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10 Fois Florent Marchet / N°3


Renforts sur la face Est

16 octobre 2009, Studio Nodiva, Paris XXème.
Je pensais Florent seul. Je l’avais prévenu que si mon rendez-vous se terminait tôt, je ferais un crochet par son studio. L’attachée de presse ne s’était pas trompée dans ses calculs. Les écoles ne sont pas encore à l’heure de la sortie et mon interview touche à sa fin. Sans stress, sans précipitation. J’ai hâte de voir où en est « Courchevel ». L’enregistrement est sur un bon rythme. Les chansons, au nombre de dix pour le moment, se peaufinent doucement. Florent les fignole au gré des idées, des frustrations. Les discussions avec les maisons de disques progressent et il table sur une sortie au début de l’année 2011. L’album sera court, m’a-t-il assuré. Comme les plus grands bonheurs.

Une fois passée la rue du Cher, je longe les murailles du Père Lachaise. Les feuilles des marronniers sont d’un jaune insensé. La rue trépigne dans sa vacuité et de l’autre côté du mur, tout est calme. A l’écart du monde, le studio Nodiva a retrouvé sa physionomie habituelle. Tout est impeccablement rangé. Le Pleyel acajou garde l’entrée de cette caverne aux trésors. Il y dort plus de claviers, plus de cordes que de doigts aux deux mains. « Vertige de l’amour » de Bashung et « Chante » des Forbans voisinent. Ce sont les deux premiers 45 tours achetés par Florent. Je le pensais seul, mais derrière le sofa, une silhouette en bras de chemise à carreaux lève le camp. « Sylvain, je te présente Rémi Alexandre » « Enchanté » « Enchanté ». Une barbe noire mange ses joues. Ses yeux se posent fugacement, puis se dérobent. Pas un sourire, cette fois-ci. Il vient de jouer sur les chansons « Courchevel » et « Qui je suis », il remballe. Je retrouve cette réserve méfiante, un poil sauvage, que je lui connaissais. Sur scène, on ne peut pas manquer Rémi Alexandre. Talentueux guitariste, claviériste, choriste de Syd Matters, c’est ce que l’on appelle un beau mec, mais surtout quand il joue, on a l’étrange sensation que la musique l’a complètement et exclusivement ravi. Il est alors un bloc magnétique. Présent et ailleurs, à la fois. Je l’avoue, je suis un peu étonné de le trouver ici. Je sais toute l’admiration que Florent nourrit pour les albums de Jonathan Morali et de sa bande, mais spontanément, je ne les aurais pas associés. Manque incorrigible d’imagination. Après tout, Rémi et Florent pourraient faire sonner la plus fêlée des cloches. Ils ont en commun ce sens de la musicalité dense, ce soin sourcilleux porté aux arrangements et ce goût primordial de l’émotion transmise, évoquée. Alors…

Avant de partir, Rémi propose à Florent d’emporter quelques pistes, de travailler chez lui et de lui faire des propositions. Une rapide poignée de main à chacun, et il file. Des mois plus tard, avant que l’été ne s’éteigne avec septembre, Rémi me confiera : « Ce qui m’a touché chez Florent, c’est sa solitude. « Courchevel », il l’a construit tout seul dans son studio, malgré les difficultés. Il n’a eu de cesse d’avancer, de suivre son idéal et en même temps, il était très demandeur. Ça a été très facile de travailler avec lui. Il suffisait de lui proposer et d’essayer », avant d’ajouter : « Nous avons la même peur de l’échec. Il doute beaucoup. Il se questionne beaucoup. Il ne s’assoit pas sur son savoir pour vous dominer ; non, il se renouvelle, il échange. Et malgré ces doutes, il a réussi à me mettre à l’aise pour que je puisse m’exprimer sans rougir. Il m’a donné confiance. Travailler avec lui a été une bouffée d’oxygène. »

« Courchevel » n’est pas signé. Et pourtant, par amitié, par conviction, par curiosité, de nouveaux compagnons de cordée suivront Florent : Seb Martel, Cédric Leroux, remarquable guitariste de Joseph d’Anvers et de Phoebe Killdeer, le contrebassiste Edouard Marie, le trompettiste Nicolas Legrand se relaient au studio Nodiva. Dans le sillage de Rémi, viendront aussi son camarade de chambrée, Jean-Yves Lozac’h, le bassiste de Syd Matters, et un de ses amis, le tromboniste Yann Lupu. Avec eux, la palette s’élargit. Des horizons se découvrent, des chemins se dévoilent. Ces visages en plus sont des impasses en moins. Ils permettront à Florent de mener jusqu’au bout ses idées, de dénouer ses insatisfactions, de donner à chaque titre l’épaisseur désirée. Pourquoi m’en étonnerais-je ? J’étais prévenu. « Enregistrer ce que j’entends comme je l’entends ! », m’avait-il dit, il y a déjà des mois.

Vous venez de lire un moment de la vie de « Courchevel ». Lire la chronique de l’album

Sylvain Dépée / Photos Guy Fasolato

Episode n°3 sur 10.

Pour voir le n°2 cliquez ici.

A suivre…

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