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10 Fois Florent Marchet / N°2


Premiers de cordée

6 septembre 2009 – Studio Nodiva, Paris XXème
L’été a été tranquille. Pas l’ombre d’une canicule. Il fait encore beau. Encore, chaud. Nous sommes dimanche matin, lendemain de fête. Rendez-vous au studio Nodiva, que Florent Marchet a créé en 2007. Un outil de travail qui lui a permis d’enregistrer en toute indépendance, la partie musicale de « Frère Animal » et de coréaliser « Moi en mieux », le dernier album de Clarika. Il est presque dix heures et nous allons enfin pouvoir parler de ce troisième album solo, baptisé « Courchevel » ! C’est d’ailleurs l’un des titres que j’ai reçus quelques jours plus tôt par mail. Six maquettes, sacrément prometteuses. On y retrouve « Qui je suis », « L’idole » et « La charrette ». Le terrible « Roissy » a disparu. J’ai survolé la chanson éponyme. Elle manque de tonus à mon goût. Je n’y ai pas entendu tout le drame qui s’y noue. En fait, mon attention a été attirée, accaparée par un étonnant « Benjamin », une chanson comme la chanson française n’en a pas produit depuis vingt ans, avec claps synthétiques et basse groovy. Je pense à Jacno, à cette tristesse dansée. Et surtout, je me suis entiché de « L’eau de rose ».

Il est dix heures, ce dimanche matin. C’est l’heure du café. Je préviens par SMS que j’arrive avec les croissants et que je ne serai pas contre une tasse de caféine pour me réveiller. Je signe : « L’ami Ricoré ». Je remonte l’avenue Gambetta. Les bogues commencent à tomber des marronniers ; elles s’éclatent sur le goudron déjà tiède. Au terme d’une petite suée, je suis devant l’adresse du rendez-vous. 28A10 puis 53B44. Je prends à droite sous l’escalier, entre dans la minuscule courette et sonne. Florent ouvre. Il a les yeux rieurs. Je lui tends les viennoiseries et le suis dans cette ancienne loge devenue cocon. Le Pleyel acajou qui d’habitude vous accueille, a été remisé dans une alcôve. J’aperçois Guy Fasolato, « militant bénévole » de « Courchevel », assistant de Florent Marchet (qu’il a connu à l’âge de cinq ans) et Jiminy Cricket à ses heures, en train de régler un micro perché au-dessus la batterie de Bertrand Perrin. Un peu plus loin, derrière le sofa et devant les écrans d’ordinateurs, Erik Arnaud assure la prise de son. C’est le cinquième jour d’enregistrement. Ils ont commencé depuis une bonne heure et ils sont en avance sur le programme – la veille, Bertrand Perrin a fait des merveilles. Rien ne s’oppose à la pause… Capsule / Sucre / Bouilloire / Tisane / Déca ou pas. On s’installe autour de la table basse. L’ambiance est joyeuse, voire gaillarde. Il faut dire que ces quatre-là se connaissent depuis longtemps. Ils ont porté haut les couleurs du Rio Baril Racing Club, mis en voix « Fantaisie littéraire », puis « Frère animal », joué les petites mains sur le premier EP de La Fiancée. On se taquine, on se chambre, mais surtout on se comprend à demi-mots. On va vite et bien. Avant de se réatteler à la tâche, Florent me lance : « L’ami Ricoré, tu l’as fait exprès ? ». Je ne saisis pas bien et je ne sais pas trop quoi répondre. Florent enchaîne : « Non, parce que dans une des dernières chansons, « La famille Kinder », il est question de l’ami Ricoré ! Il faudra que je te la fasse écouter… ».

Pour le moment, l’heure est à « Hors piste ». Partie serrée. C’est l’instrumental de « Courchevel ». Moins de deux minutes placées théoriquement aux trois-quarts de l’album. Une course effrénée. Une Aston Martin filant à toute vitesse sur les routes sinueuses de Nouvelle-Ecosse. Le vent dans les arbres, les nuages, le frémissement de l’eau au passage de la voiture, les changements de plans et de cadres, ce seront les programmations, les effets, les cuivres. Mais, la route, le bolide, c’est la batterie. Le piano, lui, ne sera que le carburant, la pédale d’accélérateur. Je mets mon casque. Sept prises, une seule à jeter.

On enchaîne très vite avec un autre « gros morceau » : « Narbonne-Plage », l’histoire d’une noyade de deux enfants dans l’indifférence vacancière. Réminiscence d’un souvenir d’enfance, écho d’une scène de « Sweet Home », le roman d’Arnaud Cathrine. Là, ce qui entraîne loin du rivage le canot pneumatique, c’est un orage, aussi violent que soudain. C’est le climax de la scène. A Bertrand Perrin de donner de l’explosivité, de l’imprévisibilité à cet orage. Il s’agit d’être évocateur, sans être naturaliste. Les choses semblent entendues. Peu d’indication, peu d’explication. Si ce n’est pas à mon endroit pour que je comprenne le dispositif technique : on utilise un « overhead » et un « room » pour donner de l’épaisseur à la mise en scène. Mais, bien sûr… Je chausse à nouveau mon casque. J’entends la voix de Florent et immédiatement se superpose celle d’Alain Souchon chantant « La vie ne vaut rien ». Intonations communes. Le tonnerre des baguettes sur les peaux, les nuages noirs qui s’amoncellent et grondent au loin, me rappellent à l’ordre. La prise est bonne. On la double par sécurité. Et alors que le logiciel sauvegarde les pistes, un voyant rouge s’allume. Un invité sonne à la porte. C’est Firmin Michiels, l’éditeur de Florent Marchet, directeur de Strictly Confidential, compagnon de route d’Arno, notamment. Une visite de courtoisie à l’heure du déjeuner.

Dans l’après-midi, je découvre « La Famille Kinder », un titre poptronics avec un son moelleux et un groove imparable. Mais, pendant que j’écoute, je vois qu’on perd Florent. Quelque chose le chagrine. Une ligne de basse ne lui convient plus. Il appelle à la rescousse un autre membre du Rio Baril Racing Club, François Poggio. Répondeur. Il laisse un message. Sans manager et privé des équipes d’une maison de disques, Florent s’appuie sur son entourage. Aude, son épouse, et son ami Arnaud Cathrine seront d’inflexibles conseillers artistiques. Il fera appel aussi aux amis comme le trompettiste et violoniste Frédéric Baudimant, qui comme lui, Erik Arnaud, Bertrand Perrin, François Poggio, vient du Berry. Dans les chœurs, on retrouvera également des proches : La Fiancée, Valérie Leulliot, Nicolas Martel. Ce sont autant de voix, de jeux, de nuances, de couleurs que son esprit a étalonnés. Mais, ce sont surtout des emprises avec le réel, des havres, des réconforts. Parce que Florent Marchet a besoin de ce mouvement collectif pour éviter que l’album ne naisse de la seule confrontation à l’intime, au quant à soi. Les premières chansons ont déjà plus de neuf mois, et d’ici à la sortie, en 2010, la route risque d’être longue.

Vous venez de lire un moment de la vie de « Courchevel ». Lire la chronique de l’album

Sylvain Dépée / Photos Guy Fasolato & Nicolas Messyasz

Episode n°2 sur 10.

Pour voir le n°1 cliquez ici.

A suivre…

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