groupes cités et à un plus large public si tant est que le rock touche un large public en France ; je reste pédagogique dans la démarche. J’explique au profane que le rock, c’est autre chose que ce dont on nous rabat les oreilles à longueur de magazines et de livres. Bien qu’obscurs, on peut trouver des groupes à sa pogne dans le monde merveilleux du rock le plus confidentiel. Mais peut-être ne suis-je attiré que par les losers après tout… Tu as peut-être raison. Le rock n’est-il pas affaire de losers dès le départ en provenant du blues ? Tout ça est subjectif. J’ai toujours considéré que Charles Bukowski était un “clochard céleste”, un loser. Maintenant que la cinquantaine approche, j’appréhende sa vision des choses de façon beaucoup plus optimiste… Au final, j’ai privilégié ceux que j’aime.

Qu’est-ce qui a déclenché ton projet ?

Au départ, c’est le rédac’ chef du fanzine Caf Zic, Yan Kerforn, qui m’a commandité un abécédaire. Comme nous voulions lancer l’édition littéraire avec Pyromane, on s’est dit que ça pouvait aussi faire office de petit livre pour débuter l’activité.

Comment définis-tu d’ailleurs le “client” idéal pour ton abécédaire et comment le sélectionnes-tu ?

La réponse est donnée dans le livre. J’ai pris un artiste emblématique pour chaque lettre selon mes critères sélectifs, gustatifs, qualitatifs et, je dois l’avouer, subjectifs. Le choix a souvent été cornélien. Tous les artistes cités à chaque fin de paragraphe pouvaient prétendre à être au sommaire. J’y reviendrai, t’en fais pas.

En décryptant ta biographie, peut-on dire que tu apprécies le rock et le vin tout autant charpentés, plus Graves / Pessac Léognan que Côtes du Rhône ?

J’aime tout ce qui possède du caractère. Je ne supporte pas la demi-mesure. Je suis plus accord majeur que septième diminué ! J’exècre la musique UMP, insipide, transparente, lisse et sans opinion, celle qui participe au lavage de cerveau afin de le rendre disponible. Le politiquement correct m’emmerde copieusement ! Qui ne dit rien consent. Ce qui ne veut pas dire que la musique doit être forcément méchante ou charpentée, elle doit juste être épicée. Quand Marvin Gaye chantait “What’s going on”, on ne peut pas dire que c’était “charpenté” et pourtant, le texte, cramponne-toi, il y avait une véritable prise de position face à la guerre au Vietnam en cours… Qui prend position aujourd’hui face aux terribles menaces que la politique française fait courir au pays, tant en terme politique, social, économique que géopolitique ? Didier Porte et Stéphane Guillon peut-être… En tout cas, dans le monde de la musique, personne ne moufte ! On attend de vraies prises de position de la part des musiciens en général et des prétendus rockers en particulier. Être rock est forcément un acte militant, ce qui ne veut pas forcément dire être politiquement engagé, mais à un moment, le rock doit véhiculer une certaine forme de rébellion, sinon, ce n’en est plus… Désolé de dire que les vins de Bordeaux et de Bourgogne se sont tellement fourvoyés à l’époque où ils détenaient le monopole sans partage qu’ils sont aujourd’hui supplantés par d’autres vignobles qui ont beaucoup progressé en faisant des efforts sur la qualité. Je pense aux vins du Languedoc ou certains vins de Loire. Les Languedoc ont ma préférence. Je te propose d’en discuter chez mes deux cavistes à Clermont-Ferrand, j’en ai un spécialisé en Languedoc et l’autre en Loire qui est aussi mon dealer de whisky, non tourbé s’il te plait merci.

Les Stooges connaissent un succès, certes relatif, mais conséquent depuis leur reformation. As-tu hésité avant de les inclure dans ta sélection ?

La reformation des Stooges n’a pas été une réussite en terme discographique. Je n’hésiterai jamais une seconde avec les Stooges, “Fun house” reste mon disque de chevet, si je ne devais en garder qu’un, ce serait cet album qui à lui seul résume les trois-quarts de ma discothèque. Je me fous de la notoriété ou pas d’un artiste, seule sa qualité m’importe. Je n’ai pas sélectionné des obscurs par snobisme, je ne suis pas parisien, je suis clermontois !

A en juger ta collection de vinyle sur quatrième de couverture, l’ouvrage aurait pu compter nombre d’entrées supplémentaires ?

Comme je disais précédemment, c’est un petit livre pour amorcer Pyromane Books. Je suis en train d’écrire un pavé qui va faire frémir ! Une sorte de “ma discothèque idéale”. Ce sera bien évidemment dans la même lignée que “Le fond de l’air effraie”. Tu peux déjà te faire une petite idée de quoi traitera l’ouvrage en lisant les listes de noms à chaque fin de chapitre du “Fond de l’air”. À l’allure où vont les choses, ça devrait sortir en 2012. Entretemps, on sortira d’autres livres avec d’autres auteurs.

Prévoies-tu un tome 2 ?

Non, mon prochain ouvrage sera cette “discographie idéale” qui porte déjà un titre choc ! J’ai déjà des idées d’autres livres traitant de rock de façon peu conventionnelle.

Tu fais beaucoup référence au formatage du rock, ayant par ailleurs atteint des sommets ces dernières années avec la hype garage. Le rock se doit-il de conserver une part de subversion et d’anticonformisme ?

C’est marrant que le premier style qui te vienne à l’esprit à propos de formatage soit le garage… Il y a des styles autrement plus formatés me semble-t-il. Par formatage, j’entends aussi produit “marketé”. Et s’il n’y a pas une part de subversion ou de souffre, peut-on encore parler de rock ?

L’exploitation du rock comme n’importe quel produit de consommation, les écoles de rock, est-ce que cela présente tout de même quelque(s) avantage(s) ?

Parfois, j’ai une réaction capitaliste à l’anglo-saxonne vis-à-vis de la musique. C’est un produit de consommation comme un autre, il faut le traiter comme tel. Et souvent, j’ai une approche plus sociale, plus française. La musique est une discipline artistique. Elle appartient à la culture. Qui dit Culture dit Enseignement et je ne voudrais pas tomber dans le piège tendu par la droite dure qui nous gouverne, à savoir intégrer la Culture à l’Enseignement. Pourtant, je considère que quand on est adulte, toutes les disciplines artistiques contribuent à enrichir notre culture générale, c’est notre formation continue d’adulte. Toutes les disciplines ont une fonction pédagogique. Ma réponse à ta question est une réponse de Breton, le rock n’est pas un produit de consommation et pourtant un peu si, je serais mal placé de dire le contraire en ayant monté un label de disques…

Propos recueillis par Vincent Michaud
Photo : Emmy Etié

www.pyromanerecords.com

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