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Les Cowboys Fringants


Western moderne

Les Cowboys Fringants vivent une histoire d’amour peu commune avec leurs fans québécois. Avec un sixième album nommé L’expédition, les voilà enfin prêts pour de nouvelles conquêtes. Une proposition qui conjugue fête avec fraternité.

Les cowboys et leur destins solitaires ont généralement mauvaise réputation ? C’est que vous ne connaissez pas Les Cowboys Fringants, groupe québécois originaire de Repentigny qui a tracé son chemin vers le succès. Une traversée qu’ils ont façonné sans visiter les grands plateaux télévisés de la variété, une véritable histoire basée sur le bouche-à-oreille et le support indéfectible de leurs adeptes. Aujourd’hui, cette bande de quatre musiciens a vendu plus de 500 000 disques, a joué devant plus d’un million d’individus et a parcouru des centaines de milliers de kilomètres afin de réaliser tous ces exploits.

Alors qui sont ces Fringants, véritables phénomènes québécois qui ont révélé que les chemins de traverse sont aussi efficaces et payants que les autoroutes du show business ? Un groupe d’amis, trois gars et une fille, qui se sont réunis avant tout pour chanter et composer une musique aux saveurs locales bien prononcées et ce, depuis maintenant douze ans. Ce parfum du Québec, il est senti tant dans les textes, les personnages et les histoires racontées, que dans les airs véhiculés, des chansons aux teintes folk, également country ou folklorique. Le chanteur Karl Tremblay commente : “On vient de la région, de Beauce, le berceau du folklore. Alors, oui, il y a des éléments de trad dans notre musique, mais ils sont essentiellement apportés par la présence de notre multi-instrumentiste à nous, Marie-Annick Lépine et ses violon, accordéon et mandoline.” La guitariste Jean-François Pauzé, également le principal compositeur et auteur du groupe, précise : “On a un son à nous qui ne ressemble pas à celui des groupes purement traditionnels. En plus, les textes restent toujours contemporains, ancrés dans le présent. Mais bon, c’est certain que nous sommes un métissage d’influences et que ces influences nous éloignent de ces pastiches de groupes pop à l’américaine.”

La route vers le succès

A leurs premières heures, Les Cowboys Fringants retiennent l’attention grâce leurs chansons truffées d’humour, remplis de personnages et de références québécoises, parfois kitsch, souvent populaires et rassembleuses. Autoproduit en l’an 2000, “Motel Capri”, qui suit alors des sorties plutôt confidentielles, permet une véritable percée, une première tournée à travers la province, et donc une prise de conscience fondamentale pour le groupe : “On a réalisé que l’on avait une tribune, un public, des gens qui nous écoutaient en spectacle, rapporte Marie-Annick Lépine. On s’est alors dit qu’on pourrait raconter autre chose que des niaiseries et des personnages qui se font avoir dans le buisson. On en a ensuite profité pour avoir un discours et raconter notre vision du monde.”

La suite des choses, “Break syndical” (2002), affiche inévitablement des chansons à caractère engagé, des pièces-phares tel “En berne” qui met en perspective le désir de l’indépendance au Québec ou encore “La manifestation” qui relativise l’impact de ce type de regroupement. Evidemment, les fameuses ritournelles autour de singuliers personnages s’y retrouvent toujours. Surtout, “Break syndical” signale un changement de vitesse. Le groupe explose et rencontre un succès sans précédent. Les réussites sont nombreuses : des tubes joués pour une première fois sur les radios commerciales, 153 spectacles à travers le Québec, un spectacle au gigantesque au Centre Bell qui contient 20 000 spectateurs, une salle comble à l’Elysée Montmartre de Paris. Le successeur né en 2004, La Grand-Messe, révèle la solidité de cet engouement. Les Cowboys remplissent La Tulipe, une salle de Montréal durant 16 soirées consécutives, ils renouvellent l’exploit du Centre Bell et vendent plus de 230 000 albums. Le groupe n’a plus rien à prouver. Ils établissent un son qui a visiblement fait ses racines à travers la province.

La nouvelle expédition

Pour leur tout dernier disque paru cet automne 2008 nommé “L’expédition”, la bande raffine son style. Elle délaisse les propos sociopolitiques ou engagés pour faire place à une plume teintée de poésie, d’histoires touchantes telle la pièce “La tête haute” qui rapporte le combat d’un adolescent malade : “On ne voulait pas se ramasser avec un tas de chansons disparates comme à l’habitude, un ramassis de chansons rigolotes, nostalgiques, d’autres à caractère politique ou poétique, relate le bassiste Jérôme Dupras. On a cherché un fil conducteur, celui de l’expédition, un clin d’œil aux différents chemins de vie. C’était pour nous une nouvelle étape à franchir, celle d’avoir un album plus homogène.” Marie-Annick Lépine appuie : “”L’expédition” est un album tout aussi profond et engagé puisqu’on parle de sujets qui portent à réflexion, comme la dépression, la mort par la maladie, le malheur du pêcheur qui manque de ressource et qui voit ses enfants déménagés.” Pour ce, une sélection a été réalisée sur l’ensemble de 30 chansons écrites et composées par Jean-François Pauzé. Avis aux intéressés. Les tranches musicales plus humoristiques restent disponibles via un disque, “Sur un air de déjà-vu”, uniquement en vente sur Internet.

Les Cowboys évoluent. La notion de l’engagement se vit maintenant différemment : “Après douze ans de discours et de chansons engagées, tu constates que c’est dans l’action que le changement se vit. On avait aussi le goût d’être transparent et conséquent face aux propos que nous tenions.” Résultat? Le groupe crée en 2006 sa propre fondation, un levier pour ramasser des fonds par la vente de disques et de billets de spectacle dans le but de minimiser l’impact de la culture sur l’environnement. Leurs engagements? La préservation de territoires afin de limiter l’étalement urbain, minimiser la diffusion de dioxyde de carbone émises lors des déplacements du groupe et des fans en tournée par la plantation d’arbres, ainsi que le financement de bourses d’études supérieures en environnement. Mêmes les déplacements européens sont comptabilisés grâce à l’organisme Planète Urgence qui plante un arbre par billet vendu.

Pour “L’expédition”, le groupe compte encore une fois visiter la France, la Belgique et la Suisse, des voyages qui, à chaque fois, permettent de gagner de nouveaux adeptes. L’album précédent, “La Grand-Messe” s’est vendu à plus de 50 000 exemplaires en France, et ce, sans pourtant retenir l’attention des radios : “Dans le reste de la francophonie, on est encore underground, marginal, malgré le petit succès que l’on rencontre depuis 2003, explique Jérôme Dupras. Ça marche bien en Bretagne, à Genève, à Lyon. Mais, il n’y a pas de secret. Le bouche-à-oreille fait son effet à partir du moment où nous y sommes allé trois fois, et ce, sans l’aide des médias.”  Le défi, cette fois-ci, est de taille. Un pari comme Les Cowboys Fringants les aiment. Il sera question de remplir l’Olympia de Paris, une salle mythique pour plusieurs Québécois qui ont rencontré dans le passé un certain succès dans l’Hexagone. Encore une fois, le groupe compte en grande partie sur ce réseau tissé serré de fans qui ont fait et font encore toute la différence. Si le forum québécois des Cowboys compte un million de visites uniques, les Cousins Fringants s’assurent aussi que la bonne nouvelle se propage à travers l’Europe. Ces fans ont initié un réel réseau d’entraide, d’échanges tels des services de covoiturage lors des spectacles.

On pourrait se surprendre que les Cowboys, un groupe aux racines québécoises si manifestes, trouvent écho de l’autre côté de l’océan. Lors de leur premier spectacle à l’Elysée Montmartre, le public, principalement des Français, chantait pourtant les paroles des Cowboys, une réalité assez surprenante vu que les disques n’étaient alors pas encore distribués. Marie-Annick a aujourd’hui une explication : “On a compris par le suite que c’était grâce aux disquaires québécois qui recommandaient nos disques aux Français qui étaient de passage chez nous.” Si la situation les avait bouleversés, les Cowboys comprennent aujourd’hui un peu mieux le phénomène. “Moi aussi, j’aime les spectacles où je voyage, qui me révèle une culture autre que la mienne, expose Marie-Annick. En fait, celui qui tente de ressembler à un Québécois sans l’être vraiment ne m’intéressera pas.” Karl Tremblay voit au-delà des différences. “Il y a peu de différences entre le public d’ici et de l’Europe. Dans les deux cas, les gens débarquent dans un gros party québécois. On est là pour avoir du plaisir.” Car les Cowboys Fringants, c’est aussi l’art du rassemblement, de la célébration en bonne compagnie, une expérience qui se vit dans le feu du spectacle.

Les Cowboys en chair et en os

Un mercredi soir d’automne. Les Cowboys Fringants se préparent pour le premier spectacle de la tournée de “L’expédition”. Ou presque. “La semaine dernière, on réalisait un spectacle bénéfice afin de récolter des sommes d’argent qui seront utilisées pour compenser l’émission de gaz carbonique émis par nos spectacles admet, Marie-Annick Lépine. C’était la première rencontre. Et là, j’étais stressée… Je me demandais comment nos fans allaient accueillir notre nouveau disque. En moins d’un mois, j’ai vu qu’ils connaissaient déjà les paroles de nos chansons. Je n’en revenais pas….”

Marie-Annick dit vrai. Les Cowboys débutent la première partie du spectacle avec plusieurs nouvelles pièces de L’expédition. D’emblée, il n’y a aucun sentiment de dépaysement devant ces ballades qui semblent d’instinct appartenir au répertoire des Cowboys. Preuve. Le public, composé de jeunes au parterre, et de plus vieux, voire même de parents assis dans les gradins, s’enthousiasme, se lève debout, chante sans retenue sur ces airs nouveaux. Difficile d’imaginer qu’il s’agit là d’une première rencontre avec leur public.

La deuxième partie du spectacle se veut plus enflammée, axée sur ces chansons qui font danser, suer, gigoter tous les membres du corps. Les Cowboys enchaînent sans répit leurs plus grands succès, “En berne”, “Les étoiles filantes”, “Toune d’automne”, “Ti-Cul”. Les réponses sont instantanées. Plusieurs se mettent au rigodon – une danse folklorique québécoise -, d’autres tapent du pied, les plus audacieux tentent des plongeons dans la foule. Le tout a des allures de grande messe, une communion évidente qui révèle l’amour inconditionnel qui relie le groupe à ses fans et les fans à leur groupe.

Le chanteur Karl Tremblay, en entrevue nous disait être “fantaisiste ” n’a pas tort : il sait rigoler, parler au public qui lui lance des barres de chocolat sur la scène. Il répond aux demandes spéciales et annonce même les jubilés de la soirée. Dans la foule, on reconnaît un chandail, celui des Cousins Fringants, un dénommé Ben qui porte le numéro 7 comme s’il était membre d’une équipe de hockey, sport national au Québec. Le Français dans la fin vingtaine s’est inscrit à ce fan-club européen suite à un voyage-stage au Québec. Aujourd’hui, il s’est installé dans la belle province et nourrit toujours des liens avec ces Français, Belges et Suisses qui ont adopté les Cowboys : “C’est un véritable réseau de fraternité. Je me suis fait comme ça un tas d’amis. Tu peux même te trouver un lit pour une soirée quand tu voyages.” Un cowboy reconnaît toujours un autre cowboy.

Sarah Lévesque
Photo: Fred Marvaux

“L’expédition” – La Tribu

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